Image: Courtoisie de CNS
Récemment, la Conférence des évêques catholiques du Canada a publié un document intitulé Une Église en dialogue : Vers la restauration de l’unité entre les chrétiens à l’occasion du 50e anniversaire du décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II (1964-2014). Il s’agit d’un magnifique instrument qui présente les critères d’un dialogue authentique et décrit l’état de situation non seulement de l’Église au Canada mais également de l’Église universelle. Bien qu’exigeant au point de vue de la lecture, le document me semble incontournable pour bien comprendre l’histoire du mouvement œcuménique au Canada et tracer des perspectives d’avenir.
Dans un premier temps, on y retrouve une synthèse très dense des différents principes qui doivent guider le dialogue entre les chrétiens de sorte qu’il soit efficace et véritablement orienté vers la restauration de l’unité de tous les chrétiens. Dans un deuxième temps, on y manifeste bien comment l’unité entre les hommes trouve ses racines dans la Communion des Personnes (Père, Fils et Esprit Saint) dans la Trinité. En effet, puisque nous prenons part à la communion des saints, « nous sommes appelés à être une Église en dialogue parce que le Dieu Trinité est entré en dialogue avec nous et a partagé avec nous la mission du Verbe incarné dans le monde » (p.2).
Devant cette réalité spirituelle de la communion des saints à laquelle tous les chrétiens appartiennent réellement bien que, jusqu’à la Résurrection, elle ne soit pas encore réalisée parfaitement, nous avons le devoir de travailler à la manifester cette unité fondamentale par le dialogue entre chrétiens. Ce dialogue sera caractérisé par « la clarté, la douceur, la confiance, la prudence pédagogique […] Le dialogue ne peut advenir que dans un climat d’amitié, de respect et de service, ouvert à toutes et à tous; jamais il ne transige avec la vérité; il exige sagesse, savoir, discernement; toujours guidé par l’espérance et l’amour, il se construit sur la liberté »[2]. Ce qui me frappe le plus dans la première partie de ce document, c’est l’importance qu’il accorde à la bonne attitude pour qu’un authentique dialogue soit possible. Ce qu’il appelle « l’exigence qu’on fasse de la place au point de vue de l’autre; qu’on écoute vraiment […] en souhaitant et même en escomptant apprendre de l’autre »[3] est selon moi l’un des grandes amélioration des cinquante dernières années. Par exemple, un de mes oncles me disait que lorsqu’il était jeune on lui avait dit de ne pas parler aux enfants d’une des familles de sa rue parce qu’ils étaient protestants. Le contraste avec ce que nous considérons aujourd’hui acceptable et comme reflétant une attitude véritablement chrétienne montre bien le chemin qui s’est fait depuis ce temps. Sans le Concile Vatican II, un tel changement n’aurait pas été possible.
La deuxième partie du document propose une élaboration précise de ce que signifie, pour les communautés chrétiennes, être en dialogue. Dans un premier temps, on doit remarquer que cette notion de « dialogue » est aujourd’hui utilisée à toutes les sauces. Selon moi, c’est la raison principale pour laquelle la CECC a décidé de le présenter en faisant trois distinctions. En effet, le dialogue peut être d’abord compris comme « dialogue d’amour » (p.9). Il ne concerne pas seulement les représentants officiels mais tous les membres des communautés. Ce nouveau contact avec l’autre, qui a appris à vivre sa foi en Jésus-Christ d’une manière différente, aura pour conséquence positive un réexamen réciproque de notre propre correspondance aux motions de l’Esprit Saint. Le deuxième sens est le « dialogue de vérité » (p.11) qui est défini comme un « dialogue mené par des experts bien informés, où chacun explique à fond la doctrine de sa communauté et montre de façon claire ce qui la caractérise » (no 4). Cette deuxième façon de comprendre le dialogue ne doit jamais être écartée puisque sans elle, le dialogue serait réduit à de pure convention sans réel souci de connaître la véritable volonté de Dieu. C’est en ce sens que la recherche de la vérité ne doit pas être vue comme un obstacle à l’unité des chrétiens. Par exemple, les catholiques engagés dans cette forme de dialogue doivent garder en tête que « l’Église catholique relève, à des degrés divers, l’absence d’éléments essentiels chez ses partenaires dans le dialogue » (no 4).
En ce sens, le document dresse une liste d’exemples concrets d’avancées en matière d’œcuménisme qui ont été réalisées au Canada depuis les cinquante dernières années. De ce deuxième sens naît un troisième qui est le « dialogue de vie ». De fait, en se basant sur une « certaine communion déjà existante, même si elle est imparfaite » (no 36), il est possible de se réunir pour prier ensemble ou pour faire des gestes de communion. La présence de l’évêque anglican de Québec Dennis Drainville lors du pèlerinage sur les pas des deux nouveaux saints Marie de l’Incarnation et Mgr François de Laval en est un bon exemple. Lors d’une conférence de presse à la Salle de Presse du Vatican, je lui ai posé la question de la possible reconnaissance de ces deux figures par la Communion anglicane, il m’a répondu que lui-même considérait ces deux saints comme d’authentiques modèles pour la vie chrétienne anglicane. Voilà un bon exemple de ce dialogue de vie c’est-à-dire d’une reconnaissance commune des dons que Dieu fait au monde. Cela nous invite à « sortir de nos silos pour apprendre à vivre ensemble notre vie et notre mission chrétiennes » (p.18).
Je recommande la lecture et l’étude de ce document. Il nous permet d’avoir une idée claire sur la réalité du dialogue œcuménique et des grands pas franchis au cours des cinquante dernières années au Canada. De plus, il présente certaines clarifications nécessaires pour bien comprendre ce que signifie ce mouvement pour l’Église. Sans nier les défis qui se présentent devant nous, il ouvre la porte à davantage d’entreprises pour nous connaître et nous rapprocher les uns des autres.
[2] Bienheureux Paul VI, Encyclique Ecclesiam Suam (70-108)
[3] Discours à la classe dirigeante brésilienne à la JMJ 2013; cf. Allocution à la Civiltà Cattolica, 2013; Message pour la 48e Jounrée mondiale des communications sociales, 2014; EG 31.