Un jour, un prêtre racontait à Henri Nouwen qu’il avait annulé son abonnement au New York Times. En effet, il ne voyait que du mal dans les articles qu’il lisait chaque jour. Les histoires le bouleversaient à tel point qu’il avait de la difficulté à prier et à trouver la paix. Le père Nouwen a écouté le témoignage de ce prêtre avec tristesse, « car cela suggère que ce n’est qu’en rejetant le monde que nous arrivons à vivre [dans le monde] » (Nouwen, Reaching Out).
Suite aux attentats à Paris, vendredi dernier, j’étais moi aussi profondément bouleversée et choquée. Je l’étais d’autant plus que cet événement vient s’ajouter aux multiples injustices qui arrivent dans le monde des mains de l’État Islamique. Leurs actes terroristes font les manchettes chaque jour. En voyant tant de violence et de barbarie, nous sommes parfois tentés de nous fermer les yeux devant le mal car s’y confronter apporte bien des douleurs et son lot de souffrances.
Cependant, une foi authentique exige que nous soyons conscients de ce qui nous entoure pour donner une réponse juste aux événements et pour réaffirmer notre propre liberté. Cette force, c’est dans une confiance totale en Dieu que nous la trouvons. L’explication chrétienne à la question du mal dans le monde n’offre toutefois pas de réponse facile. Elle donne lieu à la réflexion pour nous amener à traiter la source du problème, où la vraie bataille se livre c’est-à-dire dans le cœur humain.
Le père Henri Nouwen nous dit que « tout ce qui est et tout ce qui arrive devient le fondement de notre contemplation et de notre méditation et nous invite à une réponse libre et courageuse » (Nouwen, Reaching Out). C’est ce que montre la lettre d’un père français aux meurtriers de son épouse qui se trouvait au Bataclan et qui fait le tour des réseaux sociaux en ce moment. Intitulée, « Vous n’aurez pas ma haine », elle nous offre une réaction émouvante aux attentats :
Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.
« Tous les événements de notre vie doivent devenir un appel constant à la conversion du cœur et de l’esprit… tous [les événements] deviennent une invitation urgente… à un engagement personnel » (Nouwen, Reaching Out). Il n’y a pas de réponse facile à la question du mal, mais en choisissant de vivre dans la charité, d’être généreux dans nos relations, nous laissons Dieu vaincre l’emprise que le mal a sur nous.