Si une image vaut mille mots, combien de mots valent dix ans de pontificat ! De fait, pour décrire le ministère du pape François, les images sont encore plus éloquentes que les paroles. C’est un pontificat incarné, dont l’enseignement passe surtout par des gestes et par des actes. Quelle est l’image qui vous vient à l’esprit quand vous pensez au pape François ?
Pour beaucoup d’entre nous, la première image que nous avons eue était le soir du 13 mars 2013, lorsque le premier pape du nouveau monde – « venant presque du bout du monde », est apparu pour la première fois sur le balcon de la Basilique Saint-Pierre au Vatican. Il était vêtu d’une simple soutane blanche et il nous a salué avec simplicité : « Chers frères et sœurs, bonsoir ! » Avant de nous donner sa première bénédiction en tant que pape, il nous a demandé de prier pour lui, de le bénir afin qu’il puisse nous bénir.
Il se dit que les foules sont venues pour voir Jean-Paul II, qu’elles sont venues pour écouter Benoît XVI, et enfin qu’elles viennent pour toucher le pape François. C’est un pape accessible, qui se met à notre portée. Alors, comment nos cœurs ont-ils été touchés par le pape François ? Comment a-t-il touché votre vie, notre monde ?
La singularité du pape François passe par l’originalité, parfois surprenante, de son style. C’est un pape qui tend la main pour embrasser et qui se laisse embrasser. C’est un pape qui vit dans la résidence hôtelière du Vatican, et non dans le palais apostolique. C’est un pape qui lave les pieds des prisonniers et des personnes âgées le Jeudi Saint, plutôt que ceux des éminents cardinaux. Il est le premier pape à choisir le nom de Saint François d’Assise, un homme de paix, de simplicité évangélique, des pauvres. C’est un pape qui a « l’odeur de ses brebis », et qui encourage les autres à faire de même.
À maintes reprises, le pape François a parlé du style de Dieu, qu’il résume en trois mots clés : proximité, tendresse et compassion.
Le style de Dieu est la proximité, une proximité spéciale, compatissante et tendre. Les trois mots qui définissent la vie d’un prêtre, et d’un chrétien aussi, car ils sont tirés précisément du style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. (Discours au Symposium “Pour une théologie fondamentale du sacerdoce”)
Le pape François nous montre par ses paroles et son exemple que le style de Dieu n’est pas la distance, l’indifférence ou la condamnation. Au contraire, notre Dieu est proche, tendre et compatissant. Ayant moi-même eu l’occasion de voir le pape François de près et de le rencontrer à plusieurs reprises, j’ai été touché par le fait que le pape François témoigne de ce style de Dieu non seulement par ses paroles et son enseignement, mais surtout par sa vie et sa façon d’être avec les gens.
La proximité
Pour nous, en tant que Canadiens, le plus grand signe de la proximité du pape François demeure sa visite au Canada en juillet 2022. Même en fauteuil roulant, il est venu faire un pèlerinage de réconciliation et de guérison avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Le pape est venu soigner des blessures qui malheureusement sont si souvent ignorées et négligées. Il est venu rencontrer les survivants des pensionnats chez eux. Il nous a donné l’exemple en vivant la parabole du bon Samaritain : être proche les uns des autres, guérir les blessures et avancer tous ensemble sans laisser personne de côté. Le pape François nous appelle à être proches des personnes qui se trouvent à la périphérie, non seulement en allant vers elles, mais aussi en les amenant au centre – de nos cœurs, de nos foyers, de notre société et de notre Église. (cf. Un temps pour changer : Viens, parlons, osons rêver) Souvenons-nous des trois défis qu’il nous a lancé à ce moment-là, comme une boussole pour la mission de l’Église au Canada dans notre temps : faire connaître Jésus, témoigner et cultiver la fraternité. (Homélie aux Vêpres à la Cathédrale Notre-Dame de Québec) À nous de relever ces défis au service du tournant missionnaire de l’Église chez nous !
La tendresse
Quelle force ont les nombreuses images du pape François embrassant les personnes handicapées, les pauvres, les malades, les personnes âgées et ceux qui sont si souvent rejetés ou oubliés. Nous pourrions nous rappeler comment le pape a été ému par des enfants aux Philippines, qui lui ont demandé pourquoi Dieu permet à tant de garçons et de filles de vivre dans la rue. Ou comment il s’est agenouillé pour embrasser les pieds des dirigeants politiques en guerre du Sud-Soudan dans un plaidoyer pour la paix. Et qui pourrait oublier sa caresse du bébé autochtone au moment de la conclusion de la messe au Sanctuaire national de Sainte-Anne-de-Beaupré ? Le pape François nous appelle à transformer le monde par la puissance de la tendresse :
La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. (Evangelii Gaudium, no. 88)
La compassion
Cependant, le trait divin que le pape François a le plus souligné est celui de la miséricorde, son amour compatissant qui nous sauve. Au milieu de son pontificat, il a déclaré un Jubilé de la miséricorde, appelant toute l’Église « à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père ». (Misericordiae Vultus, no. 3) Se faisant proche des gens, François se laisse toucher par la compassion, qui est la source de la tendresse. Le pape lui-même a reçu sa vocation à l’âge de dix-sept ans, lors d’une rencontre personnelle avec la miséricorde de Dieu dans le sacrement de la confession, le jour de la fête de Saint Matthieu. Comme l’apôtre Matthieu, le jeune Bergoglio a fait l’expérience de la miséricorde de Dieu, qui l’avait choisi en le pardonnant, ce qui est le sens de sa devise : Miserando atque eligendo. Dans son livre intitulé Le Nom de Dieu est Miséricorde, le pape François témoigne de tout ce que Dieu fait pour entrer dans le cœur de l’homme, se servant même de la plus petite ouverture – cette fente dans la porte de notre cœur – que Dieu utilise pour nous pardonner et prendre pitié de nous.
Dieu ne se fatigue jamais de nous pardonner, jamais ! […] Lui ne se fatigue pas de pardonner, mais nous, parfois, nous nous fatiguons de demander pardon. Ne nous fatiguons jamais, ne nous fatiguons jamais ! Lui est le Père plein d’amour qui pardonne toujours, qui a ce cœur de miséricorde pour nous tous. Et nous aussi apprenons à être miséricordieux avec tous. Invoquons l’intercession de la Vierge qui a eu entre ses bras la Miséricorde de Dieu fait homme. (Angélus, 17 mars 2013)
La joie
On peut ajouter un quatrième trait qui décrit non seulement le style de Dieu mais aussi celui de François : il s’agit de la joie ! Le magistère de François est plein de joie.
Le programme de son pontificat a été exprimé dans « La joie de l’Évangile » – Evangelii Gaudium, dans lequel il nous appelle à être constamment renouvelés et transformés par la joie de la rencontre avec le Christ. Son document phare sur la famille s’intitule « La joie de l’amour » – Amoris Laetitia, dans lequel il appelle les familles à vivre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour l’humanité. L’exhortation de François sur l’appel à la sainteté, « Soyez dans la joie et l’allégresse » – Gaudete et Exsultate – nous rappelle que la sainteté n’est pas réservée aux prêtres et aux religieuses, mais aussi à nos voisins d’à côté, et que vivre les Béatitudes nous rend plus vivants et plus humains. Même ses orientations pour les universités catholiques et les facultés de théologie s’intitule « La joie de la vérité » – Veritatis Gaudium, un véritable changement de paradigme dans notre façon de dialoguer avec la culture plutôt que de présumer que nous détenons la vérité, que nous la possédons pour l’imposer aux autres. Ici et maintenant, le pape François nous amène à découvrir la joie de marcher ensemble, en tant qu’Église et en tant que famille humaine, sur le chemin ardu mais prometteur de la synodalité :
Chers frères et sœurs, que ce Synode soit habité par l’Esprit ! Car nous avons besoin de l’Esprit, le souffle toujours nouveau de Dieu qui nous libère de toute fermeture, qui fait revivre ce qui est mort, qui brise les chaînes et répand la joie. (Discours pour le début du processus synodal)
Le pape François n’est certainement pas un super-héros de la proximité, de la tendresse, de la compassion et de la joie. Au contraire, en célébrant les dix ans de son pontificat, remercions Dieu pour son témoignage de pasteur qui vit le style de l’Évangile. Soyons touchés par les façons dont nous avons été témoins du style de Dieu incarné par notre pape François. Mais ne nous arrêtons pas là ! Recevons humblement la proximité, la tendresse, la compassion et la joie de Dieu dans nos propres vies, et soyons encouragés et poussés à vivre le style de Dieu dans nos relations quotidiennes avec les personnes qui nous entourent, en commençant par celles qui sont le plus dans le besoin. Que l’exemple du pape François nous inspire à nous laisser toucher par la miséricorde de Jésus, afin d’aller toucher la chair du Christ dans tous nos frères et sœurs.
Père de tendre miséricorde, répands dans nos cœurs l’Esprit de Ton amour, afin que nous puissions suivre Jésus en marchant avec nos frères et sœurs. Bénis notre pape François, et fais que son ministère porte une abondance de fruits dans la mission de Ton Église, pour la vie du monde que Tu aimes tant. Amen.