S’il est avec nous dans ce temps de violence…
Nous ne savons pas ton mystère, Amour infini…
Ces deux hymnes m’habitent depuis que j’ai vu le film « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois, en avant-première au Festival International du Film de Toronto. (TIFF). La mise en scène est remarquable; la simplicité des lieux et le jeu des acteurs sont saisissants. Le tournage a eu lieu dans un ancien monastère au Maroc
Les acteurs se sont préparés en vivant avec de vrais moines pendant une semaine, à l’abbaye de Tamié en France et cela se sent. De plus, un moine les a conseillés durant tout le tournage. L’un des acteurs a déclaré « Nous nous sommes trouvés par le chant ».
Même si le réalisateur a pris des libertés quant aux écrits des moines, il a réussi à nous faire entrer un peu dans le mystère de la vie donnée des moines. Les familles se sont senties respecter ce qui me semble un point important.
Communauté, fraternité, et vérité
Le film met en relief le combat des moines de Tibéhirine de prendre la décision de rester. Pourquoi rester ? Pourquoi être martyrs ? Au nom de qui tous ces liens tissés avec leurs voisins musulmans dans le village au fil des années?
Ces moines ne cherchaient pas à être des héros, ils ont cherché à suivre jusqu’au bout l’appel de Dieu, à aimer comme le Christ jusqu’au prix de leur vie. Leur décision est donc le fruit d’un long combat et cheminement.
Personne ne sort indemne après avoir vu ce film; les personnages nous habitent, nous atteignent dans notre cœur et notre conscience et nous invitent au silence.
Une scène-clé m’a particulièrement marquée; elle dit bien le sens de notre vie.
Le soir de Noël, des hommes armés entrent au monastère pour demander des médicaments ; le prieur leur résiste et discute dehors avec eux. Les hommes repartiront bredouilles respectant la nuit de Noël.
Peu après le prieur de la communauté a écrit.
J’ai longtemps repensé à ce moment-là, ce moment où Ali Fayattia et ses hommes sont partis. Après leur départ, ce qui nous restait à faire c’était à vivre. Et la première chose à vivre c’était, deux heures après, de célébrer la vigile et la messe de Noël. C’est ce que nous avions à faire. Et c’est ce que nous avons fait. Et nous avons chanté Noël et nous avons accueilli cet enfant qui se présentait à nous absolument sans défense et déjà si menacé…
Et après, notre salut a été d’avoir toutes ces réalités quotidiennes à assumer: la cuisine, le jardin, l’office, la cloche… Jour après jour. Et il a fallu nous laisser désarmés.
Et, jour après jour, j’ai, et je le pense, nous avons découvert ce vers quoi Jésus Christ nous invite. C’est à naître. Notre identité d’homme va de naissance en naissance, et de naissance en naissance nous allons bien finir, nous-mêmes, à mettre au monde cet enfant de Dieu que nous sommes…
Car l’Incarnation pour nous c’est de laisser la réalité filiale de Jésus s’incarner dans notre humanité. Le mystère de l’Incarnation demeure ce que nous allons vivre. C’est ainsi que s’enracine ce que nous avons déjà vécu ici, et, ce que nous allons vivre encore.
(Christian de Chergé, L’invincible espérance Bayard/Centurion, 1997, p. 294)
Ce film sortira en salle en Amérique du Nord en 2011.