(Image: courtoisie de Wikimedia)
Les fausses nouvelles et la désinformation ont été à juste titre des sujets de préoccupation ces dernières années. L’abondance du contenu auquel nous sommes régulièrement exposés fait qu’il nous est difficile de distinguer le travail de journalistes, d’écrivains et de créateurs de contenu dévoués des productions de moindre qualité de ceux qui inondent les nouveaux médias de contributions mal conçues, médiocres, voire mensongères, à la conversation mondiale.
Nous avons vu apparaître un certain nombre d’outils en réaction à cette nouvelle situation, avec des niveaux de succès variables. En fin de compte, cependant, rien n’aide plus à combattre cette tendance que son corollaire: un contenu de haute qualité et bien intentionné.
On pourrait en dire autant de l’apologétique, ce domaine de la théologie qui s’attache à défendre la foi. Qu’il s’agisse d’un accent excessif sur l’exactitude liturgique et juridique qui fait perdre de vue les œuvres de miséricorde, ou d’une focalisation sur les enjeux de justice sociale au détriment de questions plus profondes sur le sens de la vie, nous pouvons tous penser à des exemples d’une approche de l’apologétique qui rate sa cible. Et si nous, chrétiens, prenons vraiment notre foi au sérieux, il devrait être évident pour nous que le problème de la mauvaise apologétique est grave.
C’est par frustration face à une apologétique déficiente que le prêtre chrétien orthodoxe Andrew Stephen Damick a écrit Arise, O God: The Gospel of Christ’s Defeat of Demons, Sin, and Death, un petit chef-d’œuvre.
Dans ce nouveau livre, le père Damick fait le point sur la tradition de l’Église orthodoxe afin de fournir un récit de l’Évangile qui mettrait de côté ce qu’il appelle « l’argument de vente », une approche courante mais décevante de l’apologétique qui tend à présenter la Bonne Nouvelle de l’Évangile comme la réponse à un problème spécifique que nous avons tous, qu’on le sache ou non, c’est-à-dire le problème de notre salut personnel: Jésus est mort sur la Croix pour expier nos péchés.
Bien que la réponse à la question « comment puis-je être sauvé ? » soit très importante, elle n’est qu’un aspect, bien que très significatif, de la vérité révélée dans l’Évangile. Et la compréhension commune, en Occident, des réalisations du Christ, centrée avant tout sur leurs implications pour nos destins personnels, nous empêche de voir plus grand, d’embrasser la vision cosmique des Saintes Écritures.
Le but de ce livre est donc de fournir un récit plus complet de l’Évangile, dans le contexte de la tradition à laquelle l’auteur appartient.
Le père Damick commence par aborder la signification du mot« évangile », à la lumière de l’étymologie et de l’histoire culturelle. Il nous dit que le mot grec pour évangile, le plus souvent utilisé dans sa forme plurielle – evangelia – était en fait assez commun dans le monde antique et constituait un genre littéraire. Les evangelia étaient des annonces publiques de victoire, faites par un héraut au nom des principaux chefs militaires et/ou politiques de l’empire romain. Ces déclarations comprenaient trois éléments d’information significatifs: l’identité du vainqueur proclamé, la nature de ses accomplissements et les attentes qu’il avait à l’égard de ses sujets.
Pour le père Damick, on ne peut pas comprendre pleinement l’Évangile chrétien en ignorant le sens de ce mot dans son contexte historique, un sens qui aurait paru évident à des auteurs contemporains comme ceux des Évangiles. En ce sens, il nous incite à le comprendre à la lumière de cette signification: l’Évangile nous parle de Jésus-Christ, de sa victoire sur le péché, certes, mais aussi sur les démons et la mort, et des attentes du Christ pour ses fidèles disciples.
C’est à la fois une explication de la nature de l’Évangile et un cadre pour comprendre la dynamique du Salut.
Après avoir réfléchi à la nature de l’Évangile – ce qu’il est, ce qu’il n’est pas – le père Damick aborde la nécessité de l’Évangile en relation avec la cosmologie biblique. L’Évangile, en tant que proclamation de la victoire, décrit la reconquête d’un monde déchu par l’Incarnation, le sacrifice et la résurrection de Jésus-Christ, notre Seigneur.
Le reste du livre constitue un récit simple, court et pourtant profond, de l’identité de Jésus-Christ, de la nature de ses accomplissements et des attentes qu’il a pour nous. C’est dans ce contexte que nous devons comprendre, selon le père Damick, l’importance des commandements et la nécessité pour nous de les respecter, comme une expression de fidélité et de confiance intérieures, et non comme une obéissance servile à un ensemble arbitraire de règles, motivée par la peur de la punition.
L’une des caractéristiques les plus intéressantes du livre du père Damick est son insistance sur la nature objective de l’Évangile et de sa signification. Ce que nous apprenons de l’Évangile, nous dit-il, se produit indépendamment de notre réponse. D’une certaine manière, cela constitue un avertissement bienveillant. Au lieu d’insister sur l’intérêt subjectif d’une personne à adhérer à l’enseignement de l’Évangile – qui est tout à fait réel – le père Damick espère démontrer que les événements relatés dans l’Évangile sont vrais indépendamment de notre croyance et doivent être pris au sérieux. Pour dire les choses autrement, l’Évangile ne concerne pas seulement votre personne, votre salut, même s’il recèle une excellente nouvelle pour vous. Il s’agit d’abord de la reconquête cosmique du monde par Dieu, et du choix de votre camp.
La bonne apologétique du père Damick, son langage et son approche de l’Évangile sont d’autant plus convaincants si l’on se remémore les paroles de saint Jean le Précurseur:
« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Matthieu 3, 2)