Ce matin en présence des pèlerins venus à Rome pour la canonisation de Kateri Tekakwitha, Mgr Richard Smith, archevêque d’Edmonton et président de la CECC, a présidé une messe d’action de grâces, concélébrée avec Mgr Lionel Gendron, évêque de St Jean-Longueuil et de Mgr Louis Dicaire, évêque auxiliaire. Voici l’homélie:
« En ces jours merveilleux, ici à Rome, où nous sommes les témoins bénis, privilégiés, d’un événement extraordinaire qui réjouit profondément la population canadienne, et en particulier nos sœurs et nos frères des Premières Nations. Fille des peuples mohawk et algonquin, Kateri Tekakwitha a été canonisée, élevée à la gloire des autels, par le pape Benoît XVI, et cet honneur rejaillit sur tous les peuples autochtones. Comme mentionnait le bienheureux Jean-Paul II dans son discours aux autochtones d’Amérique, peu de temps après la béatification de Kateri, « elle se dresse devant nous comme le symbole de la meilleure part de l’héritage qui est le vôtre, en tant qu’Indiens d’Amérique du Nord ». Et puisque son nom a été ajouté au canon des saints de l’Église universelle, c’est maintenant devant toute l’Église, devant le monde entier, qu’elle se dresse pour rappeler le caractère universel de l’appel à la sainteté et proposer un modèle de coopération au mystère de la grâce.
Dans notre première lecture, aujourd’hui, l’auteur du livre de la Sagesse pose la question : « Qui peut découvrir les intentions de Dieu? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur? » Et il entreprend d’y répondre. Même si le mystère des desseins de Dieu dépasse les limites de la raison humaine, il nous est révélé par l’action de l’Esprit Saint de Dieu. Le Seigneur veut nous faire connaître ses voies, Il tient à ce que nous Le connaissions et Il agit de manière à nous permettre de Le connaître, pour que nous puissions Lui répondre dans l’amour et collaborer à son projet de salut pour nous. Cette révélation de l’admirable vérité de Dieu nous a été faite en son Fils Jésus Christ, qui nous a envoyé l’Esprit Saint promis pour éclairer nos esprits et nos cœurs de sa divine sagesse et nous donner la grâce de pouvoir y répondre dans la foi et dans l’amour.
La beauté de la vie de sainte Kateri illustre la rencontre de l’initiative aimante de Dieu et d’une réponse humaine inspirée par la grâce. On voit déjà les premiers signes de l’action de la grâce divine dans le nom que lui a donné sa famille : Tekakwitha. Ce nom, que lui valut sa cécité, peut recevoir différentes interprétations : « celle qui marche à tâtons », « celle qui avance lentement », « celle qui heurte les objets », mais aussi « celle qui met les choses en ordre » ou « celle qui met tout en place ». Cette palette de sens évoque d’une façon ou d’une autre la vision de ce qu’il y a devant. C’est un fait, bien sûr, que la vision physique de Kateri avait été gravement altérée par la variole. Mais ce qui est tout aussi vrai, par contre, et qui est beaucoup plus important, c’est que sa vision intérieure était nette. Au fond de son cœur, elle avait reçu la grâce de distinguer clairement la vérité du Christ et de son Église. Un peu comme si le Seigneur, dans le nom même de Tekakwitha et dans la vie de celle qui l’a porté, voulait attirer notre attention sur les limites de la vision humaine et nous orienter vers la vision authentique qui vient de la foi. En cette Année de la foi, la vie de Kateri montre bien que le don de la foi nous rend capables d’apercevoir clairement la beauté de Dieu et celle de son projet sur nous, dont la grandeur dépasse infiniment les réalités sensibles de cette terre.
Nous pouvons mesurer ici à quel point notre sœur Kateri devient pour nous un témoin lumineux de la Nouvelle Évangélisation. Ces jours-ci, des évêques du monde entier sont réunis en synode pour réfléchir à l’appel que leur ont lancé Jean-Paul II et Benoît XVI et trouver ensemble de nouvelles façons d’annoncer l’Évangile, dans la joie et dans un langage compréhensible aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui. Kateri nous rappelle que, pour que cette Nouvelle Évangélisation soit fructueuse, il ne suffit pas de la proposer à nouveau : il faut encore qu’elle trouve pour l’accueillir un cœur ouvert et disponible. Quand le Père de Lamberville, le missionnaire jésuite, a parlé à Kateri de notre Seigneur et de la foi chrétienne, le message évangélique de vie et d’espérance a trouvé chez elle un foyer accueillant. On n’a conservé aucune parole de Kateri, qui nous permettrait d’analyser son expérience. Mais les mots ne sont pas nécessaires. Nous savons que la réponse que nous donnons dans la foi à l’appel de l’Évangile est elle-même l’œuvre de la grâce. Le témoignage de Kateri est donc pour nous, qui allons entendre proclamer de nouveau la beauté de l’Évangile, une invitation à implorer la grâce de l’accueillir dans la joie et celle de répondre à son appel à la vie et à l’espérance. Car ce n’est qu’avec la grâce de Dieu que nous devenons capables, à l’exemple de Kateri, d’offrir toute notre vie en sacrifice saint, susceptible de plaire à Dieu, comme nous y exhorte saint Paul. Ce n’est qu’avec l’aide de Dieu que nous devenons, comme Kateri, les mères, les frères et les sœurs du Christ en faisant la volonté de son Père qui est aux cieux et qui est aussi notre Père.
Kateri nous enseigne encore, d’une façon qui n’appartient qu’à elle, que la réponse que nous donnons à Jésus dans la foi est source de guérison. L’un des aspects les plus frappants de son témoignage est la transformation miraculeuse de son visage peu après sa mort. Sa figure, gravement marquée par la petite vérole depuis l’âge de quatre ans, retrouva sa beauté originelle quelques minutes seulement après son décès. Ce phénomène fut précédé par les mots qu’elle prononça au moment de rendre l’âme : « Jésus, je vous aime ». L’amour du Christ pour nous et l’amour que nous lui offrons en retour opèrent en nous une guérison. De fait, nous avons bien besoin d’entendre aujourd’hui la leçon de Kateri! Nous ne portons peut-être pas de cicatrices physiques, mais bien des gens portent aujourd’hui des cicatrices affectives et psychologiques. Au lieu de la petite vérole, c’est la pauvreté, les dépendances, la solitude, les trahisons qui sont à l’origine de ces cicatrices. Elles montrent la violence qu’ont subie de nos jours des sœurs et des frères de Kateri. Tant de douleur, tant de cicatrices morales! Mais Kateri nous enseigne qu’aucune blessure, si profonde soit-elle, ne saurait nous priver de l’espérance. Rappelons-nous ses paroles : « Jésus, je vous aime. » Ces quelques mots résument toute sa vie. « Jésus, je vous aime ». La fraîcheur du visage de Kateri est le signe extérieur de la transformation intérieure accordée à tous ceux et celles qui donnent leur vie au Christ, et qui le font par amour.
Oui, nous avons le privilège d’assister à ce grand événement qu’est la canonisation de Kateri. Et ce sera pour nous une grâce authentique que de nous mettre à son école. Prions donc notre sœur, notre nouvelle sainte, et demandons cette grâce par son intercession.
Chère sainte Kateri, prie pour nous, s’il te plaît. Que nous puissions, par ton intercession, accueillir dans la joie la parole de notre Seigneur, et nous montrer fidèles en tout temps à la volonté de notre Père du ciel. Aide-nous par tes prières à faire de notre vie un sacrifice à Dieu, comme tu l’as fait toi-même. Et que l’amour que nous aurons pour Jésus nous amène à connaître la guérison, l’espérance et la joie que Lui seul peut nous accorder. Amen. »