Les médias, une lame à double tranchants

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La fin de semaine dernière, le pape François s’est rendu à Sarajevo pour visiter cette ville meurtrie par de nombreuses années de guerre mais dont l’espoir d’un avenir meilleur devient peu à peu réalité. C’est pour encourager ce peuple multiconfessionnel à continuer ce chemin ardu vers une société pleinement pacifiée que le pape avait décidé de faire ce voyage. En Europe, a précisé le Pape : « Je voudrais commencer à faire les visites […] en partant des pays les plus petits, et les Balkans sont des pays tourmentés, ils ont tant souffert ! Ils ont tant souffert… Et pour cela ma préférence est là ». Cette courte mais non moins chargée visite apostolique s’est terminée par une rencontre presque informelle au cours de laquelle le Pape a bien voulu répondre aux questions des jeunes. C’est la première question qui a retenu mon attention puisqu’on lui a demandé ce qu’il pensait de la télévision et des médias en général. La réponse du Pape est plus qu’intéressante :

« Depuis la moitié des années 90, j’ai senti une nuit que cela ne me faisait pas de bien, que cela m’aliénait, m’amenait… et j’ai décidé de ne pas la regarder.

Quand je voulais regarder un beau film, j’allais au centre de télévision de l’archevêché et je le regardais là. Mais seulement ce film…. La télévision au contraire m’aliénait et m’amenait hors de moi : elle ne m’aidait pas. Certainement, je suis de l’âge de pierre, je suis ancien !

Et nous maintenant – je comprends que les temps ont changé – nous vivons au temps de l’image. Et cela est très important. Et au temps de l’image, on doit faire ce qu’on faisait au temps des livres : choisir les choses qui me font du bien ! »[2]

Le pape nous donnait donc à tous, et spécialement aux jeunes, un critère pour examiner si notre consommation des médias nous permet de devenir de meilleures personnes : « elle doit me faire du bien » a-t-il affirmé. Qu’elle encourage souvent ce qu’il y a de plus bas en nous comme la paresse ou la sensualité déplacée me paraît évident. Cependant, il est intéressant de noter que le pape laisse, par cette formule, beaucoup de place à la liberté et au jugement individuels. Ce qui est bien pour moi comme être humain, nous le partageons tous et nous pouvons donc nous consulter les uns les autres pour voir ce qui est bon ou mauvais pour nous. Mais outre cela, il est clair que plusieurs programmes de télé bons pour une personne pourraient être nuisibles pour moi. Il est donc important de prendre du temps pour examiner, individuellement ou en famille, notre consommation de médias. Le Pape poursuit ainsi :

« De là découlent deux choses. Premièrement : la responsabilité des centres de télévision de faire des programmes qui font du bien, qui font du bien aux valeurs, qui construisent la société, qui nous portent en avant, et non qui nous rabaissent. »

En ce sens, il est intéressant de noter que le pape, bien que tenant compte de la responsabilité des auditeurs, est quand même conscient que l’offre médiatique a également un effet non négligable. Voilà pourquoi, les patrons de télévison ont eux aussi de grandes responsabilités. Cela signifie que les chaînes de télévision et les câblodistributeurs doivent considérer d’autres critères que le simple profit. Vouloir un monde plus juste demande que les citoyens soient bien informés sur les événements et qu’ils puissent en avoir une compréhension globale. Évitant des émissions uniquement orientées vers le divertissement et, parfois, vides de sens, les responsables de télévision pourraient aider la société en traitant leurs téléspectateurs avec plus de respect et non comme de simples consommateurs de produits. On se demande parfois si l’absurdité de certain programme n’a pas pour but de rendre les téléspectateurs plus « disposés » ou réceptifs aux publicités ? Le thème de la prochaine encyclique du pape François, celui de « l’écologie intégrale », permettra certainement de voir le lien entre les bouleversements environnementaux et cette « culture du déchet » vouée uniquement au profit à court terme, qui néglige ou détruit ce qu’il y a de beau et de permanent dans notre monde. Or, cette culture du provisoire abonde dans notre univers médiatique mondial. C’est pourquoi le Pape demande aux chaînes de télévision de « produire des programmes qui nous aident afin que les valeurs, les vraies valeurs, deviennent plus fortes et nous préparent pour la vie. C’est la responsabilité des centres de télévision ». D’où ma fierté de travailler pour une chaîne de télévision comme Sel et Lumière dont la qualité du contenu ne sera jamais problématique !

Le Pape ne néglige cependant pas la responsabilité de tout un chacun de choisir de manière responsable ce qu’il doit regarder :

« Savoir choisir les programmes, et cela c’est notre responsabilité. Si je vois qu’un programme ne me fait pas de bien, renverse mes valeurs, me fait devenir vulgaire, même dans les saletés, je dois changer de canal. Comme on faisait dans mon âge de pierre : quand un livre était bon, tu le lisais ; quand un livre te faisait du mal, tu le jetais »[6].

Selon le pape, il est important de saisir l’impact que peuvent avoir les médias et les images sur notre vie et notre personnalité. En ce sens, les statistiques sur la consommation de pornographie de nos sociétés et l’accroissement de tous les problèmes qui y sont reliés, devraient nous mettre en garde contre l’influence des médias dans nos vies à tous. L’argument récurrent du « ce n’est que du cinéma, ce n’est pas pour vrai » ne devrait plus nous satisfaire. Les médias ont un impact sur notre personnalité, pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, s’arrêter quelques instants et analyser notre propre consommation de médias ne m’apparaît plus comme un luxe mais comme un impératif.

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