Image: Courtoisie de CNS
Depuis des décennies maintenant, le Moyen-Orient est l’objet de tensions sans précédent. L’Irak ne fait pas exception à ce triste constat. Depuis maintenant près de 40 ans, ce pays a vu deux guerres importantes se transformer en guerre civile ne faisant qu’augmenter le nombre de victimes. Aujourd’hui, un groupe terroriste nommé ISIS qui est l’équivalent politico-militaire d’Al-Qaeda, est en train d’essayer de prendre le contrôle du pays prônant un Islam rétrograde, faisant une interprétation littérale du Coran et portant une idéologie politique à ce point inhumaine que l’on se croirait dans les pires films d’horreur hollywoodiens. Ainsi, ce regroupement militaire a décidé de mettre en place une véritable purge de tout ce qui ne correspond pas à ce qu’il perçoit comme un Islam pur. Les chrétiens et les minorités religieuses non islamiques ne trouvant évidemment pas leur place dans ce cadre, ces terroristes leur ont donné un ultimatum les obligeant à se convertir, fuir ou mourir. Un choix ayant déjà conduit plusieurs de nos frères chrétiens au martyre d’une façon si barbare que nous avons peine à y croire.
Cette crise humanitaire n’a toutefois attiré l’attention des gouvernements occidentaux et des médias que récemment. La crise avait pourtant déjà fait surface d’une manière impressionnante dans les médias sociaux amenant plusieurs personnes à changer leur photo de profil Facebook ou Twitter pour le signe « nûn » c’est-à-dire la lettre « N » en arabe qui signifie « Nazaréen ». Cette lettre fut, en effet, utilisée par les terroristes de ISIS pour identifier les maisons des chrétiens au moment de l’ultimatum imposé par eux à Mosul. Peut-être avez-vous remarqué ce signe à plusieurs endroits? Certaines personnalités courageuses ont, dès ce moment, changé leur image en solidarité avec les victimes désormais réfugiées ou martyrs d’Irak.
Cependant, il a fallu plus de 2 mois avant que les mass médias se mettent à parler de cette crise. Que devons-nous retenir de cette pauvre couverture médiatique? Qu’est-ce qui justifie un tel silence? Une première raison pourrait être de type économique en ce sens que des nouvelles sur un massacre en Irak ne vendent plus; que les téléspectateurs se sont lassés de voir ces images de violence. Alors pourquoi continuer de montrer des images de guerre ailleurs dans le monde? Est-ce parce qu’il y aurait une hiérarchie de victimisation ? Quels critères utilisons-nous pour décider que telle tragédie sera médiatisée et pas une autre ? Dans un article paru dans l’Observatore Romano, l’ancien ambassadeur du Royaume-Uni au Saint-Siège, Francis Campbell affirmait que:
« La présente crise présente une série de questions pour les démocraties occidentales, médias compris. Des questions regardant les critères objectifs utilisés pour déterminer les intérêts, les interventions et les actions de politique extérieure. Si nous voulons vraiment que des tragédies ne se produisent « plus jamais » (comme l’affirmaient les gouvernements après la seconde guerre mondiale), alors les événements de Mosul et du nord de l’Irak nous démontrent que nos systèmes ne sont pas assez robustes et objectifs pour empêcher les crimes contre l’humanité ou les génocides. Nous devons nous demander pourquoi certaines vies valent plus que d’autres. Une politique extérieure adéquate pourrait trouver, devrait pouvoir trouver son fondement en se basant sur des valeurs de la démocratie représentative. »[1]
Il est intéressant de noter que monsieur Campbell mentionne le manque d’objectivité comme étant une des causes du manque de couverture médiatique. Y aurait-il eu donc un silence volontaire ? Certaines personnes du milieu médiatique auraient-elles véritablement avantage à ne pas parler du massacre des chrétiens et des minorités d’Irak? Comment une telle chose serait-elle possible?
Mon hypothèse se positionne à deux niveaux. D’abord dans la substitution des valeurs démocratiques (Droits de l’homme, liberté de conscience et d’expressions, etc.) par une réduction idéologique de celles-ci les empêchant d’être des vecteurs d’unité. En récupérant les droits de l’homme au profit de politiques partisanes, pour lesquelles les « nouveaux droits de l’homme » sont un bon exemple, on a peu à peu vidé les droits de l’homme de leur substance jusqu’à ne plus reconnaître une véritable violation de ces derniers. L’exemple de Mosul étant paradigmatique.
Une deuxième cause de ce que monsieur Campbell affirme être « un silence des organismes d’information de mass alors qu’on essayait de détruire une culture et une civilisation millénaire »[2], peut se trouver, et je fais ici référence à un contexte comme celui du Québec, dans l’idéologie séculariste militante qui tente de réduire la place de la foi dans la sphère publique. En effet, il n’est pas rare de trouver des personnalités publiques voulant faire taire la voix de la majorité religieuse chrétienne au Québec et au Canada. Ainsi, ce qui est ici la majorité religieuse devient « l’ennemi » à combattre au profit d’une représentativité quasi exclusivement horizontale c’est-à-dire que la seule prise de parole « autorisée » soit celle qui ne fait aucunement référence à la transcendance et aux valeurs spirituelles. Dans ce contexte, on comprend comment les victimes chrétiennes outremer sont moins intéressantes à couvrir médiatiquement, parce que ce faisant, à leurs yeux, ce serait faire une fleur aux chrétiens canadiens qu’ils perçoivent comme des indésirables. Comme l’affirmait le pape Benoît XVI dans l’encyclique Caritas in Veritate :
Il faut néanmoins ajouter que, outre le fanatisme religieux qui, en certains milieux, empêche l’exercice du droit à la liberté religieuse, la promotion programmée de l’indifférence religieuse ou de l’athéisme pratiqué de la part de nombreux pays s’oppose elle aussi aux exigences du développement des peuples, en leur soustrayant l’accès aux ressources spirituelles et humaines. #29
Ce constat manifeste deux choses, d’abord l’inadaptation et la désuétude du modèle séculariste qui revient aujourd’hui à se mettre des œillères nous empêchant ainsi de comprendre et regarder la réalité en face. En ne voulant pas présenter en victime (ce qui est la réalité) ceux qu’elle considère comme ses ennemis, l’idéologie séculariste se voile la face et par conséquent celle des autres en rapportant certains massacres et pas d’autres. Ainsi, puisque ces informations précieuses pourraient éventuellement sauver des vies, elle nuit à l’urgent travail humanitaire. Deuxièmement, elle manifeste l’ampleur, si je puis dire, du « coût de renonciation » dont la promotion des « nouveaux droits de l’homme »[3] est la cause en relativisant les véritables droits de l’homme. Cette situation montre, selon moi, que nous devons nous départir des idéologies partisanes et revenir à une définition des droits de l’homme plus fondamentale et, ainsi, nous pourrons retrouver l’objectivité nécessaire pour agir rapidement lorsqu’une véritable violation des droits de l’homme se produit.
C’est pourquoi, il est nécessaire que les chrétiens, spécialement les laïcs, s’investissent dans la promotion de la liberté religieuse. En effet, comme l’affirmait le Concile Vatican II :
« le pouvoir civil doit veiller à ce que l’égalité juridique des citoyens, qui relève elle-même du bien commun de la société, ne soit jamais lésée, de manière ouverte ou occulte, pour des motifs religieux, et qu’entre eux aucune discrimination ne soit faite. Il s’ensuit qu’il n’est pas permis au pouvoir public, par force, intimidation ou autres moyens, d’imposer aux citoyens la profession ou le rejet de quelque religion que ce soit, ou d’empêcher quelqu’un de s’agréger à une communauté religieuse ou de la quitter. A fortiori, est-ce agir contre la volonté de Dieu et les droits sacrés de la personne et de la famille des peuples que d’employer la force, sous quelque forme que ce soit, pour détruire la religion ou lui faire obstacle, soit dans tout le genre humain, soit en quelque région, soit dans un groupe donné. »[4]
Prions pour que tous aient le droit de vivre en sécurité sans égard à quoi que ce soit d’autre que le fait d’appartenir à l’humanité.
[3] Abelardo Lobato Casado o.p., Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, Conseil Pontifical pour la famille, Ed. Pierre TÉQUI, p.805.