Ce soir, lors de la messe en la fête de l’Annonciation, Benoît XVI devant des milliers de cubains a rappelé le rôle essentiel de Marie dans l’incarnation du Fils de Dieu. Voici son homélie dans son intégralité »
« Chers frères et soeurs,
Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de venir jusqu’à vous et d’accomplir ce voyage tant désiré. Je salue Mgr Dionisio García Ibáñez, Archevêque de Santiago de Cuba, le remerciant de ses aimables paroles d’accueil au nom de vous tous ; je salue également les Évêques cubains et ceux venus d’ailleurs, ainsi que les prêtres, les religieux, les séminaristes et les fidèles laïcs présents lors de cette célébration. Je ne peux pas oublier ceux qui, pour cause de maladie, de leur âge avancé et pour d’autres raisons, n’ont pas pu être ici avec nous. Je salue aussi les autorités qui ont gentiment voulu nous accompagner.
Cette sainte messe, que j’ai la joie de présider pour la première fois durant ma visite pastorale dans ce pays, s’insère dans le contexte de l’Année mariale jubilaire, convoquée pour honorer et vénérer la Vierge de la Charité de Cobre (Virgen de la Caridad del Cobre), patronne de Cuba, à l’occasion du quatre centième anniversaire de la découverte et de la présence de sa vénérable image en ces terres bénies. Je n’ignore pas le sacrifice et le dévouement avec lesquels s’est préparé ce jubilé, spécialement du point de vue spirituel. Connaître la ferveur avec laquelle Marie, lors de son pèlerinage à travers tous les recoins et les lieux de l’Ile, a été saluée et invoquée par tant de Cubains m’a rempli d’émotion.
Ces événements importants pour l’Église à Cuba sont illuminés d’un éclat inhabituel par la fête que l’Église universelle célèbre aujourd’hui : l’Annonciation du Seigneur à la Vierge Marie. En effet, l’incarnation du Fils de Dieu est le mystère central de la foi chrétienne, et en lui, Marie occupe un rôle de premier ordre. Mais, que veut dire ce mystère ? et quelle importance a-t-il pour nos vies concrètes ?
Voyons avant tout ce que signifie l’Incarnation. Dans l’évangile de saint Luc, nous avons écouté les paroles de l’ange à Marie : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). En Marie, le Fils de Dieu se fait homme, accomplissant ainsi la prophétie d’Isaïe : « Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel, qui signifie ‘Dieu-avec-nous’ » (Is 7, 14). Oui, Jésus, le Verbe fait chair, est le Dieu-avec-nous, qui est venu habiter parmi nous et partager notre condition humaine elle-même. L’apôtre saint Jean l’exprime de la manière suivante : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). L’expression « s’est fait chair » souligne la réalité humaine la plus concrète et la plus tangible. Dans le Christ, Dieu est venu réellement au monde, il est entré dans notre histoire, il a installé sa demeure parmi nous, accomplissant ainsi l’intime aspiration de l’être humain que le monde soit réellement un foyer pour l’homme. En revanche, quand Dieu est jeté dehors, le monde se transforme en un lieu inhospitalier pour l’homme, décevant en même temps la vraie vocation de la création d’être un espace pour l’alliance, pour le « oui » de l’amour entre Dieu et l’humanité qui lui répond. C’est ce que fit Marie, étant la prémisse des croyants par son « oui » sans réserve au Seigneur.
Pour cela, en contemplant le mystère de l’Incarnation, nous ne pouvons pas nous empêcher de tourner notre regard vers elle et nous remplir d’étonnement, de gratitude et d’amour en voyant comment notre Dieu, en entrant dans le monde, a voulu compter avec le consentement libre d’une de ses créatures. Ce n’est que quand la Vierge répondit à l’ange : « Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1, 38), que le Verbe éternel du Père commença son existence humaine dans le temps. Il est émouvant de voir comment Dieu non seulement respecte la liberté humaine, mais semble en avoir besoin. Et nous voyons aussi comment le commencement de l’existence terrestre du Fils de Dieu est marqué par un double « oui » à la volonté salvatrice du Père : celui du Christ et celui de Marie. Cette obéissance à Dieu est celle qui ouvre les portes du monde à la vérité et au salut. En effet, Dieu nous a créés comme fruit de son amour infini, c’est pourquoi vivre conformément à sa volonté est la voie pour rencontrer notre authentique identité, la vérité de notre être, alors que s’éloigner de Dieu nous écarte de nous-mêmes et nous précipite dans le néant. L’obéissance dans la foi est la vraie liberté, l’authentique rédemption qui nous permet de nous unir à l’amour de Jésus en son effort pour se conformer à la volonté du Père. La rédemption est toujours ce processus de porter la volonté humaine à la pleine communion avec la volonté divine (cf. Lectio divina avec les séminaristes de Rome, 18 février 2010).
Chers frères, nous louons aujourd’hui la Très Sainte Vierge pour sa foi et nous lui disons aussi avec sainte Elisabeth : « Heureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45). Comme dit saint Augustin, avant de concevoir le Christ dans son sein, Marie le conçut dans la foi de son cœur. Marie crut et s’accomplit dans ce qu’elle croyait (cf. Sermon 215, 4 : PL 38, 1074). Demandons au Seigneur de faire grandir notre foi, qu’il la rende vive et féconde dans l’amour. Demandons-lui de savoir accueillir en notre cœur comme elle la parole de Dieu et de l’appliquer avec docilité et constance.
La Vierge Marie, de par son rôle irremplaçable dans le mystère du Christ, représente l’image et le modèle de l’Église. L’Église aussi, de même que fit la Mère du Christ, est appelée à accueillir en soi le mystère de Dieu qui vient habiter en elle. Chers frères, je connais les efforts, l’audace et l’abnégation avec lesquels vous travaillez chaque jour pour que, dans les réalités concrètes de votre pays, et en cette période de l’histoire, l’Église reflète toujours plus son vrai visage comme un lieu où Dieu s’approche et rencontre les hommes. L’Église, corps vivant du Christ, a la mission de prolonger sur la terre la présence salvatrice de Dieu, d’ouvrir le monde à quelque chose de plus grand que lui-même, l’amour et la lumière de Dieu. Cela vaut la peine, chers frères, de dédier toute sa vie au Christ, de grandir chaque jour dans son amitié et de se sentir appelé à annoncer la beauté et la bonté de sa vie à tous les hommes, nos frères. Je vous encourage dans cette tâche de semer dans le monde la parole de Dieu et d’offrir à tous le vrai aliment du corps du Christ. Pâques s’approchant déjà, décidons-nous sans peur et sans complexe à suivre Jésus sur le chemin de la croix. Acceptons avec patience et foi n’importe quel contrariété ou affliction, avec la conviction que dans sa résurrection il a vaincu le pouvoir du mal qui obscurcit tout, et a fait se lever un monde nouveau, le monde de Dieu, de la lumière, de la vérité et de la joie. Le Seigneur n’arrêtera pas de bénir par des fruits abondants la générosité de votre dévouement.
Le mystère de l’incarnation, dans lequel Dieu se fait proche de nous, nous montre également la dignité incomparable de toute vie humaine. C’est pourquoi, dans son projet d’amour, depuis la création, Dieu a confié à la famille fondée sur le mariage, la très haute mission d’être la cellule fondamentale de la société et la vraie Église domestique. C’est avec cette certitude que, vous, chers époux, vous devez être spécialement pour vos enfants, le signe réel et visible de l’amour du Christ pour l’Église. Cuba a besoin du témoignage de votre fidélité, de votre unité, de votre capacité à accueillir la vie humaine, spécialement celle sans défense et dans le besoin.
Chers frères, devant le regard de la Vierge de la Charité de Cobre, je désire lancer un appel pour que vous donniez un nouvel élan à votre foi, pour que vous viviez du Christ et pour le Christ, et qu’avec les armes de la paix, le pardon et la compréhension, vous luttiez pour construire une société ouverte et rénovée, une société meilleure, plus digne de l’homme, qui reflète davantage la bonté de Dieu. Amen. »
Marie représente l’image et le modèle de l’Église
27 mars 2012 by