« Vous n’avez pas le droit d’oublier votre Histoire », c’est visiblement très touché que le Pape François s’est adressé aux prêtres, religieux, religieuses et séminaristes rassemblés en la cathédrale du Sacré-Cœur de Sarajevo. La rencontre a été marquée par le récit poignant de trois témoins, qui, la voix brisée ont raconté les horreurs de la guerre, les traitements inhumains, les coups, les humiliations, les insultes. Une religieuse enlevée, brimée, frappée par des miliciens musulmans venus du Moyen-Orient. Un prêtre horriblement torturé par des soldats, un franciscain déporté par les serbes dans un camp de concentration où les prisonniers mouraient de faim et de soif, puis secouru par une musulmane. Après avoir écouté ces témoignages, le Saint-Père a souhaité renoncer au discours qu’il avait préparé pour s’adresser directement à l’assemblée.
Le Pape dans son intervention, totalement improvisée, a insisté sur le devoir de mémoire. La mémoire des martyrs. « Ne pas oublier votre histoire, non pas pour vous venger, mais pour faire la paix (…) pour aimer comme eux ont aimé ». « Dans votre sang, dans votre vocation, il y a le sang et la vocation de ces trois martyrs », a affirmé le Saint-Père, faisant allusion aux paroles poignantes qu’il venait d’entendre. « Ces témoignages parlent d’eux-mêmes, c’est la mémoire de votre peuple, de vos pères et mères dans la foi ». Et le Pape insiste : « n’oubliez pas vos ancêtres, ceux qui vous ont transmis comment se vit la foi ».
Le Saint-Père confie ensuite qu’il a été particulièrement touché par le mot « pardon » répété à plusieurs reprises. « Pardonner un ami avec lequel tu t’es disputé ou une sœur jalouse, ce n’est pas très difficile », reconnaît-il, mais« pardonner celui qui t’a frappé, torturé, qui t’a menacé avec un fusil pour te tuer, ça c’est difficile. Et eux l’ont fait ».
Le Saint-Père évoque également les camps de concentration où « chaque minute, chaque heure est une torture ». Tant de fois, souligne-t-il, « l’esprit du monde nous fait oublier les souffrances de nos ancêtres. Ceux qui vivaient sales, sans nourriture, sans eau, dans la chaleur ou le froid ». Et nous, poursuit le Pape, « nous nous plaignons quand nous avons mal aux dents ou parce que nous voulons la télévision dans notre chambre ».
L’importance du pardon
« Les religieux, religieuses, prêtres, séminaristes mondains sont une caricature, ils n’ont pas la mémoire des martyrs ». Le Saint-Père exhorte alors à « chercher le bien de tous », à « faire toujours le contraire de la cruauté », à« savoir pardonner » alors qu’ « aujourd’hui aussi dans ce contexte de guerre mondiale on voit tant de cruauté ». « Ayez des attitudes de tendresse, de fraternité, de pardon, c’est ainsi que l’Eglise vous veut ».
Dans le discours, prévu initialement, que le Pape a remis aux prêtres, religieux, religieuses et séminaristes, il les invite à être « des semeurs d’espérance ». Le Saint-Père, évoque « les souffrances et les épreuves passées des communautés chrétiennes » saluant leur courage et leur capacité de résistance. Et alors que les blessures de la guerre sont toujours vives dans les cœurs, il les exhorte à être toujours proches du peuple, à faire « sentir la proximité de Dieu qui réconforte et guérit ».
S’approcher des larmes du peuple
« Mettre en œuvre la pastorale de l’espérance », c’est la mission des prêtres et des personnes consacrées de Bosnie-Herzégovine. Le Pape François en précise les contours : aller à la rencontre des gens « là où ils vivent », les croyants mais aussi « cette partie du troupeau qui reste hors de l’enceinte, loin parfois sans connaître encore Jésus », œuvrer dans des contextes souvent« caractérisés par des tensions, des discordes, des méfiances, la précarité et la pauvreté ». Mais pour « s’approcher des blessures et des larmes du peuple »précise le Saint-Père, il ne faut pas « se lasser d’ouvrir le cœur et de tendre la main », il faut avoir « un cœur qui sache s’émouvoir, une capacité d’empathie ».
Et le Pape met une nouvelle fois en garde contre « la tentation de devenir une espèce d’élite fermée sur elle-même » et il rappelle l’importance du« témoignage d’une vie humble et détachée des intérêts du monde ». « Le dévouement au peuple fidèle de Dieu, l’immersion dans sa vie et surtout la proximité avec les pauvres et les petits nous fait grandir dans la conformation au Christ », insiste le Saint-Père, qui salue l’œuvre des religieuses, « leur présence fidèle et attentionnée » et invite les séminaristes à suivre l’exemple « du serviteur de Dieu Petar Barbarić » qui « unit l’Herzégovine, où il naquit, et la Bosnie, où il fit profession ».