Homélie du Pape François du 7 juillet 2014

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Lundi matin, le Pape a célébré la messe en la chapelle Sainte-Marthe avec six victimes de prêtres pédophiles venues d’Allemagne, d’Irlande et du Royaume-Uni, et avec les membres de la commission pontificale pour la protection des mineurs. Voici la traduction française de son homélie réalisée par Sel et Lumière :

L’image de Pierre qui, voyant sortir Jésus de l’interrogatoire, croisa son regard et se mit à pleurer me touche particulièrement aujourd’hui. En effet, votre regard m’arrive au cœur avec ceux de tant d’hommes et de femmes, de garçons et de filles. Je sens le regard de Jésus et je demande la grâce que l’Église puisse pleurer et faire réparation pour ces enfants qui ont trahi leur mission, qui ont abusé de personnes innocentes. Aujourd’hui je vous suis reconnaissant d’être venus jusqu’ici.

Depuis longtemps, je sens dans mon cœur une douleur profonde, une souffrance, longtemps cachée, dissimulée avec une complicité qui n’a pas d’explication, jusqu’à ce que quelqu’un sente le regard de Jésus, et un autre la même chose, et un autre la même chose… et ils ont eu le courage de soutenir ce regard. Ces petits qui ont commencé à pleurer, comme par contagion, ont réveillé notre conscience devant ce crime et ce péché grave.

Voilà mon tourment et ma douleur devant le fait que certains prêtres et évêques ont violé l’innocence de mineurs et ainsi leur propre vocation sacerdotale en les abusant sexuellement. Il s’agit de beaucoup plus que des actes répréhensibles. C’est comme un culte sacrilège car ces enfants ont été confiés au charisme sacerdotal pour être amenés vers Dieu, et eux les ont sacrifiés à l’idole de leur concupiscence. Ils ont profané l’image même de Dieu par laquelle nous avons été créés. L’enfance, nous le savons tous, est un trésor. Le cœur des jeunes, ouvert et plein de confiance, contemple les mystères de l’Amour de Dieu et se montre disponible à la foi d’une manière unique. Aujourd’hui, le cœur de l’Église regarde les yeux de Jésus dans ces jeunes enfants garçons et filles et veut pleurer. Elle demande la grâce de pleurer devant de tels actes exécrables d’abus perpétrés contre des mineurs. Des actes qui ont laissé des cicatrices pour toute la vie.

Je sais que vos blessures sont une source de peines émotives et spirituelles profondes pouvant mener au désespoir. Plusieurs de ceux qui ont souffert de telles expériences ont cherché des compensations dans certaines dépendances. D’autres ont expérimenté de sérieux problèmes dans leurs relations avec leurs parents, leur époux ou leurs enfants. La souffrance des familles a été particulièrement grave parce que les dommages provoqués par les abus ont des conséquences sur ces relations fondamentales.

Certains ont aussi souffert à cause du suicide d’une personne chère, ce qui est une terrible tragédie. La mort de ces êtres aimés, de ces enfants de Dieu, pèse sur mon cœur, sur ma conscience et sur celle de toute l’Église. À ces familles, j’offre mes sentiments d’amour et de douleur. Jésus torturé et interrogé avec haine est conduit dans un autre lieu et regarde. Il regarde l’un des siens, celui qui l’avait renié et qui maintenant pleure. Demandons cette grâce avec celle de la réparation. Les péchés d’abus sexuels contre des mineurs de la part des membres du clergé ont des effets destructeurs sur la foi et l’espérance en Dieu. Certains se sont attachés à la foi pendant que pour d’autres, la trahison et l’abandon ont érodé leur foi en Dieu.

Votre présence ici parle du miracle de l’espérance qui prévaut contre la plus profonde obscurité. C’est sans aucun doute un signe de la miséricorde de Dieu qu’aujourd’hui nous ayons l’opportunité de nous rencontrer, d’adorer Dieu, de nous regarder dans les yeux et de chercher la grâce de la réconciliation.

Devant Dieu et tout son peuple, je suis profondément peiné pour les péchés et les crimes graves d’abus sexuels commis à votre égard par des membres du clergé et je demande humblement pardon. Pardon aussi pour les péchés 1_0_771138
d’omission des responsables de l’Église qui n’ont pas répondu correctement aux dénonciations d’abus. Cela amène une souffrance supplémentaire à ceux qui ont été abusés et a mis en danger d’autres mineurs qui étaient en situation de risque. D’autre part, le courage que vous et d’autres ont démontré en disant la vérité a été un service d’amour en faisant la lumière sur une terrible obscurité dans la vie de l’Église. Il n’y a pas de place dans le ministère de l’Église pour ceux qui commettent ces abus. Je m’engage à ne tolérer aucune personne infligeant un mal à un mineur, indépendamment de son statut clérical. Tous les évêques doivent exercer leur responsabilité de pasteurs avec un soin spécial pour préserver la sécurité des mineurs et ils rendront compte de cette responsabilité. Le conseil de Jésus à ceux qui cause scandale à savoir qu’ «  il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer » (Mt 18, 6) vaut pour nous tous.

D’autre part, nous serons aussi plus vigilant dans la préparation au sacerdoce. Je compte sur les membres de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, de tous les mineurs, appartenant à n’importe quelle religion, et qui sont des petits que Dieu regarde avec amour. Je demande cette aide afin que nous puissions assurer que nous disposons des meilleures politiques et procédures dans l’Église universelle pour la protection des mineurs et pour la formation du personnel dans l’Église. Je demande aussi de mener à terme de telles politiques et procédures. Nous devons faire tout notre possible pour assurer que de tels péchés ne se répètent plus dans l’Église.

Frères et sœurs en tant que membres de la famille de Dieu, nous sommes appelés à entrer dans la dynamique de la miséricorde. Le Seigneur Jésus, notre sauveur, est l’exemple suprême, l’innocent qui a porté nos péchés sur la croix. Se réconcilier est l’essence même de notre commune identité de disciple du Christ. S’adressant à Lui, accompagné de notre Mère très Sainte aux pieds de la croix, demandons la grâce de la réconciliation avec tout le peuple de Dieu. La douce intercession de Notre Dame de la Miséricorde divine est une source inépuisable d’aide dans notre parcours de guérison.

Vous tous qui avez subi des abus de la part du clergé, vous êtes aimés de Dieu. Je prie afin que ce qui reste dans l’obscurité et qui vous a touché soit guéri par l’étreinte de l’enfant Jésus et qu’ainsi les blessures soient remplacées par une foi et une joie renouvelées.

Je rends grâce pour cette rencontre et, s’il vous plaît, prier pour moi, pour que mon cœur voit toujours avec clarté le chemin de l’amour miséricordieux et que Dieu me donne le courage de suivre cette voie pour le bien des mineurs.

Jésus sort d’un jugement injuste, d’un interrogatoire cruel et regarde les yeux de Pierre et Pierre pleure. Nous demandons qu’Il nous regarde, que nous nous laissions regarder pour que nous puissions pleurer et qu’il nous donne la grâce de la honte, afin que, comme Pierre 40 jours plus tard, nous puissions lui répondre « tu sais que nous t’aimons » et écouter sa voix nous dire : « retourne sur ton chemin et pais mes brebis » et j’ajouterais « et ne permets pas qu’un loup entre au sein du troupeau ».

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