Archevêque Luigi Bonazzi,
Nonce apostolique au Canada
Nous sommes au seuil de Noël, événement important qui peut, si nous l’accueillons, changer nos vies. Une histoire de Tolstoï que j’ai connue grâce au pape Benoît XVI m’aide à transmettre la lumière et la vie qui jaillissent de Noël.
L’auteur russe Léon Tolstoï raconte le récit d’un tyran qui demande à ses prêtres et aux sages de lui enseigner une manière de voir Dieu. Malheureusement, ces hommes, bien qu’intelligents, furent incapables de satisfaire son désir. C’est seulement après ce premier essai qu’un berger, revenant à peine des champs, se présenta, prétendant être à la hauteur de cette tâche précédemment confiée aux sages et aux savants. Ainsi, le berger apprit au roi que ses yeux n’étaient pas assez bons pour voir Dieu. Le tyran répliqua qu’il voulait savoir au moins ce que Dieu faisait. « Pour être en mesure de répondre à votre question » affirma le berger, « nous devons échanger nos vêtements ».
Hésitant mais tout de même intrigué et curieux devant les renseignements tant attendus, le roi consentit à donner au berger sa robe royale et se vêtit lui-même des sobres habits du pauvre homme. Ainsi vint la réponse : « Voilà ce que Dieu fait » : le Fils de Dieu, Dieu né du vrai Dieu, a échangé sa divine splendeur « il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Philippiens 2, 7-8)
À Noël, Dieu a effectué son sacrum commercium, son échange sacré. Il a pris sur Lui ce qui était nôtre pour que nous puissions recevoir ce qui était sien. Tout cela pour nous rendre semblables à Dieu. Désormais, l’exclamation qui résonnera dès le premier siècle de l’ère chrétienne sera : « Chrétiens, reconnaissez votre dignité maintenant que vous participez de la nature même de Dieu. Laissez tomber le péché qui vous ramène à votre vieille condition (Extrait d’une homélie de Noël du pape saint Léon le Grand).
Quelle est cette dignité ? C’est d’avoir reçu l’habit de Dieu. Or, le vêtement de Dieu c’est l’amour : « Dieu est amour » (1 Jean 4, 8). Devenant homme, ce qui est le mystère central de Noël, Dieu a habillé toute l’humanité de son propre vêtement. Il a mis son amour en nous. Oui, en nous, en moi ! Ne réside pas en nous seulement cette capacité humaine d’aimer qui, parfois, peut devenir égoïsme et haine. Précisément, le sens de Noël nous rappelle qu’en assumant notre nature humaine et devenant l’un de nous, Dieu a montré à chacun l’abondance de son amour. Cet amour de Dieu qui peut vaincre toutes les batailles, surmonter toutes les difficultés, nous rendre capables de vivre en paix avec Dieu, avec nous-mêmes et les autres. Comment pourrais-je ne pas pardonner mon prochain si l’amour de Dieu est en moi, cet amour qui a la force de la miséricorde de Dieu ?
Il est vrai que les pauvres, ceux qui se contentent d’un budget serré pour finir le mois sont très nombreux. L’abondance économique n’est pas donnée à tous. Mais il y a une abondance que nous avons tous et qui ne coûte pas un sou. Qui a la plus grande valeur et qui est disponible à tous. C’est l’abondance de l’amour. Cet amour que Dieu nous donne et que nous pouvons nous partager les uns les autres.
O Seigneur, en ce temps de Noël, aide-nous à être conscients de l’abondance de l’amour que tu as placée entre nos mains ! Cette capacité de nous donner nous-mêmes en apportant la cordialité, la joie et le bonheur chez nos frères et sœurs. Chacun d’entre nous est une personne riche puisque nous transportons en nous l’abondance de l’amour qui peut être distribué aux autres. Le monde est pauvre et souffre beaucoup du fait que cet amour n’est ni donné, ni partagé. « Se donner nous-mêmes » résume ce que signifie célébrer Noël. Seigneur, aide-nous à nous vêtir de cet habit que tu nous donnes en partageant ton amour.
Ainsi, chaque jour sera comme à Noël, un beau Noël.