On s’y attendait et c’est désormais officiel : le jésuite français Pierre Favre, ami de Saint Ignace de Loyola, vient d’être inscrit dans le catalogue des saints. C’est le pape François lui-même qui l’a décidé par une procédure extraordinaire et personnelle. Homme de dialogue, Pierre Favre est l’un des modèles avoués du Souverain Pontife, lui-même issu de la Compagnie de Jésus. Béatifié par Pie IX en 1872, le cofondateur de la Compagnie de Jésus sera désormais honoré par l’Eglise universelle.
Moins connu que Saint François-Xavier ou Saint Ignace de Loyola, Pierre Favre fait partie des co-fondateurs de la Compagnie de Jésus. Berger d’origine savoyarde né en 1506, ce prêtre jésuite du XVIe siècle a parcouru l’Europe entière. En 1525, Pierre Favre arrive à Paris pour étudier au collège Ste Barbe, il y rencontre François-Xavier et Ignace de Loyola et suit fidèlement les Exercices spirituels de ce dernier. Après la fondation de la Compagnie de Jésus en 1537 et sa reconnaissance par le pape Paul III trois ans plus tard, Pierre Favre est ensuite envoyé par le Vatican en Allemagne, à Ratisbonne puis à Cologne, au moment de la Réforme protestante luthérienne. Sa route missionnaire prend aussi la direction du Portugal ou en Espagne, avant de participer au Concile de Trente, dont il ne verra pas la fin : il meurt à l’âge de 40 ans en 1546. Plus de trois siècles plus tard, il est reconnu Bienheureux par Pie IX en 1872.
Un modèle avoué du pape François
Dans son entretien à la revue jésuite Etudes en septembre 2013, le Pape décrivait ainsi Pierre Favre : « le dialogue avec tous, même avec les plus lointains et les adversaires de la Compagnie ; la piété simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d’être un homme de grandes et fortes décisions, capable en même temps d’être si doux ».
Que retenir de la biographie de Pierre Favre ?
Au début, Pierre Favre a été considéré comme le premier compagnon de Saint-Ignace, avant même Saint François-Xavier. Dans cette petite « trinité des Compagnons de Jésus », Pierre Favre est vraiment le second de Saint-Ignace. Ensuite, Pierre Favre est envoyé en mission : d’abord au nord de l’Italie, puis en Allemagne, autour de Cologne, qui est déjà très marquée par le protestantisme et par le luthéranisme.
Pierre Favre est contemporain de la Réforme protestante. Il a toujours recherché le dialogue justement avec les protestants. Est-ce qu’on peut parler de Pierre Favre comme une première figure, un pionnier de l’œcuménisme ?
C’est tellement vrai de dire cela, qu’il a écrit juste avant de partir à Trente (un concile qui a essayé de répondre à la requête protestante et donc à Luther particulièrement), que dans le dialogue avec des hérétiques, il faut commencer à parler de ce sur quoi on est d’accord avant de discuter des points de friction. Cette formule a été reprise par Jean-Paul II à propos du dialogue œcuménique.
Dans sa mission au service de l’Église, quelles sont les principales caractéristiques à retenir dans sa biographie ?
La ligne de force de sa spiritualité est la mission auprès des croyants et des incroyants pour faire passer l’Évangile. Il ressent profondément, comme Saint-Ignace, la nécessité pour tous, catholiques d’abord et les autres ensuite, de retrouver l’essentiel. D’où les Exercices spirituels qui sont un cheminement qu’il a lui-même suivi. Il a même certainement collaboré d’assez près avec Ignace à la rédaction finale du livre des Exercices qui est une manière de retrouver, à partir de la conversion intérieure, une force pour parler de Jésus en plein monde et dans les diversités du monde. On se ressource dans le vif spirituel de la vie, dans l’Esprit de Jésus Christ pour pouvoir aller n’importe où. La nécessité de la mission partout et avec tout le monde continue à s’imposer aujourd’hui.
Dans son interview donnée à la revue jésuite Études, le pape François indique que Pierre Favre est l’un de ses modèles. Est-ce que vous pouvez déjà sentir la force de ce modèle dans le début de son pontificat ?
Depuis quelques années, une formule que nous aimons beaucoup actuellement dans la Compagnie est « aller aux frontières ». Ce n’est plus seulement aller en Chine, comme ce qu’a fait François-Xavier, mais c’est aller aussi – et ça c’est tout à fait Pierre Favre – à ces frontières qui sont présentes là où nous sommes, en Europe : la frontière de l’incroyance, la différence des confessions et la sécularisation qui marquent notre époque. Voilà le « lieu » dans l’esprit de Pierre Favre où il ne faut pas avoir peur de s’avancer. Le pape François, avant d’être Pape, a donné une retraite à des évêques en Amérique Latine. Cette retraite conduisait les évêques à devenir missionnaires, à revivifier leurs responsabilités administratives ou pastorales dans le sens de la mission.
Pierre Favre n’a jamais vécu dans une communauté (sauf tout à fait à la fin de sa vie, quand il était en Espagne ou au Portugal). Il vivait n’importe où, en quelque sorte, et par exemple, le fait que le pape François ait choisi d’habiter à la Maison Sainte-Marthe plutôt que dans les appartements pontificaux est une manière de dire « il n’est pas inutile de se rapprocher du peuple pour être plus près de lui et ne pas laisser gagner trop de distance entre le peuple et les pasteurs ». Maintenant, grâce au pape François et à ses soucis pastoraux, on retrouve ce Pierre Favre qui va de la profondeur de la conversion à la largeur de la mission.
Source : Radio Vatican