C’est avec sagesse et sérénité que Benoît XVI a fait ces derniers adieux en tant que Pape, aujourd’hui 28 février 2013. En la salle Clémentine, du palais apostolique, 144 cardinaux et proches collaborateurs du Pape étaient rassemblés pour le saluer un par un. La rencontre a commencé avec le doyen du Collège des cardinaux, le cardinal Angelo Sodano qui s’est adressé à Benoit XVI au nom de tous les cardinaux:
« Nous sommes rassemblés autour de vous pour vous dire notre affection et notre gratitude pour un service apostolique de grande abnégation, totalement tendu vers le bien de l’Église et de l’humanité. A la fin des exercices spirituels, vous avez tenu à remercier vos collaborateurs de la Curie Romaine en nous appelant amis! Aimé et vénéré successeur de Pierre, c’est nous qui devons vous remercier pour l’exemple offert durant ces huit années de pontificat. Le 19 avril 2005, vous entriez dans la longue chaîne des successeurs de l’Apôtre. Aujourd’hui, vous vous apprêtez à nous quitter, dans l’attente que le timon de la barque passe à d’autres mains. Ainsi se poursuivra la succession apostolique que le Seigneur a promis à son Église…jusqu’à la fin de ce monde et l’avènement de cieux nouveaux et d’une nouvelle terre. C’est avec amour que nous avons essayé d’accompagner votre chemin à l’image des pèlerins d’Emmaüs qui, après un bout de chemin avec le Christ, se demandèrent si leur cœur avait été assez ardent alors que marchant il leur parlait. Oui, très saint Père, notre cœur brûlait ces dernières années à vos côtés et, aujourd’hui, nous voulons vous redire toute notre gratitude. Tous en cœur nous vous disons Vergelt’s Gott, Dieu vous récompense! ».
Avant de les saluer un par un, le pape Benoît XVI s’est aussi adressé aux cardinaux:
« Pour moi aussi ce fut une joie que de marcher avec vous, à la présence du Ressuscité. Comme je l’ai dit hier à la foule Place St.Pierre, votre solidarité et vos conseils m’ont été précieux durant mon ministère. Ces huit années, nous avons vécu des moments radieux pour l’Eglise en marche, mais aussi des moments sombres et menaçants. Nous avons cherché à servir le Christ et son Eglise avec l’amour total qui est l’âme même de notre ministère. Remercions ensemble le Seigneur pour nous avoir fait grandir dans la communion. Nous avons proposé l’espérance qui vient du Christ et qui seul éclaire le chemin. Qu’il nous aide à grandir dans une unité profonde, afin que le Collège cardinalice soit comme un orchestre où la diversité, qui exprime l’Église universelle, sert l’harmonie. Je voudrais vous laisser une pensée simple, qui me tient à cœur, sur l’Église et son mystère. Elle est pour nous tous, notre raison de vie. Je reprends une formule que Romano Guardini émit l’année où les pères conciliaires approuvèrent la constitution Lumen Gentium, dans un livre qui m’est d’autant plus précieux qu’il m’avait dédicacé un exemplaire. Cette formule m’est chère: L’Église n’est pas une institution inventée mais une réalité vivante. Elle vit au long des siècles et grandit comme tout être vivant en se transformant tout en restant elle-même, car son cœur est le Christ. Hier sur la place, nous avons vu l’Église comme corps vivant, animé par l’Esprit Saint et fortifié par Dieu. Vivant dans le monde, elle n’est pas du monde, mais de Dieu, du Christ et de l’Esprit. C’est ce que nous avons vu hier, qui illustre bien l’autre formule de Guardini pour qui l’Église se manifeste dans les âmes. L’Église vit, grandit et se révèle dans les âmes qui, à la suite de Marie, accueillent la Parole et la conçoivent comme œuvre de l’Esprit. Ses membres sont sa chair, et malgré leur pauvreté et leur modestie, ils deviennent capables de porter le Christ dans le monde. Jésus-Christ continue d’avancer partout, à travers le temps. Chers frères, demeurons unis dans ce mystère, dans la prière et dans l’Eucharistie quotidienne, afin de servir l’Église et l’humanité entière. C’est une joie que personne ne peut nous ôter. Sachez que je continuerai de vous être proche dans la prière, notamment les jours prochains, afin qu’en pleine docilité à l’Esprit Saint vous procédiez à l’élection du nouveau Pape. Puisse le Seigneur vous indiquer celui qu’il veut. Parmi vous se trouve le futur Pape, auquel dès aujourd’hui je promets une révérence et obéissance inconditionnelles ».
C’est avec émotion que les cardinaux et proches collaborateurs l’ont salué un par un, avec des mots et des petits gestes personnels, exprimant ainsi leur affection et amour pour le Pape. Un peu plus tard, après avoir quitté ses appartements, le Pape a été salué par la Garde suisse, et a été ovationné par le personnel de la Curie. Puis, en hélicoptère, il a survolé au-dessus de Rome en passant par sa cathédrale d’évêque de Rome, St-Jean de Latran, pour atterrir enfin à Castelgandolfo. De là, Benoît XVI est apparu au balcon de sa résidence et a salué ses fidèles, une dernière fois:
« Merci chers amis! Je suis heureux d’être parmi vous entouré de la beauté de la création et de votre sympathie. Cela me procure un grand bien », s’est-il exclamé. « Merci de votre amitié et de votre affection. Vous savez que c’est pour moi un jour particulier, différent des précédents. Je ne suis plus le Souverain Pontife de l’Eglise catholique, ou plutôt je ne le serai plus après huit heures. Je suis simplement un pèlerin qui entame la dernière étape de son voyage terrestre. Avec mon coeur et tout mon amour, avec ma prière et ma réflexion, et de toutes mes forces intérieures, je désire oeuvrer pour le bien commun, le bien commun de l’Eglise et de l’humanité. En cela je me sens fortement soutenu par votre sympathie. Allons de l’avant en compagnie du Seigneur pour le bien de l’Eglise et du monde. Et maintenant, de tout coeur, je vous bénis au nom de Dieu Tout Puissant, Père, Fils et Esprit. Merci à vous tous, et bonne nuit! ».
Un jour qui restera mémorable pour tous.