Mémoire des évêques catholiques de l’Ontario soumis au Comité permanent de la politique sociale sur les projets de loi 13 et 14


L’Assemblée des évêques catholiques de l’Ontario est l’association des évêques catholiques romains de la province de l’Ontario, responsables des soins spirituels dispensés aux quelque 4 millions de citoyens catholiques romains de notre province.
L’intimidation et la manière d’y réagir
Les Ontariens ont tous pris davantage conscience ces derniers temps de la souffrance causée par l’intimidation. D’où un renouveau d’efforts pour veiller à ce que nos écoles deviennent des lieux où chaque élève soit accueilli et aimé, et que les jeunes ne soient plus soumis à ce fléau.
Les écoles catholiques sont résolues à offrir un milieu dans lequel chaque personne est traitée en enfant de Dieu et accueillie comme le Christ, conformément au message de l’Évangile, qui est le fondement spirituel de l’éducation catholique.
La seule façon vraiment efficace et durable de lutter contre l’intimidation et de créer des communautés d’apprentissage où tous soient accueillis comme le Christ, c’est d’appeler chaque personne à s’engager plus profondément à traiter les autres avec amour et respect. Cette bienveillance envers autrui ne peut être imposée par une loi, mais elle s’épanouira dans un contexte où toute la communauté scolaire est fermement enracinée dans les principes de l’Évangile. Les lois et les règlements ne sont pas inutiles pour autant. Il est bon que la législature ontarienne envisage de s’attaquer au grave problème de l’intimidation.


La portée du travail législatif sur l’intimidation
Toute législation sur cette question doit porter sur l’intimidation comme telle et sur la façon de créer un milieu dans lequel chacun soit aimé et respecté. Si on met l’accent sur un aspect particulier du problème, il faut que ce soit sur la base d’une analyse objective des diverses formes d’intimidation en milieu scolaire et des personnes qui sont le plus à risque. Le but doit être d’aider les élèves, et tous ceux et celles qui participent à la vie de la communauté scolaire, à faire de leur école un milieu plus accueillant pour tous. À l’école catholique, la motivation de ces efforts et les principes qui les orientent naissent de la conviction profonde que chaque personne doit être traitée avec amour parce qu’en chaque personne nous sommes appelés à reconnaître le Christ (Matthieu 25,31-46).
Quelques commentaires sur les mesures législatives proposées
Le projet de loi 14 présente des mesures judicieuses pour lutter contre le problème de l’intimidation, et il serait bon que ces mesures soient incorporées à la loi.
Le projet de loi 13 apporte des amendements utiles à la Loi sur l’Éducation, pour aider les écoles à enrayer l’intimidation de manière plus efficace. Mais il doit être modifié.
Une législation qui veut s’attaquer à l’intimidation doit veiller à rendre l’école accueillante pour tous les jeunes et à faire en sorte que nul n’y subisse de mauvais traitements. Les intimidateurs invoquent divers prétextes pour s’en prendre aux autres. Ils cibleront l’apparence physique, les notes, l’origine culturelle ou bien d’autres facteurs encore.
Le projet de loi 13, dans sa forme actuelle, met en évidence un groupe particulier de victimes possibles (à remarquer, dans le préambule, la référence précise aux LGBTTIQ, de nombreuses allusions à l’homophobie et la présentation d’une méthode particulière [les groupes GSA] comme ayant valeur normative – ce qui est d’ailleurs la seule mesure particulière proposée dans le Projet de loi).
Cette forme d’intimidation est assurément inacceptable et ne saurait être tolérée.
Mais il y a beaucoup de jeunes qui subissent de l’intimidation, et la plupart ne se retrouvent pas dans la catégorie que le projet de loi met en évidence. Ce projet de loi devrait porter sur la façon dont les écoles doivent devenir plus accueillantes pour tous leurs élèves. Aucune victime ne doit être ignorée.
Si on met l’accent sur une forme particulière d’intimidation, il faut que ce soit en lien avec la prévalence avérée de ce problème; or c’est au niveau local, sur le terrain, qu’on peut le mieux en juger. Les différentes formes d’intimidation varient d’une école à l’autre, selon le contexte, et la réaction devrait se fonder sur une évaluation objective du milieu. La loi doit encourager une telle flexibilité.
Au lieu de mettre en évidence à l’échelle provinciale, dans une loi de l’assemblée, un nombre limité de groupes (par exemple, à l’article 9, dans la liste de quatre types précis de clubs étudiants à encourager), la législation devrait se montrer plus souple et présenter aux écoles les principes à adapter sur le plan local pour composer avec la situation concrète, quelle qu’elle soit. Toutes les formes d’intimidation doivent être contrées, et toutes les victimes de l’intimidation doivent être aidées. Il n’y a rien à gagner à mettre en vedette un petit nombre de types d’intimidation.
Par ailleurs, il existe plusieurs façons d’atteindre l’objectif de créer des écoles accueillantes où chacun soit aimé et respecté. Pour y arriver, ce que nous désirons tous, chaque école doit suivre une voie conforme à ses principes fondamentaux. Il n’est pas utile d’ériger en norme commune une méthode particulière, comme ce qu’on appelle communément les GSA.
Ceux qui préfèrent cette approche (quel que soit le nom qu’on donne aux partisans de ce modèle) peuvent facilement la retrouver ailleurs, mais les écoles catholiques ont déjà leurs propres méthodes, très élaborées, pour arriver à créer une école accueillante et offrir une aide personnelle : ces méthodes se fondent sur les principes de l’Évangile à la base de l’éducation catholique. Il n’y a aucun avantage à insister pour imposer à ces écoles une méthode particulière née d’une perspective différente. Il est sûrement possible dans notre province de faire une place à des approches alternatives. Pourvu qu’on atteigne l’objectif commun d’une communauté scolaire bienveillante, la pluralité des méthodes devient un avantage qui enrichit l’expérience éducative.
Le texte intitulé « Respecter la différence », publié par l’Ontario Catholic School Trustees’ Association, expose les principes qui orientent la création de groupes étudiants dans une école catholique. Ces principes devront être respectés lorsque les écoles catholiques appliqueront une loi portant sur l’intimidation. Chaque groupe étudiant doit disposer de lignes directrices qui protègent la vie privée des élèves, afin de prévenir une pression malsaine du groupe et de veiller à ce que soient respectées les traditions spirituelles de l’école puisque c’est toute la communauté scolaire qui cherche à devenir un lieu où on cultive l’amour et le respect mutuel.
Une autre difficulté dans le projet de loi 13, c’est qu’à trois endroits on utilise l’expression vague d’« incidents fondés sur l’homophobie » (dans le préambule et aux articles 4 et 7). Un texte de loi doit être plus précis, car ces mots peuvent évoquer bien des choses différentes. Même s’il s’agit avant tout de s’attaquer à toute la question de l’intimidation et de venir en aide à tous les élèves, si on tient à préciser une forme particulière d’intimidation, il faut que la loi définisse clairement le comportement qu’elle entend réglementer. Cette expression ne le fait pas.
Autres considérations
L’éducation est avant tout la responsabilité des parents et l’État est là pour les assister. Il est important que l’exercice du pouvoir de l’État soit clairement circonscrit pour éviter qu’il ne porte atteinte aux droits des parents sur le plan local ou aux droits religieux des parents et de leurs enfants.
Lors du débat sur les projets de loi 13 et 14, nos représentants se sont nettement efforcés de coopérer pour produire un projet de loi amélioré afin de lutter contre le problème complexe de l’intimidation. L’Assemblée des évêques catholiques de l’Ontario félicite les législateurs de tous les partis, qui cherchent à protéger les élèves vulnérables, à faire ce qu’on peut faire avec une loi pour éliminer l’intimidation et pour aider à créer un milieu scolaire accueillant. Nous vous présentons les observations qui précèdent pour contribuer à faire en sorte que tout cela se fasse d’une manière équitable pour tous.
Le cardinal Thomas Collins
Président
Assemblée des évêques catholiques de l’Ontario

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