Par Sébastien Lacroix
Collaboration spéciale
La vie nous tend parfois des perches, nous ouvre une porte ou une fenêtre. Certain l’appelle Providence, d’autres le destin. Vers la fin de l’an 2000, une perche m’avait été tendue, celle de travailler au sein de l’équipe qui allait organiser la 17e Journée mondiale de la jeunesse à Toronto. J’ai bien failli décliner l’offre et poursuivre mes études tranquillement. J’ai pris une chance. J’avais 22 ans, et ma vie en a été transformée.
Jean-Paul II et la confiance en la jeunesse
Le succès des JMJ est dû en grande partie à la relation qu’avait le bienheureux Jean-Paul II avec les jeunes. La ‘pastorale jeunesse’ selon Jean-Paul II se résumait par l’accueil et l’affection toute paternelle, et non paternaliste, d’un homme qui avait confiance en la jeunesse. Nous sentions que Jean-Paul II nous aimait et qu’il croyait en nous! C’est pourquoi il nous invita à être les « sentinelles du matin ».
Cette confiance du Pape en la jeunesse se vivait concrètement au sein de l’organisation des JMJ au QG de Toronto. Le directeur général des JMJ 2002, le père Thomas Rosica, avait embrassé cette vision de Jean-Paul II. Dans tous les départements : transports, programmation, inscription, hébergement, des jeunes au début de la vingtaine étaient responsables de divers dossiers qui, normalement, auraient été confiés à des gestionnaires compétents et qualifiés. Plusieurs de ces jeunes leaders ont continué de servir l’Église au niveau diocésain, dans les médias ou ailleurs. Certains sont médecins, musiciens, politiciens, enseignants, chargés de projets… L’expérience de vie et de travail vécue ensemble nous a rendu conscients de l’héritage qui nous est confié, celui de la foi, et nous a permis de poursuivre notre chemin en sachant que nous sommes tous sous la lumière du Christ qui nous guide et nous unit.
Pour ma part, on m’avait confié la coordination du pèlerinage de la croix des JMJ à travers le Canada. Était-ce simplement à cause de mon nom de famille? En tous cas, le titre d’agent de la Croix m’aura collé à la peau plusieurs années après le passage de la croix des JMJ chez nous.
Jean-Paul II avait confié une croix de bois aux jeunes du monde en les invitant à la porter comme « signe de l’amour de Dieu pour l’humanité. » C’est ce qu’on fait des milliers de Canadiens d’un océan à l’autre, à l’autre. La croix a été accueillie dans les 72 diocèses du pays, a traversé toutes les provinces et territoires, a été plantée à Ground Zero à New York le temps d’une prière et a voyagé par tous les moyens de transports disponibles sur terre, sur mer et dans les airs!
Le pèlerinage de la croix des JMJ au Canada demeure un point fort de la JMJ 2002 et un point tournant dans l’histoire des JMJ. Les moyens de transports exceptionnels et la beauté de notre géographie y sont bien sûr pour quelque chose, nous avons d’ailleurs des photos et des livres magnifiques qui nous le rappellent. Mais avant les beaux livres et les « photos op », la croix a rassemblé, elle a « brisé les solitudes, » pour reprendre les mots d’une ancienne gouverneure générale. J’ai pu le constater un peu partout au Canada mais surtout le vivre concrètement avant et pendant le pèlerinage de 43 jours à pieds de Montréal à Toronto. Le groupe de 19 Portageurs que nous formions a été témoin des plus belles marques de solidarité, d’accueil, de réconciliation et de fraternité entre des gens de divers milieux et de diverses cultures. Briser les solitudes signifiaient alors créer des ponts entre anglophones, francophones et aborigènes, entre jeunes et moins jeunes, à travers des récits de vie fascinants et une histoire riche, en composant avec des vues parfois très différentes sur les façons de faire Église.
La vitalité de la vie religieuse
Avant de me joindre à l’équipe nationale en 2001, je connaissais vraiment deux communautés religieuses : les Petites-sœurs-de-la-Sainte-Famille et les Dominicains. C’était probablement plus qu’une majorité des pèlerins venus à Toronto. Pour plusieurs, la 17e JMJ aura mis en lumière la vie religieuse sous toutes ses formes. C’était en effet la première fois que l’on comptait un pavillon vocationnel. Et pour y faire passer les jeunes, on avait mis le café internet en plein centre du pavillon. Il n’y avait ni iphone ni Blackberry à l’époque. Il fallait nécessairement se rendre à un endroit désigné pour avoir accès à Internet. Inutile de dire que le pavillon vocationnel a connu un énorme succès et est aujourd’hui une composante importante des JMJ.
Des religieux et religieuses de tous âges, de partout et de toutes les spiritualités étaient venus témoigner leur joie de donner leur vie au service du Christ et de son Église. Cela n’a pas rempli les séminaires et couvents. La JMJ de Toronto aurait tout de même permis à plusieurs jeunes de découvrir que la vie religieuse et le sacerdoce sont autant d’options de vie et de sources de vrai bonheur.
La joie, l’audace et la solidarité
La JMJ 2002 nous a sortis de notre torpeur. Jean-Paul II nous a invités à transformer la culture de ce pays et à retourner à nos racines chrétiennes et ce qu’elles ont produit de meilleur pour cette nation : la joie, l’audace et la solidarité. En fait, pour reprendre une idée exposée par le père Rosica à maintes reprises, et que j’ai fini par intégrer, il s’agit des ingrédients-clés pour être d’authentiques disciples du Christ, tel que vécu et rapporté au début de l’Église.
La joie : celle d’être ensemble, de nous retrouver « sous cette commune lumière » et de célébrer le don de la foi.
L’audace : celle de témoigner de cette joie et d’annoncer un Dieu vivant, transcendant et accueillant.
La solidarité : parce que nous sommes enfants de Dieu et que nous savons qu’au-delà des frontières, nous appartenons au même Corps.
Dix ans plus tard
Aujourd’hui marié et papa d’une magnifique petite fille, je constate à quel point ces deux années consacrées à la JMJ 2002 ont façonné la personne que je suis, m’ont permis de découvrir l’universalité de l’Église et ont fait grandir mon affection pour elle. C’est pourquoi l’expérience de la Journée mondiale de la jeunesse de Toronto demeure vivante pour tant de personnes, sans compter tous les souvenirs impérissables et les images fortes que nous n’oublierons jamais.