En levant l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X ordonnés sans l’aval du pape par Mgr Marcel Lefebvre, Rome fait une fois de plus parler d’elle. Le désarroi des uns fait place à la colère des autres. Pourquoi poser ce geste fort de réconciliation à la veille du 50e anniversaire de l’annonce de Vatican II que rejette la Fraternité? Comment et pourquoi réintégrer au sein de la communion de l’Église des évêques qui refusent l’autorité d’un concile et pourquoi réhabiliter un évêque qui nie l’existence des chambra à gaz nazie? Le cardinal français Jean-Pierre Ricard a rendu public un message qui aide à comprendre les motivations du Saint-Père et l’importance pour le Benoît XVI de faire tout ce qu’il peut pour parvenir à l’unité. Le cardinal Ricard est bien au fait du dossier, étant membre de la Commission qui assure le dialogue avec la Fraternité.
Le décret, signé le 21 janvier 2009 par le cardinal Re, préfet de la Congrégation des évêques, à la demande du pape Benoît XVI, lève l’excommunication encourue latae sententiae par les évêques ordonnés le 30 juin 1988 par Mgr Lefebvre et formellement déclarée par le décret du cardinal Gantin, le 1° juillet 1988.
Cette levée a été demandée plus d’une fois par Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, et tout particulièrement dans une lettre adressée au cardinal Castrillon Hoyos, le 15 décembre dernier, au nom des 4 évêques concernés. Il en faisait même, avec la possibilité pour tout prêtre de célébrer la messe avec le missel de Saint Pie V, une des deux conditions préalables à l’ouverture d’un dialogue avec Rome. Il avait fait prier ses fidèles à cette intention.
Le pape Benoît XVI a voulu aller jusqu’au bout de ce qu’il pouvait faire comme main tendue, comme invitation à une réconciliation. Le pape, théologien et historien de la théologie, sait le drame que représente un schisme dans l’Eglise. Il entend la question qui est souvent posée dans cette histoire des schismes : a-t-on pris vraiment tous les moyens pour éviter ce schisme ? Lui-même s’est senti investi de la mission de tout faire pour retisser les fils déchirés de l’unité ecclésiale. N’oublions pas que le pape connaît bien le dossier car il avait été chargé par le pape Jean-Paul II de prendre contact avec Mgr Lefebvre et d’essayer de l’empêcher de commettre l’acte irrémédiable des sacres épiscopaux. Celui qui était à l’époque le cardinal Ratzinger avait été marqué par l’échec de sa mission.
La levée de l’excommunication n’est pas une fin mais le début d’un processus de dialogue. Elle ne règle pas deux questions fondamentales : la structure juridique de la Fraternité Saint Pie X dans l’Eglise et un accord sur les questions dogmatiques et ecclésiologiques. Mais elle ouvre un chemin à parcourir ensemble. Ce chemin sera sans doute long. Il demandera meilleure connaissance mutuelle et estime. A un moment, la question du texte même du Concile Vatican II comme document magistériel de première importance devra être posée. Elle est fondamentale. Mais toutes les difficultés ne seront pas forcément de type doctrinal. D’autres, de type culturel et politique, peuvent aussi émerger. Les derniers propos, inacceptables, de Mgr Williamson, niant le drame de l’extermination des Juifs, en sont un exemple.
On peut pourtant penser que la dynamique suscitée par la levée des excommunications devrait aider à la mise en route de ce dialogue voulu par le pape.
En cette fin de Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, n’oublions pas que le chemin le plus sûr pour marcher vers l’unité de tous les disciples du Christ reste la prière.
A Bordeaux, le 24 janvier 2009
Jean-Pierre cardinal RICARD
Archevêque de Bordeaux
Membre de la Commission
Pontificale « Ecclesia Dei »
Certes, nous pouvons comprendre les motivations profondes et l’ardent désir de l’Église de ramener en son sein les membres de la Fraternité Saint Pie X. En levant l’excommunication de tous les évêques de la Fraternité, le Vatican évite que les membres les plus radicaux du groupe se regroupe autour d’un évêque non réhabilité, ce qui aurait pu conduire à une division au sein même du mouvement. Malheureusement, le tollé soulevé dans la communauté juive à travers le monde suite à la réhinsertion de Mgr Richard Williamson, celui qui nie la mort de plus de 6 millions de Juifs pendant l’Holocauste, fait ombrage aux nobles motivations de Rome.