Par le père Thomas Rosica, C.S.B.
La célébration de l’Action de grâce au Canada constitue un contrepoint intéressant face à la fête célébrée par nos voisins américains. Alors qu’ils se souviennent des premiers colons qui se sont installés dans le Nouveau Monde, les Canadiens rendent grâce pour une bonne récolte.
Au cœur de la célébration de l’Action de grâce se trouve l’idée d’être reconnaissant pour la bonne saison qui se termine. Pourtant, lorsque tout va bien dans nos vies, rendons-nous souvent grâce à Dieu pour ce que nous sommes et ce que nous avons?
La reconnaissance va bien au-delà d’un simple « merci » obligé. Elle est une manière de percevoir le monde, un moyen pour être surpris, s’émerveiller. Il s’agit d’avoir les yeux ouverts et près de son cœur.
Quelles sont les qualités des gens reconnaissants ? Le souvenir est certainement le trait le plus précieux de la gratitude. L’une des plus grandes qualités de quelqu’un est d’être capable de dire « merci » aux autres et de ne prendre rien ni personne pour acquis. Ceux et celles qui ont cette vertu de la gratitude sont très riche : non seulement savent-ils qu’ils ont été bénis, mais ils se rappellent sans cesse que toute bonne chose vient de Dieu.
Un incident qui m’a beaucoup appris à-propos de la gratitude m’a particulièrement marqué. C’était en juin 1999 et je venais tout juste d’être nommé à la direction des JMJ 2002 au Canada. Je m’étais rendu à Paris pour rencontrer les responsables de l’Église qui avaient organisé la JMJ de 1997, qui fut d’ailleurs un grand succès.
Après trois jours de réunions intenses, l’évêque qui m’accueillait m’accompagna à un taxi. Il s’arrêta un moment sur le bord de la rue et me dit : « Thomas, il y a une chose que j’ai oublié de te dire – nous avons oublié de remercier les employés, les bénévoles et tous ceux qui avaient travaillé avec nous si fort pour le succès de cet événement. Nous nous en sommes aperçus alors qu’il était trop tard !
« Tu sais, nous [les prêtres] sommes les maîtres des grandes célébrations liturgiques… L’Eucharistie est essentiellement le grand acte d’action de grâce, mais nous ne savons pas comment dire ‘merci’. »
Mgr Michel Dubost m’a rappelé que la chose la plus importante que je pouvais faire en tant qu’être humain, prêtre et leader d’une grande organisation était de remercier ceux et celles qui travailleraient avec moi. Il m’a dit de ne prendre personne ni même un simple geste pour acquis.
Reconnaître les autres, dire merci, est une marque de grandeur. Si nos collègues ou collaborateurs sont découragés et démotivés, peut-être est-ce parce que nous ne leur avons jamais exprimé notre gratitude pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font ? Je sais que nous avons un long bout de chemin à faire en Église pour réellement vivre de ce que nous professons vraiment dans la célébration eucharistique. J’ajouterai que les églises ne sont pas les seules organisations qui omettent d’exprimer leur reconnaissance aux autres.
Le courage de dire merci – c’est-à-dire le courage de voir du même coup les personnes et les expériences de ce monde comme un don – transforme non seulement la personne qui profite de ce jugement, mais aussi le milieu, le monde, et ceux et celles qui nous entourent.
La gratitude est créative. Ceux et celles qui sont liés par la gratitude trouvent constamment en eux de nouvelles forces. Plus quelqu’un est reconnaissant et plus il s’enrichie de l’intérieur. Les gens reconnaissants rassemblent dans leurs souvenirs toutes les belles expériences du passé, comme le dit le proverbe : le cœur retient ce que la mémoire oublie.
En ce weekend au court duquel nous nous retrouvons avec nos parents et amis pour célébrer et partager, nous savons que Dieu est bon non pas par des oui-dires, mais parce que nous en avons fait l’expérience. Et c’est ce qui fait toute la différence.