Le Devoir de ce mercredi présente en une un Benoît XVI dans la noirceur sous le titre: Hausse subite des demandes d’apostasie au Québec. Il est intéressant de noter que les médias français s’étaient littéralement déchaînés sur l’Église et le Pape jusqu’à la semaine dernière. Une collègue journaliste parisienne m’a lancé à la blague: « On a beau être à l’air de la mondialisation, on dirait qu’un pigeon voyageur vient d’arriver au Québec. »
L’article, que vous pouvez lire, n’ajoute rien au-delà de son titre. On tente de démontrer que cette hausse démontre que là, vraiment, l’Église a dépassée les bornes et que les catholiques en ont assez. Il est vrai que bien des gens en ont assez, mais la conclusion est un peu rapide. On ne parle que d’une cinquantaine de personnes.
Tout de même, on peut dénoter deux choses. La première, positive, est que les catholiques prennent la parole sur la place publique. Il y a quelque chose qui n’a pas passé pour plusieurs d’entre nous, et nous ne craignons pas de le dire. Des milliers de personnes se sont ruées sur le web, sur les blogues et autres plateformes d’échanges, pour manifester leur désarroi, autre preuve que les paroles du pape sont encore écoutées de nos jours. Que ces paroles soient déformées ou incomprises démontrent le travail auquel doit s’atteler l’Église pour présenter et expliquer ses positions morales et éthiques, positions qui découlent d’une conception de l’homme comme personne humaine, créée et aimée de Dieu.
Le deuxième élément, plus sombre, que soulève la une du Devoir porte sur l’apostasie. L’apostasie est une chose grave. Apostasier sa foi ne revient pas à dire: je ne vais plus à la messe ou je ne mets plus jamais les pieds dans une église. L’apostasie signifie renier sa foi dans son intégralité, de manière publique et volontaire.
En tant que catholique, il m’est difficile de comprendre mes frères et soeurs qui sont prêts à poser ce geste aussi radical à cause de ce qu’ils ont entendu et compris. On peut avoir de la difficulté face à certaines positions de l’Église. On peut remettre en question les propos du Pape. En faisant cela, il importe de s’informer à diverses sources, d’essayer, par exemple, d’aller au-delà du premier niveau d’informations rapportées depuis un avion à 35 000 pieds dans les airs. Si, après cela, il m’est impossible d’accepter ce qui a été dit ou écrit, je peux, de manière personnelle, refuser cet enseignement.
Renier la foi de son baptême c’est renier la foi en Jésus-Christ, rédempteur et sauveur et en l’Esprit de Dieu qui agit dans le monde, et dans l’Église. C’est renoncer à une famille, imparfaite certes, mais toujours une famille, bimillénaire, riche d’une longue tradition et d’une grande diversité, de par les hommes et les femmes qui la composent.
À cet effet, le père Thimothy Radcliffe, ancien maître de l’Ordre des frères prêcheurs (Dominicains), a écrit une lettre, « Pourquoi rester » dont voici un extrait:
Nous restons parce que nous sommes des disciples de Jésus. Croire en Jésus, ce n’est pas adopter une spiritualité privée ou un code moral. C’est accepter d’appartenir à sa communauté. Ceux qu’il a appelés à le suivre marchent ensemble. Selon un vieil adage latin, Unus christianus, nullus christianus : un chrétien isolé n’est pas un chrétien. (…)
Dès l’origine, Jésus a appelé dans sa communauté les saints et les pécheurs, les sages et les fous. Il a dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Matthieu 9, 13). Et il continue à le faire, sinon il n’y aurait pas de place pour quelqu’un comme moi. Une communauté admirable de personnes merveilleuses et vertueuses, qui ne ferait jamais d’erreurs, ne serait pas un signe du Royaume de Dieu.
Une vague unité spirituelle ne suffit pas
Je ne pourrai jamais quitter l’Église catholique car je crois que Jésus nous appelle à vivre ensemble comme un seul Corps. Dans l’Évangile de Jean, peu de temps avant sa mort, Jésus a prié son père pour ses disciples «afin que tous soient un» (Jean 17, 21).
Rester ne veut pas dire que l’on s’enfouie la tête dans le sable, au contraire, cela signifie que nous reconnaissons qu’il y a plus grand que nous.
La lettre du père Radcliffe est disponible sur le site de La Croix.