Par Sébastien Lacroix
Le cardinal était à peine descendu de l’avion hier après-midi à Rome, qu’il dut se précipiter dans un studio pour une série d’entrevues via satellite. Les réactions à la lettre ouverte du Cardinal Ouellet ont été fortes, et l’auteur s’est dit un peu surpris. La surprise passée, il explique ses motivations et pèse ses mots :
C’est une main tendue… c’est un effort de construction pour l’avenir en enlevant les obstacles qui empêchent la compréhension et peut-être l’approfondissement de nos valeurs chrétiennes, de nos valeurs spirituelles. Nous en avons beaucoup besoin au Québec et c’est dans cet esprit-là que j’ai écrit cette lettre.
Journalistes et intervieweurs ont bien tenté d’amener le Cardinal sur un terrain glissant concernant certains enseignements de l’Église, car ils insistent, et avec eux certains théologiens, que les Québécois rejettent l’institution à cause de certains de ces enseignements sur des thèmes précis : l’avortement, la contraception, l’accès des femmes au sacerdoce, etc. Ainsi pour eux, l’Église devrait réviser ses positions. Au nom de l’ouverture ? Encore une fois, vous allez attendre longtemps. De toute manière, la vague est déjà passée, du moins jusqu’au retour de l’éminence de Québec…
Car la question de l’enseignement religieux confessionnel est loin d’être résolue, au contraire, beaucoup se sont faits un devoir d’en parler devant la Commission Bouchard/Taylor. C’est ainsi que l’archevêque concluait sa lettre de mercredi :
En tant que pasteur d’un peuple en grande majorité catholique, vous comprendrez que la transmission de notre héritage culturel et religieux me tient beaucoup à coeur. C’est pourquoi je réitère l’appui aux parents qui ont droit à ce que leurs enfants reçoivent à l’école un enseignement religieux qui corresponde à leurs convictions. Je demande donc avec eux à l’État de respecter la tradition québécoise de transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement PAR l’école – et d’offrir un espace aux Églises et aux groupes religieux reconnus afin qu’ils donnent des cours confessionnels qui soient conçus et rémunérés par eux. Et qu’au nom de la liberté religieuse de chacun, le cours d’État d’éthique et de culture religieuse soit OPTIONNEL.
Est-ce que j’ai bien compris : à l’école mais non par l’école ? Ce n’est pas ce que j’entendais depuis quelques mois. Cela ne correspond pas nécessairement non plus aux revendications de l’Association des parents catholiques du Québec, mais apparaît tout de même très intéressant. Les évêques du Québec pourraient même s’entendre sur une telle idée.
Il faut dire que la ‘division’ au sein de l’épiscopat québécois ne correspond pas tout à fait à ce que disent les médias. Tous les évêques veulent offrir la meilleure formation possible aux enfants, mais ne sont pas nécessairement d’accord sur la manière de le faire. Telle semble être la divergence entre Marc Ouellet et la plupart des évêques du Québec sur la question de l’enseignement religieux. Plusieurs éléments motivent les positions des uns et des autres.
Ceux qui sont pour le retrait de la catéchèse des écoles affirment que les enseignants sont bien souvent des contre-témoignages de la foi et de sa pratique.
Ceux qui souhaitent que cela demeure à l’école affirment que les parents n’ont pas les outils pour soutenir la formation de leurs enfants, que ce soit à la maison ou à la paroisse.
Ce dernier point est à mon avis injuste. Des outils extraordinaires sont désormais offerts aux paroisses et aux parents qui désirent poursuivre une démarche catéchétique avec leurs enfants. Pensons au chantier Passages et à la multitude de cahiers et de guides élaborer par l’Office de catéchèse du Québec, l’Institut de la famille et diverses maisons d’éditions. Plusieurs diocèses ont déjà mis beaucoup de temps et d’efforts afin d’implanter ces programmes de catéchèses en paroisse qui sont pertinents et solides. Les mettre de côté serait une erreur.
Encore cette année, près de 80% des parents québécois optent pour que leur enfant reçoive un enseignement religieux confessionnel à l’école. Cette option ne sera plus offerte dès septembre et sera remplacée par un programme d’éthique et religions sur lequel nous reviendrons plus tard. La question : est-ce que ces mêmes parents inscriront leurs enfants aux catéchèses offertes en paroisse ? La réponse est non. Parce qu’entre le soccer, le karaté et la piscine il ne reste plus beaucoup de temps et, papa et maman sont épuisés.
Pourquoi alors ne pas demander le soutien de l’école ? La question mérite d’être posée. Et débattue.