Par le père Thomas Rosica, C.S.B.,
Dès le début de l’évangile de Jean, la question de l’origine est soulevée. Qui était Jésus? Qui l’a envoyé? Quelle école rabbinique a-t-il fréquentée? D’où tire-t-il son savoir? Où a-t-il appris à enfreindre la loi de Dieu? Ce sont de telles questions qui marquent le récit de la guérison de l’aveugle du quatrième évangile (Jn 9, 1-41).
La guérison de l’aveugle est racontée en seulement deux versets alors que la controverse entourant la guérison s’étend sur trente-neuf versets. La controverse occupe toute la place! En guise de réponse aux questions sur l’origine de Jésus, celui qui était aveugle répond : « J’étais aveugle et maintenant je vois. » L’aveugle passe des ténèbres à la lumière : il voit Jésus en tant qu’homme, puis comme un prophète, il confesse à la fin que Jésus est le Fils de Dieu. Les Pharisiens semblent d’abord accepter la guérison de l’aveugle, ils commencent ensuite à douter pour finalement nier les origines célestes de Jésus. La simplicité de l’aveugle confond les sages. Ils finissent par refuser de voir, et se rendent eux-mêmes aveugles. Il est facile de s’identifier aux Pharisiens : ils tentaient simplement de faire ce pour quoi beaucoup d’entre-nous sont aujourd’hui formés : observer, analyser, décrire et expliquer des phénomènes.
Celui qui était autrefois aveugle ne connaissait pas tout le jargon pour interpréter son salut. Il n’était pas non plus pieux dans le sens traditionnel du terme ni respectueux des anciens. Il savait toutefois qu’auparavant, il était dans la noirceur et que maintenant, le monde entier était baigné de soleil. Voilà ce qu’il admit : « je sais une chose ». Comme si la chose la plus insignifiante qu’il puisse connaître était la personne qui l’avait sauvé!
L’homme qui a maintenant retrouvé la vue ne s’élance pas avec une connaissance particulière mais plutôt avec reconnaissance. Jésus est celui qui lui a donné la vie, qui l’a arraché de sa noirceur, qui lui a donné courage et espoir. Jésus est la clé, c’est Lui! L’aveugle n’est pas le seul à reconnaître Jésus. Les descendants spirituels de l’aveugle sont légions à travers l’histoire!
Des tentatives pour résoudre la question de la souffrance et de la mort ont bien souvent amené plus de souffrance que la douleur et l’angoisse à l’origine de ce questionnement. « Pourquoi moi? Pourquoi la souffrance? À qui la faute? Est-ce que la souffrance peut avoir un sens? Qui est à la source de cela? Pourquoi un tel mal doit-il exister? Pourquoi suis-je puni ainsi? » Nous utilisons souvent la métaphore de l’aveugle pour décrire notre inabilité à saisir le sens de la souffrance que nous endurons.
Si nous lisons cette histoire comme rien d’autre qu’une comédie satirique, nous manquons l’essentiel de la dernière scène, lorsque Jésus et l’aveugle guéri discutent devant la synagogue. La profession de foi de cet homme a une conséquence terrible pour lui et pour chacun de nous : il est rejeté de la synagogue. Il est coupé de la Torah, de sa famille, de la célébration du Sabbath et de la certitude de la loi, tout cela parce qu’il a fixé directement la lumière. C’était ce même regard fixe qui lui a amené une forme de guérison et une vision étranges.
Même aujourd’hui, plusieurs d’entre-nous sont très réticents à reconnaître la source de notre salut, le porteur d’espoir, la cause de notre joie. Nous avons peur de le nommer, craignant ce que les autres vont dire. Où est-ce parce que nous ne sommes pas convaincus que Jésus est la clé?
Si je suis un jour près du ciel, je voudrais avoir une longue discussion avec les vedettes des évangiles de ces trois semaines de carême. La Samaritaine (Jean 4), l’aveugle (Jean 9), et Lazare (Jean 11). Ils sont bénis car ils ont été renouvelés par les paroles personnelles du Christ, ses gestes consolateurs, son regard aimant et ses mots compatissants. Je voudrais leur poser à chacun trois questions : « D’où venait cet homme? Qu’avez vous senti lorsque vous l’avez regardé en face? Lorsqu’il vous a parlé‚ comment saviez-vous que c’était Lui?
Une prière pour voir
Que le Seigneur Jésus touche nos yeux,
Comme il toucha ceux de l’aveugle.
Alors nous pourrons voir ces choses qui sont invisibles.
Qu’Il ouvre nos yeux afin que nous fixions notre regard non pas sur les réalités présentes, mais sur les bénédictions à venir.
Qu’Il ouvre les yeux de notre cœur pour contempler Dieu qui est Esprit,
Par Jésus-Christ le Seigneur, à qui appartiennent la puissance et la gloire pour toute l’éternité. Amen.
-Origène(185-253)