[NDLR: Le présent article nous vient de Marilena Berardinelli, une jeune enseignante catholique à Toronto.]
En 1965, le groupe américain The Byrds a composé son single à succès « Turn! Turn! Turn! » Les jeunes d’aujourd’hui chantent encore les paroles toujours populaires: “For every season…a time to be born, a time to die…a time to plant, a time to reap, a time to kill, a time to heal, a time to laugh, a time to weep…” «Pour chaque saison… un temps pour naître, un temps pour mourir… un temps pour semer, un temps pour récolter, un temps pour tuer, un temps pour guérir, un temps pour rire, un temps pour pleurer…» Peu de gens savent toutefois que cette chanson s’inspire du livre de l’Ecclésiaste (3, 1-8). De fait, il existe plusieurs phrases ou passages de ce genre, cités tant par des religieux, des athées que des agnostiques qui ne réalisent pas que leurs paroles sont tirées du Canon des Écritures.
Lorsque les chrétiens songent à la bible, leurs pensées gravitent plus souvent autour du Nouveau Testament. Nous sommes à l’aise avec ses histoires familières et ses paraboles. On se tourne donc que très rarement sur les 46 premiers livres de la bible, l’Ancien Testament (appelée aussi la bible hébraïque). Ces livres présentent un dieu moins chaleureux, moins fussy, un dieu qui choisit une approche plutôt dure envers son peuple. Les récits et leçons d’histoire que l’on trouve dans cette première partie de la bible forment et informent l’ensemble du Nouveau Testament. Ainsi, notre piètre connaissance de la première alliance appauvrit notre compréhension de la seconde.
En acceptant leur incapacité à survivre ne serait-ce qu’un tour de Jéopardy sur l’Ancien Testament, les chrétiens doivent aussi confronter leur ignorance quant à la manière dont ces écrits ont été colligés pour former un livre saint. Bien qu’il puisse être plus réconfortant de croire qu’un récit de la création, de l’exode, de la construction du Temple (prise un et deux) ont été écrits au moment où l’événement se produisait, la vérité est tout autre. Ces récits viennent d’abord d’une tradition orale, transmise fidèlement d’une génération à l’autre. Ces histoires ont par la suite été allongées et redites à travers les lentilles de périodes historiques différentes. On ajouta ainsi diverses nuances pour que les récits qui relataient des événements du passé lointain puissent correspondre aux besoins et aux circonstances d’une nouvelle génération de croyants.
L’exégèse biblique et des preuves archéologiques relatent cette évolution organique des textes bibliques. Entre 1947 et 1956, plus de 900 fragments et manuscrits, renfermant des textes de l’Ancien Testament, ont été trouvés dans 11 grottes à Qunran, situées sur la rive nord-ouest de la Mer Morte. D’où leur appellation: « Manuscrits de la Mer Morte ». La théorie la plus probable suggère que ces manuscrits aient été écrits par les Esséniens, une secte juive qui observait la Torah de manière stricte, entre 250 avant notre ère et 68 de notre ère. Bien que cette communauté de la région de Qumran existait au temps de Jésus, les manuscrits ne renferment aucune référence à sa vie, ni au Nouveau Testament. Les manuscrits de la Mer Morte sont surtout en hébreu, mais on a également découvert des manuscrit en araméen (la langue commune des Juifs de Palestine) et en grec. On a ainsi découvert des fragments de chacun des livres du canon hébreu, à l’exception du livre d’Esther. D’autres manuscrits non bibliques ont été découverts dont des commentaires de l’Ancien Testament et la règle de vie de la communauté (une découverte archéologique qui équivaut pour nous à la règle de saint Benoît). Au début de la première révolte juive contre Rome (66-70 A.D.), les manuscrits ont été cachés dans des grottes de Qumran jusqu’à ce qu’un gardien de chèvre bédouin, Mohammed Ed Dhib, découvrit par hasard l’endroit.
En première mondiale, ces manuscrits, normalement conservés au Musée d’Israël à Jérusalem, se trouvent au Musée royal de l’Ontario (ROM). L’exposition comprend des manuscrits jamais exposés auparavant de même que des artefacts de la période en question. Conférences, symposiums et débats vont aussi souligner l’importance de ces manuscrits pour les études bibliques et archéologiques et leur signification pour la foi juive, chrétienne et musulmane.
J’ai pris part à la première de ces conférences mardi dernier. La présentation du Dr Eugene Ulrich (professeur d’écritures hébraïques à l’University of Notre Dame et rédacteur en chef de Biblical Qumran Scrolls) était intitulée: «L’impact des Manuscrits de la Mer Morte sur la Bible». Le professeur Ulrich a démontré comment la bible qui se trouve sur notre table de chevet ou dans notre bibliothèque n’est pas l’œuvre de quelques saints hommes, mais renferme en fait la richesse de plusieurs couches de tradition.
Cette dissection biblique, poussée par des découvertes comme les Manuscrits de la Mer Morte, soulève des questions quant à l’inspiration biblique, à savoir si Dieu aurait écrit ces textes, et laisse parfois l’impression d’enlever le «sainte» de «l’Écriture sainte». Sur ce point, le Dr Ulrich était clair : «La bible, a-t-il dit, n’est pas écrite par l’homme, mais copiée par l’homme.» Cela signifie que les Manuscrits de la Mer Morte ne sont pas un coup de la science pour disqualifier l’inspiration divine, mais une étude du comment cette inspiration a été transcrite et copiée (en fait, les Manuscrits de la Mer Morte démontre la justesse avec laquelle les textes bibliques ont été copiés et transmis).
Les Manuscrits de la Mer Morte sont une fenêtre ouverte sur la croyance juive qui a formé le groupe de disciples qui a suivi Jésus et continué sa mission. En cela, l’exposition du ROM offre non seulement un parcours à travers notre héritage biblique, mais aussi une opportunité pour les chrétiens de redécouvrir la grandeur et la richesse de leurs textes sacrés. Une exposition à voir!
L’exposition LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE : des mots qui ont changé le monde est présentée du 27 juin 2009 au 3 janvier 2010 au Musée royal de l’Ontario. Divers manuscrits sont présentés à divers moments. Consultez le site du musée pour plus de détails.