Un mois après l’explosion qui a frappé Beyrouth, le 4 août dernier, le cardinal Béchara Boutros Rai, patriarche maronite au Liban, s’exprime sur la situation dans son pays, et sur les moyens à mettre en oeuvre pour l’avenir du Liban, et du Moyen Orient. Son intervention s’inscrit dans le cadre d’une conférence sur internet, organisée en partenariat avec Fordham University et CNEWA, ce jeudi 10 septembre.
1. Le Liban, le dernier bastion Chrétien en Moyen Orient, multi confessionnel et multi religieux, où 18 communautés Chrétiennes et Musulmanes, vivent ensemble en égalité de droits et d’obligations, est le seul Etat démocratique et séculier dans le monde Arabe. C’est un exemple de liberté et d’unité dans la diversité. Ce Liban passe par des problèmes économiques, sociaux et financiers les plus graves de son histoire, et il est exposé à un danger existentiel sans précédent.
2. Durant des siècles, ce petit pays a fait face aux persécutions et à l’oppression de multiples occupants étrangers, tout en demeurant fort et prospère. Mais actuellement des dizaines d’années de corruption financière et politique, la pandémie covid 19, et pour comble, l’explosion du Port de Beyrouth l’ont exposé à un danger réel de désintégration. A cause de la détérioration accélérée de l’économie et des crises socio-politiques, la classe moyenne qui comprenait la majorité de la population, et qui formait la base solide de la prospérité, est entrain de virer rapidement vers la pauvreté ; plus que la moitié de la population Libanaise se trouve actuellement sous la ligne de pauvreté, et le pouvoir d’achat de la monnaie nationale a perdu environ 80% de sa valeur. En plus de nos problèmes internes, la présence d’un demi million de réfugiés Palestiniens et d’un million et demi de déplacés Syriens surcharge l’économie et l’infrastructure et impose un fardeau encore plus lourd à une économie déjà en faillite dans ce petit pays de 10452 km2 et de 4 millions d’habitants ! Le Liban se trouve dans une situation d’autant plus critique voyant un bon nombre de ses forces vives le quitter pour faire leur avenir ailleurs.
3. L’affaiblissement de la communauté Chrétienne au Liban constituerait une perte pour le pays, pour le Moyen Orient et même pour l’humanité. Les nombreuses Eglises du Liban, surtout depuis le 18ème siècle, et malgré les obstacles et les difficultés, ont investi énormément dans des projets de développement et dans la fondation d’écoles, d’universités, d’hôpitaux et de diverses institutions sociales. Toutes ces institutions ont développé une culture de liberté, d’ouverture et de démocratie. C’est pourquoi le Liban fut considéré comme l’université, l’hôpital et la banque du Moyen-Orient.
4. Aujourd’hui, je voudrais insister auprès de nos amis et tous ceux qui apprécient l’importance de la culture de liberté et de modération, et qui croient en la diversité, le dialogue interreligieux et le vivre ensemble, de ne pas oublier le Liban dans ces moments difficiles où il fait face à une crise existentielle, la plus dure de son histoire. Le Roi Saoudien Faysal avait dit un jour : « Si le Liban n’existait pas, il aurait fallu le créer. »
5. Je voudrais m’adresser en particulier aux millions de Libanais et Libanaises qui vivent à l’étranger, aussi bien qu’aux amis du Liban dans le monde de ne pas laisser le Liban sombrer dans le désespoir. Aidez-nous à en faire de nouveau un pays modèle de coexistence religieuse et d’ouverture politique et culturelle dans cette région du Moyen Orient, de manière qu’il puisse jouer son rôle et de s’acquitter de sa mission propre.