Image: Courtoisie de CNS
La sortie du dernier chapitre de la trilogie Batman : The Dark Knight rises fut ternie par une tragédie indescriptible soulevant toutes sortes de questions de société. Mais le film comme tel pose lui aussi beaucoup de questions à la pensée contemporaine. Comment en effet, ce genre de film où l’on se projette dans un monde chaotique où la violence semble la seule solution pour résoudre les conflits peut-il rapporter 160 millions au box office en une fin de semaine ?
Je dois dire que je suis de la génération qui a grandi aux côtés des super héros. J’ai vu tous les films de Batman à leur sortie au cinéma. Plusieurs personnes que je connais ont de la difficulté à comprendre pourquoi je suis attiré par ce genre de film. Il est certain que ces films d’action nous font vivre des sensations fortes et nous font sortir de notre vie quotidienne. Cependant, dans le cas du film The Dark Knight rises, je peux affirmer que cela va beaucoup plus loin. Cette trilogie nous met en face de l’une des angoisses les plus profondes de notre temps : tout homme est capable du pire. On a affaire à beaucoup plus qu’un simple film de super héros où les bons et les méchants s’affrontent dans un combat sans merci.
En effet, depuis des décennies déjà, les sciences humaines nous ont appris à ne plus diaboliser les êtres humains. La psychologie, la sociologie, l’économie, les sciences politiques, etc. n’ont cessé de nous rappeler que nos comportements sont fortement influencés par des agents extérieurs. Ce qui a pu porter beaucoup d’entre nous à douter de leur capacité même de choisir le bien c’est-à-dire d’être véritablement libre. Cela signifie que nous avons même parfois de la peine à identifier une personne méchante comme responsable de ses actes. Ce qui m’a marqué dans ce film, c’est que les vilains semblent totalement libres et conscients de la gravité de leurs actes. Les bons comme les méchants sont à la recherche du même but : rétablir la justice, la loi et l’ordre.
C’est toutefois dans les moyens à employer qu’ils divergent grandement, assez pour détruire une ville entière !!! Morale de l’histoire : est-ce que la fin justifie les moyens ? Est-ce que la volonté de rétablir l’équilibre, la vertu et la justice peut justifier la destruction d’une ville, aussi corrompue soit-elle ? Bane et ses compagnons croient que oui. Batman, interprété par Christian Bale, croit que non. Il pense plutôt que la loi et l’ordre ne peuvent être rétablis que par et travers la liberté des individus. En leur donnant la possibilité de prouver que le petit reste de juste et de vertueux peut faire la différence. C’est ainsi que nous touchons le fond de la question. À plusieurs reprises, le film montre le choix qu’ont certains personnages entre la sauvegarde de leur propre vie et le sacrifice de celle-ci au profit du bien commun. Autrement dit, mourir en héros ou sauver sa peau ! Dès le début du film, on comprend que Bane a déjà tout sacrifié pour sa cause. C’est ce qui lui permet de réaliser tous ses plans machiavéliques. Le reste du film n’est qu’un long processus pour nous faire comprendre que seul un sacrifice total de soi peut être en mesure de l’arrêter. C’est ce que Bruce Wayne réalisera et acceptera.
Cela ne peut manquer de nous rappeler, à nous chrétiens, le sacrifice du Christ c’est-à-dire du don total de Lui-même pour sauver le monde. C’est parce que Batman sauve le monde en rétablissant la justice qu’il est en mesure de rassembler une aussi grande audience dans les cinémas. Il répond à ce que l’être humain cherche démesurément. Un homme transformant sa propre souffrance en un don de soi pour les autres, en une force capable de rétablir la justice d’un monde corrompu.
L’analogie avec l’Évangile est quasiment directe. Malgré cette ressemblance, le film n’en reste pas moins d’une grande violence et joue tellement sur l’ambiguïté entre bon et méchant qu’il pourra sembler plausible que le jeune tueur d’Aurora au Colorado ait véritablement choisi de plein gré de personnifier le Joker en tuant 16 personnes et en en blessant 58 autres. Comme le disait l’archevêque Aquila dans la vigile de prières pour les victimes et leurs familles : « nous prions pour la conversion de celui qui a perpétré ce crime horrible. Le mal s’est manifesté hier soir. Seul Jésus-Christ peut combattre les ténèbres d’un si grand mal. ». Joignant notre prière à celle de Mgr Aquila, prions pour que ce genre de film amène les gens à se questionner davantage sur l’identité du Bien pour lequel il vaut la peine de donner sa vie plutôt que de confondre les gens en rendant le mal attrayant.