† Cardinal Turcotte: un « prêtre de la Révolution Tranquille »

Cette semaine nous avons appris une triste nouvelle, celle du décès du † Cardinal Jean-Claude Turcotte. Un homme qui a laissé son empreinte, d’abord, dans le Diocèse de Montréal dont il était l’archevêque et sur l’ensemble du Québec puisque son influence s’étendait au-delà des frontières canoniques pour ainsi dire. Au moment de la perte d’une personne, spécialement d’une personnalité publique comme un archevêque, il est de mise de faire mémoire, de se rappeler que la vie d’une personne est l’écriture de Dieu. Moyen qu’Il a choisi pour déployer son « surplus » d’Amour à d’autres êtres que Lui-même. Faire mémoire du Cardinal Jean-Claude Turcotte signifie donc retracer dans sa vie ce que Dieu voulait nous communiquer personnellement à travers lui. Pour ce faire, j’ai pensé à un exercice que les nouvelles technologies rendent possible aujourd’hui et qui deviendra de plus en plus commun à mesure que nous avançons dans le XXIe siècle. En effet, nous pouvons désormais laisser les « morts » nous parler eux-mêmes d’eux-mêmes! Quoi de mieux pour faire le bilan de la vie d’une personne que de laisser cette même personne le faire devant nos yeux.

Le 25 août 2009, le père Thomas Rosica c.s.b. a eu la chance de s’entretenir avec le Cardinal Turcotte dans une entrevue de 30 minutes dans laquelle il offre à tous les fidèles une sorte de rétrospective personnelle de sa vie. Vous pouvez la visionner sur la chaîne Youtube de Sel + Lumière en cliquant sur le lien ci-dessus. Cette entrevue est extrêmement intéressante puisqu’elle fut l’occasion pour le Cardinal de nous confier, à la fois, les événements marquants de sa vie mais aussi sa perception de l’avenir de l’Église au Québec.

Un prêtre de la Révolution Tranquille

Le Cardinal Jean-Claude Turcotte, se confiant au père Rosica, affirmait sans gêne être un « prêtre de la Révolution Tranquille ». Cette expression, qui peut sembler contradictoire pour certaines personnes, montre bien l’orientation fondamentale du Cardinal Turcotte et ce qu’est en réalité la foi de l’Église. En effet, pour le Cardinal Turcotte, la foi ne consistait pas à tenter de reproduire une époque ou une forme de régime politique mais plutôt à être témoin de l’espérance qui habite en nous. Cela signifie, être témoin de la Résurrection du Christ, de Celui qui, par Amour est mort sur une croix pour nous sauver de l’enfer dans lequel nous nous étions nous-mêmes enfermés. Comme le disait le Cardinal Turcotte : « en temps de crise, il faut revenir à l’essentiel ». C’est ce qu’il a fait par sa vie. Il a rappelé aux fidèles catholiques et à tous que, abstraction faite des illusions que nous nous faisons souvent, très peu sont les véritables obstacles à la vie chrétienne. En d’autres termes, être chrétien et moderne sont des choses totalement compatibles et, je dirais même, complémentaires. Ainsi, l’expression « prêtre de la Révolution Tranquille » prend tout son sens puisqu’il photo(1)affirme haut et fort que ce mouvement des années soixante avait, en son sein, beaucoup d’éléments justes et bons et qu’il est faux de n’y voir qu’un mouvement anti clérical. Au contraire, plusieurs de ses revendications trouvaient leur racine dans le christianisme, dans ces enseignements vieux de 2000 ans mais qui sont aussi, par le fait même, toujours nouveaux.

Cette volonté de vivre l’Évangile comme une Nouvelle actuelle, beaucoup plus actuelle que nos nouvelles journalières qui passent aussi vite qu’elles arrivent, le Cardinal Turcotte l’a mise en pratique tout au long de sa vie. En effet, dans cette même entrevue, le défunt Archevêque émérite de Montréal soulignait des événements marquants de sa vie de prêtre et d’évêque lui qui, à l’image de la Parole qui reste gravée dans le cœur de celui qui l’écoute, avait voulu se laisser imprégner de ce monde que Dieu avait aimé jusqu’au bout. Cet « esprit optimiste » avait été marqué par « La Grande Mission » des années soixante qui avait pour thème « Dieu est notre Père ». C’est ensuite dans la Jeunesse ouvrière catholique qu’il trouvera non seulement sa vocation à être près des plus pauvres mais également cette sensibilité, nouvelle à l’époque, qui redécouvrait le sacerdoce baptismal des laïcs. Grande fut sa joie de voir ses intuitions personnelles trouver un appui
ultime au Concile Vatican II. Par la suite, c’est le pape Saint Jean-Paul II qui sera pour lui « comme un père » et qui l’aidera par son exemple et son amitié à devenir un père, un pasteur d’une église diocésaine dont les beautés et les défis
immenses allaient l’occuper durant un peu plus de deux décennies.

 

Un brillant communicateur

Visite du Pape en 1984, en 2002 les JMJ’s de Toronto et en 2008 le Congrès Eucharistique de Québec tous ces événements furent pour lui l’occasion de manifester au monde ses talents de communicateur. C’est bien connu de tous et c’est un des éléments qui est souvent ressorti dans les différents hommages qui ont accompagné l’annonce de son décès. Pour le Cardinal Turcotte, les moyens de communications étaient des moyens incontournables dans l’œuvre missionnaire de l’Église, ce que l’on appelle souvent la Nouvelle Évangélisation. En effet, l’annonce du Salut de Dieu apporté par Jésus-Christ fait partie de l’ADN de ce que signifie être chrétien. Cela, son Éminence l’avait bien compris et c’est pour cette raison, d’une part, qu’il acceptait généreusement de se prêter au jeu des médias séculiers et, d’autre part, qu’il fut un grand supporteur de la Télévision Sel et Lumière dès ses débuts.

Loin d’être naïf dans sa relation avec les médias, le cardinal Turcotte connaissait les limites des médias et à quel point ils sont une « lame à deux tranchants ». En effet, il savait que ces derniers étaient en mesure de porter la voix du Christ aux confins les plus reculés et même les plus hostiles à la religion catholique. Ainsi, c’est pour rejoindre les périphéries qu’il a gardé cette ouverture envers les médias souvent en réaction contre l’Église. Il savait aussi que la télévision avait tendance à créer une image parfois réductrice des personnalités qu’elle projette aux téléspectateurs. C’était également le prix qu’il était prêt à payer pour être accessible à tous. Enfin, il était conscient que nos contemporains sont davantage touchés par l’émotivité que par les raisonnements, par la capacité à faire ressentir les choses que par la solidité de la logique. Cette orientation vers l’affectivité, avec ses bons et moins bons côtés, il était prêt à y faire face en choisissant d’être un témoin public de l’Évangile, une figure accessible à tous.blog_1428670397

 

Une église diocésaine en marche

Lors de la conférence de presse du mercredi 9 avril, l’Archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, affirmait que pour le Cardinal Jean-Claude Turcotte : « La pauvreté n’était pas quelque chose d’abstrait mais quelque chose qui était vécue concrètement par des personnes humaines. Ainsi, fidèle à tous les enseignements de l’Église, il savait proposer les choses dans le respect des personnes et de leur cheminement personnel. Il savait, comme l’enseigne le psaume 84 que chez le véritable pasteur « Amour et vérité se rencontrent ». Cette lucidité devant la réalité, il savait l’appliquer à l’église qu’il avait conduite pendant 22 ans. Pour lui, l’Église de demain sera composée de « gens convaincus »[8], de personnes qui auront fait la rencontre du Christ et qui Lui auront confié leur vie librement et joyeusement. Une communauté de « gens responsables »[9] les uns des autres peu importe l’âge ou la classe sociale et qui auront à cœur leur vocation d’évangélisateur. Loin d’une « Église omnipotente »[10] cherchant les honneurs et le pouvoir, l’Église de Jésus-Christ doit vivre sa vocation au service. Ainsi, l’Église survivra dans la mesure où elle sera au service des gens, où elle sera Présence concrète du Christ qui est venu « non pas pour être servi mais pour servir » (Mt 20,28).

 

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