Réflexion pour la Fête-Dieu
Par le père Thomas Rosica, c.s.b.
Un élément fondamental de l’identité chrétienne: telle est l’Eucharistie du dimanche et telle est la profession de foi proclamée par 49 martyrs d’Abitène dans l’année 303 ap J.C). Abitène était une ville de la province romaine appelée «Africa proconsularis», correspondant à la Tunisie actuelle. En 303 ap J.C., l’empereur Dioclétien, après des années d’un calme relatif, lança une violente persécution contre les chrétiens.
Il ordonna «que soient recherchés les textes sacrés et les saints testaments du Seigneur ainsi que les Ecritures divines, et que ceux-ci soient brûlés; que soient détruites les basiliques du Seigneur; que soient interdites les célébrations des rites sacrés et les très saintes réunions au nom du Seigneur» (Actes des martyrs, 1).
A Abitène, un groupe de 49 chrétiens (parmi lesquels un sénateur, Dative, un prêtre, Saturnin, une vierge, Victoire et un lecteur, Eméritus) se réunissaient chaque semaine dans la maison d’un des leurs pour célébrer l’Eucharistie dominicale, sans respecter les ordres de l’empereur.
Surpris lors de l’une de leurs rencontres dans la maison d’Octave Félix, ils furent arrêtés et conduits à Carthagène devant le proconsul Anulinus pour être interrogés.
Au proconsul qui leur demandait s’ils possédaient chez eux des Ecritures, les martyrs confessèrent avec courage qu’ils les conservaient «dans leur cœur», révélant ne vouloir en aucune manière séparer la foi de la vie.
«Je t’en supplie, O Christ, exauce-moi », «Je te rends grâce, O Dieu», «Je t’en prie, O Christ, aie miséricorde» sont les exclamations qui fusèrent de la bouche des martyrs lors de leur supplice. Leur prière accompagna l’offrande de leur vie unie à la demande de pardon pour les bourreaux.
Parmi les témoignages recueillis, voici celui d’Eméritus, qui affirma sans crainte avoir donné l’hospitalité aux chrétiens pour les célébrations.
Le proconsul lui demanda : «Pourquoi as-tu accueilli des chrétiens dans ta maison, contrevenant ainsi aux dispositions impériales? Eméritus répondit: «Sine dominico non possumus» («Sans le dimanche nous ne pouvons pas vivre»).
«Le terme dominicum contient une triple signification. Il renvoie également, dans le même temps, à ce qui en constitue le contenu: à Sa résurrection et à Sa présence dans l’événement eucharistique ».
Le motif du martyre ne doit pas être recherché dans la seule observance d’un ‘précepte’,
puisqu’en ce temps-là, l’Eglise n’avait pas encore établi de manière formelle le précepte festif. Au fond, il existait la conviction que l’Eucharistie du dimanche est un élément constitutif de l’identité chrétienne et qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans le dimanche et sans l’Eucharistie.
Voilà ce qui ressort «avec clarté du commentaire que le rédacteur des ‘Actes’ fit à la question posée par le proconsul au martyr Félix:
‘Je ne te demande pas si tu es chrétien, mais si tu as participé à l’assemblée ou si tu possèdes quelques livres sur les Ecritures’ ».
«Combien est sotte et ridicule cette question du juge! peut-on lire dans le commentaire des ‘Actes’. Comme si un chrétien pouvait vivre sans la Pâque dominicale, ou si la Pâque dominicale pouvait être célébrée sans la présence d’un chrétien!
Ne le sais-tu pas, Satan, que c’est la Pâque dominicale qui fait le chrétien et que c’est le chrétien qui fait la Pâque dominicale, voilà pourquoi l’un ne peut vivre sans l’autre, et inversement? ».
«Quand tu entends dire ‘chrétien’, tu dois savoir qu’il s’agit d’une assemblée qui célèbre le Seigneur; et quand tu entends dire ‘assemblée’, sache que là est le chrétien », conclut la citation.
Quels mots d’encouragement et quel exemple profond pour nous tous en cette fin de semaine où nous fêtons notre profonde identité en tant que Corps et Sang du Christ! Puissions nous mettre en pratique l’exemple des Martyrs d’Abitène. Que nous puissions nous exclamer avec Dative, Saturnin, Victoire et Eméritus:
«Sine dominico non possumus»
«Sans le dimanche nous ne pouvons pas vivre.»
Fortifiés et encouragés par le témoignage de ces martyrs, puissions nous devenir ce que nous recevons dans ce grand sacrement de l’Eucharistie.