Réflexion biblique en la Fête du Christ-Roi
Père Thomas Rosica, c.s.b.
Je n’avais jamais vécu dans un royaume jusqu’à ce que j’étudie au Moyen-Orient. Pendant mes années d’études en Écritures Saintes, j’ai eu le privilège d’accompagner le patriarche latin de Jérusalem de l’époque, Michel Sabbah, à Amman en Jordanie, pour présenter une réflexion mensuelle à ses prêtres à-propos des psaumes et des prophètes d’Israël. La Jordanie fait également partie du Patriarcat Latin de Jérusalem.
L’un des beaux souvenirs de ces nombreuses visites à Amman était d’écouter la radio et la télévision jordaniennes chaque matin. Je me souviens encore de la musique solennelle et de l’annonce en arabe : « Bonjour. Vous écoutez les nouvelles du Royaume hachémite de Jordanie. Ce matin, le roi s’est levé pour commencer une nouvelle journée. Sa majesté a rencontré les personnes suivantes… » Le bulletin de chaque heure nous informait des derniers déplacements et activités du monarque d’alors, le Roi Hussein de Jordanie. Combien de fois me suis-je rappelé de cette chanson de Broadway “The King and I” – Le Roi et moi: “I wonder what the king is doing tonight!” – je me demande ce que fait le roi ce soir… en pensant que l’on pourrait le chanter à chaque soir dans le royaume des Hachémites !
J’ai appris beaucoup à-propos du roi Hussein qui était aimé par ces sujets car il était l’un des leurs et demeurait près d’eux comme un berger. Son fils, le roi Abdullah II marche désormais dans les pas de son père et continue d’être un leader intelligent, modéré et réconciliateur dans une partie du monde très volatile. Abdullah fait honneur à la monarchie.
L’évangile de ce dimanche (Matthieu 25) nous présente la scène du dernier jugement. Il s’agit du dernier enseignement de Jésus avant qu’il se rende à Jérusalem pour faire face à sa crucifixion et à sa mort. L’héritage de Jésus est limpide et a des implications profondes, mais combien est-il difficile de les vivre au jour le jour !
À la fin des temps, le Christ-Roi séparera les brebis des chèvres selon qu’elles aient accepté ou non le Verbe de Dieu incarné en acceptant les ambassadeurs envoyés pour proclamer la Parole. Nous voyons encore et encore à quel point les paraboles sont soucieuses de l’acceptation ou du rejet des prédications du Christ. Une telle acceptation, ou un tel rejet, est en bout de ligne l’acceptation ou le rejet du Dieu qui a envoyé Jésus. Rejeter Jésus le Fils c’est rejeter Dieu le Père. Et rejeter un disciple envoyé par Jésus, c’est rejeter Jésus lui-même.
Jésus s’identifie aux nécessiteux, aux marginaux, à ceux qui ont faim et soif, aux étrangers, aux démunis, aux malades et aux personnes emprisonnées. Tout le monde est inclus dans le Royaume de l’humble Jésus. Son règne renverse complètement nos notions de royaume terrestre. Le royaume de Jésus et sa royauté sont le service ultime, au point où il donnera sa vie pour les autres.
Le jour viendra où il y aura une grande séparation entre ceux qui acceptent Jésus et son enseignement de tous ceux qui le rejettent. C’est là le cœur de la parabole de ce dimanche : il ne s’agit pas tant de distinguer les chèvres des brebis. Les brebis à la droite du Fils de l’homme reconnaissent le messager et son message. Les chèvres à sa gauche n’ont pas reconnu, ou n’ont pas accepté le messager ni son message.
Cette fête du Christ-Roi dérange quelques personnes. Mais n’est-ce pas dû à nos désillusions des rois de ce monde, membres des familles royales et leaders politiques, plutôt qu’à la royauté de Jésus ? La royauté et le service du Fils de l’homme refuse rang, privilège et toute tentative de devenir maître du monde. Jésus détruit le triangle du désir, de la violence et de la rétribution. En lui il n’y a pas de luxure, d’avarice ou d’ambition pour le pouvoir. Il nous dit qu’à chaque fois que nous posons un geste de charité, de pardon, de bonté, c’est à lui que nous le faisons.
Qui d’entre nous n’est pas touché lorsqu’un membre d’une royauté ‘s’abaisse’ pour venir en aide au pauvre, pour être présent aux affligés, pour rejoindre ceux qui sont frappés par la tragédie ? S’il est vrai qu’il y a une force unique lorsqu’une royauté « s’abaisse », alors rien ne peut se mesurer à la mission du Fils de Dieu. L’image du Christ Roi nous offre une occasion extraordinaire de porter un regard sur la véritable royauté.
Alors qu’il est au sommet de ses pouvoirs cosmiques, le Christ nous révèle que l’univers repose sur un verre d’eau offert aux plus petits en son nom. Un débordement d’amour pour ce roi pourra donc transcender les membres des familles royales de l’histoire humaine qui nous ont parfois royalement abandonnés. Les gestes de charité envers ses plus petits sont déjà reconnus au tribunal céleste, car Dieu voit tout et demeure l’ultime bénéficiaire de nos pauvres quoique sincères efforts pour prendre soin des nécessiteux, des marginaux, de ceux qui ont faim et soif, des étrangers, des démunis, des malades et des personnes emprisonnées, tous citoyens du royaume de Dieu.
Longue vie à Jésus, un vrai roi !