par soeur Marie-Noëlle Chaumette
Doute, (vf de Doubt) , sort en salle ces jours-ci au Québec, je l’appellerai bien « passer de la suspicion au doute».
Tiré d’une pièce de théâtre de John Patrick Stanley, ce film sait bien semer le doute !
L’action se situe en 1964 : une religieuse directrice d’un établissement scolaire du Bronx soupçonne un prêtre d’avoir abusé sexuellement un élève noir, l’unique dans tout l’établissement. Elle fait tout pour le renvoyer. Tempêtes intérieures et extérieures se déchaînent.
Tout montre l’opposition : religieuse revêche et obsédée par la discipline versus prêtre humain ; communauté religieuse stricte et prêtres fumant et buvant de l’alcool ; directrice chevronnée, de marbre, cherchant la moindre faille et jeune religieuse, indulgente enseignante en formation; les cadrages en plongée et contre–plongée renforcent les antagonismes.
Il s’agit d’un bras de fer entre la directrice et le prêtre avec, au milieu, des gens désemparés : une jeune religieuse innocente, en formation, un jeune élève noir sans ami, une mère qui veut que son fils fasse des études à n’importe quel prix.
Ce film est intense et presque étouffant ; il ne laisse aucun repos. Cependant, il permet de poser des questions sur l’accusation portée, sur les relations du clergé avec les communautés religieuses enseignantes, sur la complexité des rapports humains.
Bien que plein de stéréotypes, Il dit quelque chose, sur une certaine forme de vie religieuse liée à une structure enseignante aux USA, sur les tensions entre une discipline raide et des rapports élèves-enseignants plus humains ; de plus l’intrigue se déroule au moment de Vatican II, le monde est en train de changer ainsi que les rapports enseignants-élèves.
C’est un film sur l’isolement dans lequel sont pris tous les personnages, que cela soit dans leurs certitudes comme dans leurs doutes. Il fait réfléchir même s’il caricature un peu trop la situation.
Comment trouver la juste distance ? Il est frappant de voir qu’à l’époque il n’y avait pas de tiers non impliqué, pour aider les personnes à sortir de leur jeu de pouvoir, de leurs passions et à prendre les décisions de manière plus sereine et évangélique. Le fait de changer d’établissement ne résout pas le problème.
Ce film ravive une question douloureuse que l’Eglise est en train de résoudre, en donnant les moyens aux enfants et aux adultes de guérir de ces abus. Permettra-t-il un débat constructif ? Espérons qu’il ne produira pas l’inverse.
(Doute, version française de Doubt, avec Meryl Streep, Philip Seymour Hoffman et Amy Adams. En salle au Québec dès le 19 décembre)