Journal du Synode du père Thomas Rosica, c.s.b.
La Cité du Vatican. Nous avons survécu la première semaine du Synode! Je reste en admiration des « Padri Sinodali » et du reste des participants du Synode qui terminèrent leurs délibérations ce samedi à 18 h 55 (Nous avons terminé 5 minutes à l’avance !) Les synodes précédents ont toujours incluent une session matinale du samedi qui se terminait à 13 h, laissant donc aux participants quelque chose se rapprochant d’une fin de semaine.
Le vendredi soir, le secrétaire général du Synode, Mgr Nikola Eterovic, nous rappela son amour et respect pour nos frères et sœurs juifs: « alors que nos frères aînés peuvent profiter du Sabbat au coucher du jour, nous n’aurons droit à notre Sabbat que samedi soir! »
Ses mots ont été gentiment rappelés de manière fraternelle et humoristique samedi après-midi quand le Cardinal de Cologne Joachim Meisner a pris le micro durant une session de discussions ouvertes et a commencé ses commentaires en latin mentionnant que ce qu’ils faisaient tard en ce samedi après-midi était “contra natura” (contre nature). Ses mots invitèrent rires et applaudissements ! Au milieu du sérieux des interventions et discussions dans le « Aula », je suis impressionné par la bonne humeur, l’esprit fraternel et la gentillesse de tous les participants.
Un autre moment illustre bien l’atmosphère dans le “Aula” : l’archevêque du Cameroun a commencé son intervention durant l’une des sessions où le Saint-Père était occupé sur la Place Saint-Pierre, s’adressant à des dizaines de milliers de personnes, en disant « le Saint-Père absent, chers frères évêques… . » À ce moment, Mgr Eterovic a pris le micro et il a annoncé à tous: « Il (le Pape) est absent mais il lira tous les mots! » Une vague de rires se fit de nouveau sentir dans l’assemblée!
Aux conférences de presse et rencontres avec les journalistes des différents groupes linguistiques, on m’a demandé d’identifier les thèmes, les accents, les références, les citations et les étoiles émergentes de cette assemblée synodale. Étoile est probablement le mauvais mot dans un contexte comme celui-ci, mais il y a eu quand même, plusieurs interventions des évêques ou des délégués fraternels qui n’ont pas seulement provoqué des signes de la tête, mais aussi de profondes réflexions sur ce qui a été partagé. J’aimerais souligner le travail de plusieurs personnes, en vous rappelant que vous pouvez trouver des résumés des allocutions grâce à l’excellente couverture de ZENIT et du service d’information du Vatican. Plus tôt cette semaine, Mgr Luis Antonio Tagle du diocèse d’Imus des Philippines s’est adressé au Synode sur « La disposition nécessaire pour entendre la Parole de Dieu ». Son adresse brève mais très riche et poignante a été reprise par de nombreux frères évêques au Synode. C’était une profonde mais très simple adresse, dans laquelle Mgr Tagle dit: “Comme servante de la Parole, l’Église prête sa voix pour que le monde puisse entendre Dieu. Mais dans les Écritures, Dieu ne parle pas seulement. Dieu écoute aussi. Dieu écoute spécialement les justes, les pauvres, les veuves, les orphelines, les humbles, et les persécutés. Mystérieusement, Dieu écoute ceux qui n’ont pas de voix. L’Église doit apprendre de la manière que Dieu écoute et doit prêter sa voix aux sans-voix.” Je suis certain que les mots de Luis Antonio seront remémorés et cités pour plusieurs années à venir.
Une intervention de la semaine partagée à travers le monde est cette puissante présentation de Mgr Anton Justs de Lettonie. Mgr Justs a parlé à propos d’un de ses prêtres lettons, Viktors, « arrêté sous le régime soviétique en Lettonie parce qu’en possession d’une Bible. Aux yeux des agents soviétiques, les Saintes Écritures étaient considérées comme un livre contre-révolutionnaire. Les agents jetèrent à terre les Saintes Écritures et ordonnèrent au prêtre de les piétiner. Le prêtre refusa de le faire et s’agenouilla pour embrasser le livre. Pour ce geste, il fut condamné à dix années de travaux forcés en Sibérie. Dix ans plus tard, quand le prêtre retourna dans sa paroisse et célébra la Messe, il lut l’Évangile. Il éleva le lectionnaire et dit: “Parole de Dieu!”. Les gens pleuraient et remerciaient Dieu. Ils n’osèrent pas l’applaudir parce que cela aurait été interprété comme une ultérieure provocation. »
Au moment où Mgr Justs raconta cette histoire, plusieurs autour de moi au Synode ont pleuré. J’avais moi aussi des larmes aux yeux. L’assemblée synodale a applaudi chaudement Mgr Justs pour son témoignage.
Des histoires comme celle-ci (il y en a eu beaucoup) de l’Église souffrante m’ont remué. Des histoires qui seront sûrement répétées des années durant. D’une certaine façon, ces témoignages nous aident à situer tous nos problèmes ecclésiaux dans un contexte plus grand et nous rappelle combien il est important de s’efforcer de trouver de nouvelles perspectives à ce qui nous entoure. Laissés à nous-mêmes, nous oublions que plusieurs souffrent et meurent pour la Parole de Dieu alors nous nous tuons à propos de bien petits enjeux sans grande conséquence.
Une autre intervention, remarquable par sa clarté, simplicité et profondeur, fait parler d’elle au sein des “Padri Sinodali” et des autres délégués. Les gens la mentionnent dans les conversations et réfèrent à son auteur comme « le jeune Cardinal du Texas », le Cardinal Daniel DiNardo. Ce n’était probablement pas voulu, mais le Cardinal DiNardo a évoqué la présentation puissante du Cardinal de Chicago Francis George, O.M.I., qui a parlé du manque d’imagination pour le langage biblique dans notre culture aujourd’hui. Le Cardinal DiNardo a commencé sa présentation en disant aux participants qu’il venait de la “Bible Belt” du sud des USA. “But though a location, le “ Bible Belt” est aussi un état d’esprit, diffusé de multiple façons dans le monde. Il y a sûrement des problèmes avec cet état d’esprit, mais il a gardé vivant une imagination et un vocabulaire biblique, et une présence divine dans un monde qui est important pour nous.” Le Cardinal a mentionné l’importance de Matthieu 11, 25-30 dans nos efforts pour enseigner et prêcher les Écritures.
Le Cardinal a captivé ensuite l’imagination de tous ceux présents dans le Aula quand il a raconté l’histoire de sa récente visite pastorale à Galveston à la suite de l’ouragan dévastateur Ike. Le Cardinal a parlé de la foi simple et de la confiance des victimes de l’ouragan qui, à cause de leur langage biblique, « ont démontré intelligence et humilité ». Leurs attitudes reflétèrent leur ouverture à l’Esprit Saint, leurs citations de textes bibliques étaient sages et priantes. Leur état d’esprit était aussi rempli de confiance, avec une assurance humble qui était incroyable. Les deux avaient un sens concret de l’Esprit Saint dans un texte biblique.”
Il est inutile de vous dire que cette semaine, des gens de partout à travers le monde ont eu une forte impression positive d’un berger texan communicant intelligence, profondeur et une grande sensibilité pastorale à cette assemblée internationale.
Finalement, à la conclusion de chaque session du Synode, un sommaire de la discussion des évêques est présenté au Pape. Cela est souvent accompagné par un « Message au peuple de Dieu. » Après un bon moment de réflexion, qui pourra durer un an ou plus, le Pape proposera une exhortation apostolique dans laquelle il partagera ses propres pensées, convictions et proposition pour des actions. Des comités sont dès maintenant établis pour assister le Pape dans la formulation des textes finaux.
Voici une pensée biblique sur tout ce qui ressort de la semaine I du Synode sur la Parole de Dieu. Sur un niveau purement humain, n’importe quel rassemblement de n’importe quelle organisation de cette magnitude a un grand potentiel de chaos, d’incompréhension et de lutte! Alors que j’étais assis dans le Aula synodale durant la première semaine et que j’observais le monde entier rassemblé devant moi, je ne pouvais m’empêcher de penser au passage du Nouveau Testament sur la Pentecôte. Les artistes du Moyen Age aimaient comparer les passages de la Genèse sur la Tour de Babel et la “Tour” de la chambre haute. Babel symbolise la division des peoples causée par le péché. La Pentecôte est notre espoir pour que de telles séparations ne soient pas à nouveau une tragique nécessité.
La foule de Babel ne peut pas être comparée à l’unité sincère de celle de la Pentecôte. Pour Babel on avait une foule, pour la Pentecôte on a une communauté. Un peuple sans Dieu a perdu le pouvoir de communiquer. Des individus remplis d’Amour et de l’Esprit se sont parlé cœur à cœur (Cor ad Cor, comme le dirait le Cardinal Newman).
Les récits de la Pentecôte dans les Actes des Apôtres disent que pour un instant les nations de la terre ont pris une pause de leur souffrance habituelle et ont vécu l’expérience communautaire causée par Dieu. La Pentecôte marque le début de la mission universelle de l’Église. Il s’agit d’une mission qui élimine les obstacles humains et qui bénéficie de l’Esprit en tant qu’énergie motrice.
Nous avons encore plusieurs tours de Babel de nos jours dans plusieurs parties du monde et j’ose dire, dans l’Église. Cette expérience synodale de fraternité, de discussion, de parole, de partage et d’ouverture, aussi chargée puisse-t-elle être à cause des difficultés de traduction, des horaires rigides, de la frustration et de la confusion pour certains, c’est aussi toutefois un modèle différent ; en même temps ça nous apprend le sens de la Pentecôte et le coût de l’appartenance à une Église universelle.