Journal du Synode du père Thomas Rosica, c.s.b.
Ce fut la semaine des papes au Synode mondiale des évêques au Vatican. Le pape Benoît XVI est présent chaque jour à la salle du synode, écoutant attentivement des heures d’interventions et de discussions ouvertes. [Il a manqué seulement deux sessions matinales et une d’après-midi la semaine dernière à cause d’engagements à Place Saint-Pierre et au palais apostolique.]
Les Italiens et particulièrement les Italiens du Vatican aiment les anniversaires et les commémorations en tout genre. Ce jeudi, nous avons commémoré le 50e anniversaire de la mort du désormais Servant de Dieu, le pape Pie XII. Ce samedi matin, 11 octobre, le Cardinal Angelo Scola, patriarche de Venise, présidera une messe spéciale en la basilique Saint-Pierre avec les pères synodaux et tous les délégués pour commémorer le 50e anniversaire de l’élection à la papauté du successeur de Pie XII et l’un des prédécesseurs vénitiens de Scola, le Cardinal Angelo Roncalli. Le pape Jean XXIII est mort il y a de ça 45 ans cette année.
Le “buon Papa” tel qu’il est toujours connu en Italie, a été béatifié par le pape Jean Paul II le 3 septembre 2000 lors d’une cérémonie de l’année jubilaire avec le pape Pie IX, l’archevêque Tommaso Reggio de Gênes, le P. William Joseph Chaminade et le moine bénédictain Columba Marmion (connue comme Don Marmion par ses amis à travers le monde).
Un point intéressant peu connu de plusieurs personnes est que le pape Jean Paul II a assigné comme jour de fête du Bienheureux pape Jean XXIII le 11 octobre, et non la date de sa mort du 3 juin 1963. Le 11 octobre 1962 marque l’anniversaire de la première session de Vatican II. Jean XXIII et le Concile sont à jamais liés ensemble.
Chaque fois que je visite la basilique, j’essaie de prier devant les papes de mon propre temps – les papes Roncalli, Montini, Luciani et maintenant Wojtyla. Ce matin, j’ai jeté un coup d’œil vers la basilique Saint-Pierre avant la session du synode et avant l’arrivée de la multitude de pèlerins et de touristes pour prier devant le corps du Bienheureux Jean XXIII qui repose maintenant sous un autel sur le côté de la basilique principale. On l’a déplacé de sa crypte originale quelques temps avant sa béatification de 2000. Ce nouvel emplacement continue à attirer de grandes foules chaque jour.
Il y a de cela plusieurs années, je m’étais arranger pour célébrer une messe au reposoir et autel du Bienheureux Jean XXIII. Quelques membres de la jeune équipe de Télévision Sel + Lumière étaient avec moi. Quand nous sommes arrivés pour la célébration, le jeune prêtre italien qui me précédait à l’autel était déjà en « temps supplémentaire ». Le prêtre avait un groupe de jeunes adultes avec lui et ils regardaient à travail le cercueil de verre les restes de Papa Giovanni. C’était ennuyant de les regarder prendre ce temps précieux: nous aurions moins de temps à l’autel! Nous avons attendu patiemment, sachant que notre groupe aurait seulement 25 minutes pour célébrer cette messe.
Alors que le prêtre italien s’en alla de l’autel, il marcha vers moi et s’excusa d’être si en retard. Il dit alors quelque chose qui sembla étrange. « Pardon Padre, mais nous ne venons pas ici souvent et mes cousins et moi voulions juste être près de “zio” pour un instant ! » Je me souviens comme tout ça sonnait faux – ce type essayait de se reprendre pour son retard en se disant être de la famille du Bienheureux Papa Giovanni!
Nous avons pu commencer notre propre célébration et cela doit être la messe la plus rapide que je n’aie jamais célébré. Des gardes nous rappelaient que nous devions être dehors dans 23 minutes! Quand nous retournèrent à la sacristie papale pour retirer nos vêtements liturgiques, je signa le registre et je m’aperçu que juste avant mon nom était la signature d’un prêtre appelé “Giovanni Roncalli.” Je demandai au gardien si c’était vrai. “Certo,” il dit. Padre Giovanni est le petit-neveu du buon Papa et il est en charge de la pastorale jeunesse de Bergamo!
Il Papa Buono
Avec le temps qui passe, la nouvelle génération de connaît plus vraiment ce bon et grand pape. J’ai réalisé pendant ce synode que pour beaucoup de jeunes évêques présents, Jean XXIII est un nom de livres d’histoire. Le 11 octobre, le jour de sa fête, est une bonne opportunité pour évoquer la mémoire et une légende qui amène encore des sourires à bien des gens. L’un des plus vieux “uscieri” de la basilique Saint-Pierre le résume bien: “C’est comme s’il ne nous a jamais dit au revoir. Papa Giovanni sera toujours avec nous.”
Angelo Roncalli, le troisième de treize enfants, est né d’une famille d’agriculteurs le 25 novembre 1881 à Sotto il Monte en Italie du nord. À l’âge de 12 ans, il entra le séminaire diocésain à Bergamo et fut sous l’influence de leaders progressistes du mouvement social italien. Il a été ordonné le 10 août 1904 et très rapidement nommé le secrétaire du nouvel évêque de Bergamo, apprenant par ses formes d’actions sociales et apprenant toujours sur les problèmes de la classe ouvrière. Il enseigna aussi au séminaire diocésain.
En 1915 il fut appelé à l’armée pendant la première guerre mondiale et servit en première ligne au sein d’une équipe médicale et de l’aumônerie. En 1921 il fut appelé à Rome par le Pape et devint directeur de la Société pour la Propagation de la Foi en Italie. Il fut consacré archevêque en 1925 et envoyé en Bulgarie. Ensuite, en 1934, il fut envoyé en Turquie et en Grèce.
À l’âge de 64 ans (1944), quand la plupart des gens pensent à la retraite, Roncalli fut choisi par Pie XII pour le difficile rôle de nonce à Paris, où il travailla pour régler les divisions causées par la guerre. À l’âge de 72 ans il devint Cardinal et patriarche de Venise où il était responsable d’un grand diocèse pour la première fois de sa vie. Il gagna rapidement l’affection de ses gens, visitant les paroisses, prenant soin de la classe ouvrière, établissant de nouvelles paroisses et développant des formes d’action sociale.
En 1958, à l’âge de presque 77 ans, il fut élu pape pour succéder à Pie XII. Plusieurs s’attendaient à ce qu’il ne fasse que du travail de maintien et qu’il ne soit que temporairement pape, mais il surprit l’Eglise et le monde entier par son énergie et son esprit de réforme. Il étendit et internationalisa le collège des cardinaux, convoqua le premier synode diocésain de l’histoire à Rome; révisa le Code du Droit Canonique et rassembla le deuxième Concile du Vatican avec le seul but de rénover la vie de l’Église et ses enseignements, et de réunir les chrétiens d’à travers le monde.
Dans son discours d’ouverture le 11 octobre 1962, au début du Concile du Vatican, le pape Jean dit « Dans l’exercice quotidien de notre ministère pastoral, à notre grand désespoir nous devons parfois écouter ceux qui, bien qu’ils l’utilisent avec zèle, n’ont pas beaucoup de jugement ou d’équilibre. Pour eux le monde moderne n’est rien d’autre que trahison et ruine. Ils estiment que cet âge est bien pire que les précédents, et ils continuent comme s’ils n’avaient rien appris de l’histoire – pourtant, l’histoire est le maître suprême de la vie. Ils agissent comme si les cinq premiers siècles témoignaient d’une défense totale de l’idée et de la cause chrétienne, comme si la liberté religieuse n’avait jamais été compromise dans le passé. Nous ne pouvons qu’être en désaccord avec ces prophètes du malheur qui annoncent toujours le désastre – comme si la fin du monde était proche. Notre tâche n’est pas simplement celle de recueillir ce précieux trésor qui est la doctrine, comme si nous étions obsédés par le passé, mais de donner sans peur et avec conviction, au nom de cette tâche, ce que le moment présent demande de nous – ainsi, nous serons fidèles à ce que l’Église a fait ces 20 derniers siècles. »
Le pape Jean croyait que le Concile finirait après des mois, mais malheureusement il mourut avant sa deuxième session. Au moment de sa mort, le 3 juin 1963, il avait l’affection de tous, chrétiens et non. « Papa Giovanni”, comme on l’appelait, était très aimé par des millions de personnes.
Angelo Giuseppe Roncalli était un être humain plus concerné par sa foi que par son image, plus par ceux qui l’entouraient que par sa propre volonté. Homme chaleureux et visionnaire, il souligna l’importance de l’Église dans un monde en transformation et fit ressortir les vérités les plus profondes de l’Église dans le monde moderne.
La nuit du 11 octobre 1962, à l’inauguration du deuxième Concile du Vatican, Papa Giovanni est apparu à sa fenêtre répondant aux chants qui provenaient d’en bas la Place Saint-Pierre, d’une énorme foule (500 000 personnes). De nombreux gens étaient arrivés en chantant dans une procession avec des chandelles.
Son discours improvisé à la fenêtre ce soir-là fait désormais partie des légendes de Rome, sa voix aiguë «Carissimi giovani, carissimi giovani, Chers enfants, j’entends votre voix». Avec un langage très simple il leur raconta ses espoirs pour le Concile. Il souligna que la lune, là-haut observait ce spectacle. «Ma voix est seule» dit-il, «mais son écho contient la voix du monde entier. Ici, donc, le monde entier est représenté». Il conclu t: ‘Tornando a casa…Quand vous rentrez à la maison, embrassez vos enfants – dites-leur que c’est de la part du pape Jean’. L’émotion était tangible. Le ‘patriarche’ qui souffrait pour son vieil âge et sa maladie, donna et créa de l’amour avec toute sa personne.
Ce premier soir du deuxième Concile du Vatican, une nouvelle ère s’entama pour l’Eglise…une époque qui continue à récolter des fruits ce mois-ci pendant le douzième Synode des évêques. Les années de travail et de compromis, les flots de mots et les innombrables conversations, les négociations à n’en plus finir, produiraient et accompagneraient une transformation dans l’Église. Toutefois, pour tous les mots nobles et les textes qu’ont été utilisés pendant le Concile, ce rassemblement légendaire du 11 octobre 1962 – la nuit inaugurale du deuxième Concile – était imprégné de l’humanité profonde et émouvante de son auteur.
Au moment de sa mort au mois de juin 1963, Papa Giovanni dit: « Ce n’est pas l’évangile qui a changé, mais nous qui le comprenons mieux. Ceux et celles qui ont vécu le même nombre d’années que moi…ont pu comparer des cultures et des traditions différentes, et savent que le moment est venu pour distinguer les signes du temps, pour saisir cette chance et regarder loin vers l’avenir ».
C’est pourquoi regarder ce grand patriarche et leader pendant le Synode des évêques sur la Parole de Dieu n’est pas seulement une chose agréable, mais aussi un besoin. Le philosophe Santayana écrivit: « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter ».
Alors que nous nous souvenons de Jean XXIII le jour de sa fête, et que nous voyons sa vision courageuse pour l’Église et pour l’humanité entière, prions pour son intercession pour ce Synode des évêques qui travaille pour que la Parole de Dieu soit connue et aimée dans l’Église et partout dans le monde.
Pour tous les mots nobles, documents et textes qui seront le fruit de ce rassemblement mondial, prions pour qu’ils soient d’abord imbibés de l’humanité profonde et émouvante de Jean XXIII qui a réveillé l’Église de son sommeil historique et ecclésial à une époque où personne ne s’y attendait.
Bienheureux Jean XXIII, “Oncle Angelo », priez pour nous. Aidez-nous à faire vivre Vatican II dans l’Église contemporaine.