Elles s’appelaient Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Maria Kluznick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte. Elles ont été tuées alors qu’elles étudiaient à l’intérieur de l’école polytechnique de Montréal, en fin d’après-midi, par un homme déséquilibré le 6 décembre 1989. Il s’est ensuite donné la mort. Son acte était prémédité, il l’explique dans une lettre. Il en voulait aux femmes qui veulent prendre la place des hommes.
20 années sont passées depuis ce jour dramatique.
Cette histoire m’a bouleversée et pareillement à cette année, le 6 décembre 1999, l’anniversaire tombait un dimanche et j’ai pu même participer à la messe présidée à l’église Notre Dame des Neiges par le frère prêtre d’une des victimes. Il nous a appelées au pardon et non à la haine tout en disant sa douleur de la perte de sa sœur pour lui et pour toute sa famille.
J’ai assisté aussi à l’inauguration du monument en la mémoire des quatorze victimes « nef pour quatorze reines » : une allée d’arbres, située en haut de la Côte de Neiges, place du 6 décembre 1989. Ce n’est pas un monument commémoratif habituel. Il n’est pas en hauteur mais à l’horizontal ; les quatorze plaques avec le nom de chaque victime, reparties en vis-à-vis sur sept rangs, reposent sur le sol; seule la première lettre du prénom est élevée en stèle.
Je suis plusieurs fois revenue marcher dans cette allée. Pour me souvenir et prier pour les victimes, les blessées, les familles, la mère de l’assassin. Pour prier pour lui aussi pour tous les hommes mal à l’aise devant la position de certaines femmes.
Surtout je prie pour que la place de la femme dans les universités ne soit pas vue comme une menace pour les hommes, mais comme un enrichissement en interaction en mutualité.
Ce crime a suscité des réactions très diverses dont celle des féministes. La mère du l’assassin a vécu le calvaire. J’ai souvent prié pour elle. Que se passe-t-il dans la tête d’un homme? Quelle souffrance a-t-il endurée pour en arriver là?
Ce drame m’habite souvent depuis ce temps. Quelle place les études prennent-elles dans la vie? Est-ce le seul signe de réussite? Quelles relations instaurer entre les hommes et les femmes ? Comment mieux se comprendre entre hommes et femmes? Dans mes instants de découragement, je me souviens de la réponse faite à la question : pourquoi Dieu nous a-t-il créés différents? C’est pour que nous soyons humbles.
Je pense aussi aux survivants et survivantes qui ont vécu ce drame et ont perdu leurs amies et n’ont pu les aider et les sauver.
Que cette commémoration en ravivant la douleur, aide à prendre conscience de l’inégalité des chances entre les femmes et les hommes dans certaines parties du monde pour œuvrer à plus de compréhension.
Qu’elle n’attise pas la haine pour les hommes. Que les femmes qui donnent la vie continuent à y croire en respectant les hommes car tout être humain est habité par les même violence, soif du pouvoir et difficultés de communication.
La haine ne construit rien. La violence habite en chacun de nous que nous soyons homme ou femme. Elle ne peut se canaliser que par le respect et la compréhension entre nous.
En ce temps de transformation très grande de la société, où les rôles des hommes et des femmes se redéfinissent, je souhaite travailler pour que les hommes ne voient pas les femmes comme des menaces alors qu’elles prennent des postes qui leur ont été longtemps réservés. Homme et femme, Dieu les a créés à sa ressemblance. L’un et l’autre sont images de Dieu et sont indissociables.
Sr Marie-Noëlle