Jour 4 : Le pape Pie XII et sa révolution biblique

piusxii-184.jpg

Journal du Synode du père Thomas Rosica, c.s.b.

Pour des décennies, la figure d’Eugenio Pacelli, le pape Pie XII, a été au centre de quelques polémiques « volatiles ». La controverse a fait rage à savoir si le défunt pape a fait ou dit assez pour la défense des Juifs et autres victimes des nazis. Le pontife romain qui guida l’Église durant ces années terribles de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide est la victime d’une « légende noire » qui s’est prouvée difficile à combattre. Elle est si répandue que plusieurs la considèrent être plus vraie que les faits historiques exacts.

L’une des conséquences « secondaires » désagréables de cette légende noire qui représente à tort le pape Pie XII comme indulgent envers le nazisme et indifférent au destin des victimes de persécutions a été de reléguer à l’arrière-plan et même effacer des enseignements et contributions extraordinaires de ce Pape qui a été le précurseur du Concile Vatican II. On doit se souvenir de Pie XII pour son encyclique Mediator Dei, le grand travail préparatoire qui allait se fondre dans la réforme liturgique conciliaire.

C’est le même pape qui, dans son encyclique Humani Generis, prend la théorie de l’évolution en considération. Pie XII a aussi donné un élan notable aux activités missionnaires avec les encycliques Evangelii Praecones en 1951 et Fidei Donum, en 1957, soulignant le devoir de l’Église de proclamer l’Évangile aux nations, comme Vatican II le réaffirmera amplement.

L’une des plus fréquentes questions venant de plusieurs journalistes étrangers assurant la couverture du Synode sur la Parole de Dieu et la vie et mission de l’Église fait référence à la commémoration de ce matin du 50e anniversaire de la mort du pape Pie XII dans le contexte du Synode. À 11 h 30 aujourd’hui, juste après la session du Synode de ce matin, le pape Benoît XVI présida la messe en la basilique Saint-Pierre avec, entre autres, tous les participants du Synode pour marquer cet anniversaire. Je me suis fait demander de nombreuses fois au centre des médias du Vatican « Pourquoi cette commémoration prend-elle place aujourd’hui au milieu d’un synode sur la Bible ? » ou « Qu’est-ce que le pape Pie XII a à voir avec les Écritures ? » Ma réponse à la première question a été: « Parce que le 9 octobre marque la date de sa mort en 1958 et aujourd’hui c’est le 9 octobre, donc… Quand voudriez-vous voir le Pape commémorer cet anniversaire ? À Noël ? » À la deuxième question, ma réponse a été : « Tout. Le pape Pie XII a TOUT à voir avec ce qui se passe dans la salle du synode, dans les petits groupes et au sein de toux ceux dans le monde catholique qui souhaitent prendre les études bibliques sérieusement. » Enfin, comme le jeune home riche du Nouveau Testament, plusieurs s’e allèrent tristes à cause de mes réponses à leurs questions.

Un synode sur la Bible ne peut ignorer ou oublier le paysage des études bibliques catholiques du siècle dernier. Les méthodes physiques, historiques et linguistiques, qui nous sont connues depuis seulement 125 ans approximativement, ont produit une étude scientifique critique de la Bible, une étude qui révolutionna les avis soutenus dans le passé à propos des auteurs, origines et datation des livres bibliques, comment ils ont été composés et ce que leurs auteurs voulaient dire. Dans les 40 premières années du dernier siècle (1900 à 1940) l’Église catholique romaine a pris clairement et officiellement position contre de telles critiques bibliques. Les hérétiques modernes du début du siècle dernier ont critiqué la bible et les condamnations officielles du Vatican du modernisme n’ont fait que de petites distinctions entre la possible validité intrinsèque de la critique biblique et son mauvais usage théologique par les modernistes.

Entre 1905 et 1915 la Commission Pontificale Biblique a publié une série de décisions sur la composition et sur les auteurs de la Bible. En dépit du fait que ces décisions ont été prononcées avec nuance, elles étaient contre les tendances des recherches contemporaines de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les exégètes catholiques étaient obligés d’accepter ces décisions et de les enseigner.

Après 40 ans de forte opposition, l’Eglise catholique dans les années 40, sous le pape Pie XII, a fait une volte-face envers la critique de la Bible. L’encyclique de Pie de 1943, Divino Afflante Spiritu ordonnait aux exégètes catholiques d’utiliser les méthodes scientifiques pour la Bible, ce qui leur avait été interdit jusque là. Il était maintenant sûr pour les érudits catholiques d’utiliser les méthodes qui leur avaient été interdites. Un aspect spécifique de l’encyclique poussait les catholiques loin du fondamentalisme : en particulier, la reconnaissance que la Bible contient plusieurs formes et genres littéraires, non seulement l’histoire.

Après dix ans, des enseignants formés en critique de la Bible ont commencé à enseigner dans des classes, séminaires et collèges catholiques ; la moitié des années 1950 étant vraiment le point tournant. Alors l’adhésion à la méthode scientifique conduisit les exégètes à l’abandon de toutes les déclarations de début de siècle comme quoi le Vatican en était l’auteur.

Historico-critique

Divino Afflante Spiritu développa énormément la connaissance biblique catholique. De nouveaux professeurs furent formés, et le résultat de cette approche différente aux Ecritures étaient peu à peu communiqués au public – les étapes que Pie XII avaient demandées. “Papa Pacelli” lança l’application de la méthode biblique historique et critique et établit les normes de la doctrine pour l’étude des Écritures, soulignant l’importance de son rôle dans la vie chrétienne. En dehors des Écritures, les documents du deuxième Concile du Vatican citent Pie XII plus que tout auteur.

Souvenons-nous d’autres événements-clés concernant l’histoire de Pie XII et l’histoire en général. Le pape Pie XII conduisit l’Église catholique de 1939 à 1958. Immédiatement avant son élection, le Cardinal Eugenio Pacelli était alors le Secrétaire d’État du Vatican. Lui, plus que tout autre au Vatican, savait ce qui se passait dans le monde. Pie XII n’était pas seulement le Pape de la Seconde Guerre mondiale, mais un pasteur qui, à partir du 2 mars 1939 jusqu’au 9 octobre 1958, avait un monde en conflit devant lui, un monde affligé par les événements. Ceux qui attaquent Pie XII font cela souvent à cause de leur idéologie. La campagne contre lui commença en Union Soviétique et fut ensuite soutenue dans plusieurs environnements catholiques. Il était fortement opposé aux Communistes.

Comme le dit le pape Benoît ce matin dans son homélie émouvante et dans son hommage à son prédécesseur, Pie XII, Hitler et ses disciples les plus proches étaient poussés par une haine pathologique pour l’Eglise catholique qu’ils considéraient, justement, comme l’obstacle le plus dangereux pour ce qu’ils espéraient faire en Allemagne. Il y avait une séparation nette entre les nazis et l’Église catholique. Le pape Pacelli ne peut pas être culpabilisé pour quelque chose qui revient de manière complexe à la communauté mondiale.

Les papes ne parlent pas avec le but de créer une image favorable pour l’avenir. Ils savent que le destin de millions de chrétiens peut parfois dépendre de chacun de leurs mots; ils ont à cœur le destin d’hommes et de femmes en chair et os, non pas les applaudissements ou l’approbation aléatoire des historiens.

Prudence

Le pape Pie XII n’était pas inquiet pour sa réputation, tout ce qu’il voulait c’était de sauver les vies des Juifs, et celle-ci était la seule bonne décision, qui forcément demandait de la sagesse et beaucoup de courage. Le Pape protesta contre la persécution des Juifs, mais il expliqua en 1943 qu’il ne pouvait pas agir de manière plus publique ou dramatique sans courir le risque que la situation devienne pire. Plutôt que des déclarations publiques potentiellement contreproductives, sa prophétie mise en œuvre a sauvé les vies d’innombrables victimes du règne de terreur des nazis néo-païens.

Depuis la mort de Pacelli il y a aujourd’hui 50 ans, l’Église a fait de grands progrès en créant un lien beaucoup plus fort qu’avant avec la foi juive. Le pape Jean Paul II a fait des rapports entre juifs et chrétiens l’une de ses priorités pendant sa papauté. Le pape Benoît XVI a continué sur cette voie. Les deux papes ont défendu avec fermeté les actions du pape Pie XII tout en parlant en même temps du silence et du manque d’actions concrètes de la part de certains catholiques pendant l’Holocauste.

Dans mon autre vie à Toronto, quand je n’ai pas le rôle de “Deputati Notitiis Vulgandi” pour les Synodes du Vatican sur les Écritures, mais que je suis “Director Exsecutivus Retis Televisifici Catholici “Télévision Sel et Lumière”, nous sommes en train de lancer notre documentaire le plus récent « A Hand of Peace: Pope Pius XII and the Holocaust ».
Grâce au don généreux des Chevaliers de Colomb, chacun des Pères Synodaux, experts, auditeurs et membres du personnel A reçu une copie du documentaire ce matin pendant le Synode et le pape Benoît a reçu sa copie hier (une version française est d’ailleurs en préparation).

Nous espérons que ce documentaire fera ressortir la vérité sur la vie du pape Pie XII, ses actions prophétiques, ses mots courageux et ses contributions significatives à la connaissance à propos des Écritures et de l’humanité. La sagesse d’Eugenio Pacelli, son héroïsme, courage et ses gestes prophétiques pendant une période très sombre de l’histoire du monde nous apprennent beaucoup. Pacelli a reçu plusieurs noms. Il est un patron et intercesseur important pour le Synode qui a lieu en ce moment au Vatican. Nous lui devons beaucoup et nous lui sommes reconnaissants pour sa vision, son intuition et pour son amour de la Parole de Dieu. Que ce serviteur de Dieu, en route pour la béatification et la canonisation au sein de l’Eglise catholique, puisse continuer à intercéder pour nous tous, pendant que nous découvrons de nouvelles façons de rendre vivante la Parole de Dieu, de la diffuser, de la faire apprécier et de la rendre accessible pour le monde entier.

Secured By miniOrange