Les quatre mousquetaires de Québec avec Alexandre Dumas

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis parle on discute du livre « Les quatre mousquetaires de Québec: la carrière politique de René Chaloult, Oscar Drouin, Ernest Grégoire et Philippe Hamel avec l’histoire et auteur Alexandre Dumas. Sont notamment abordés les thèmes de son la Doctrine sociale de l’Église, de l’histoire de la culture et de la politique québécoise dans les années 1930, du Programme de Restauration sociale, du duplessisme ainsi que des sources de la Révolution tranquille. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

Une perspective catholique sur l’élection

(Image : courtoisie d’Élections Canada)

Tout récemment, la démocratie canadienne a vécu un de ces moments forts qui déterminent les possibles de la vie politique et donnent le ton de l’action collective. Si l’élection fédérale canadienne de 2021 n’était clairement pas souhaitée par une grande partie de la population, elle s’est déroulée dans un contexte qui est en quelque sorte une croisée des chemins.

Des rumeurs d’élections circulaient depuis un certain temps au Canada. L’élection d’un gouvernement minoritaire en 2019 signifiait presque inévitablement une élection anticipée dans un avenir proche, étant donné que les gouvernements minoritaires au Canada ont une durée de vie moyenne de 18 à 24 mois. 

Les catholiques, et les Canadiens en général, auraient pu espérer que cette élection mette de l’avant des perspectives contradictoires sur les questions de l’heure et des discussions de fond sur la reconstruction de la société canadienne après 18 mois d’une pandémie dévastatrice à tous les niveaux. Une conversation approfondie sur les droits et les devoirs mutuels des citoyens, sur l’investissement de ressources conformément au principe de subsidiarité, ou sur les questions urgentes de la bioéthique s’imposait. Mais malheureusement, les débats significatifs sur ces sujets, et bien d’autres, ont été notoirement absents.

Renouveler le devoir civique ?

Il est intéressant de noter que l’expérience traumatisante de la pandémie de COVID-19 a ouvert la discussion sur des questions socio-économiques auxquelles le consensus pré-pandémique était fermé. En particulier, on a beaucoup insisté sur le devoir des citoyens de participer à toute une série d’actions, petites et grandes, pour arrêter la propagation du virus. 

Cette réapparition du langage du devoir civique fait appel à une compréhension plus active de la liberté politique, qui se concentre davantage sur la capacité du citoyen à participer à la poursuite du bien commun que sur la protection des libertés individuelles. 

Défendre la subsidiarité

La pandémie, comme d’autres grandes crises nationales avant elle, a également mis à l’épreuve un principe cardinal de la doctrine sociale de l’Église, à savoir la subsidiarité. Selon ce principe, la charge d’une situation donnée, et de l’action qui y est liée, incombe à l’entité la plus proche des personnes concernées, à la plus petite entité capable de répondre. 

Dans des situations exceptionnelles, il est tentant pour l’État central d’assumer des responsabilités excessives, d’isoler les individus, qui deviennent dépendants de lui, et de supprimer les corps intermédiaires qui constituent habituellement l’environnement le plus favorable à la socialisation. Cette tentation et ses effets négatifs sont encore plus marqués dans le contexte d’un grand ensemble fédéral comme le Canada, où la gestion de l’essentiel des affaires sociales relève de la responsabilité constitutionnelle des provinces. 

Ouvrir la conversation sur la bioéthique

L’absence de conversation sur les questions de la bioéthique est également très préoccupante. Nous vivons dans une société où les débats sur les questions où convergent les problèmes liés à la vie, le système de santé et les préoccupations éthiques sont généralement mis de côté et fermés à la conversation. On peut penser à des questions telles que l’avortement et l’euthanasie. 

Et même s’il est indiscutable que les vaccins développés contre la COVID-19 sont moralement licites – le message de Rome à ce sujet est très clair – nous ne devons pas permettre que toute forme de questionnement sur ce type de sujet soit banalisée ou ridiculisée. 

Si ceux qui prédisent un avenir où les pandémies de cette nature seront plus fréquentes ont effectivement raison, il est absolument essentiel que des conversations bioéthiques ouvertes aient lieu, non seulement pour éviter une forme de scientisme obscurantiste, mais aussi pour que chacun, se sentant inclus et respecté dans l’espace public, soit moins tenté de se laisser aller à des interprétations farfelues de notre réalité commune. 

Des discussions manquantes 

Suivant une tendance bien établie dans la culture politique canadienne au cours des dernières décennies, cette campagne a été marquée par l’absence de telles discussions, remplacées par un piètre substitut sous forme de formules simplificatrices caractéristiques d’un marketing politique à bien des égards indigne de la noblesse de la vie politique. 

Le faible niveau de nos débats est passablement évident. Les grandes figures de notre vie politique préfèrent échanger, parfois de manière assez transparente, des répliques apprises par cœur dont le sens, souvent évanescent, se caractérise même parfois par une malheureuse duplicité. Pourtant, la vie politique est le lieu de la recherche du bien commun qui, dans une démocratie parlementaire comme la nôtre, se caractérise par une délibération qui exige du sérieux, de la profondeur et une volonté réelle de construire une société partagée. 

Une uniformité troublante

Pourtant, les principaux partis politiques représentés à la Chambre des communes ont tendance à se ressembler de plus en plus sur bon nombre des grandes questions. Le Parti conservateur, par exemple, a essentiellement mis de côté une perspective plus traditionnelle sur les questions sociales sous son leadership actuel. En outre, dans ce contexte de pandémie, il est également devenu moins intéressé par la promotion de politiques de rigueur économique. On pourrait dire que le parti se distingue principalement en modérant les positions du Parti libéral. 

Certains pourraient avancer que cette uniformisation du discours, notamment sur les questions sociales, est le reflet d’une société dans laquelle certaines questions ne sont plus abordées, tout simplement parce qu’elles n’intéressent plus le public. Cette explication a toutefois ses limites. 

Le rôle des médias 

Dans une société vaste et moderne comme le Canada, les conversations civiques se déroulent par le biais des médias de masse, un environnement social dans lequel, comme dans tout autre, certaines opinions sont plus courantes que d’autres. C’est tout à fait normal et cela ne devrait pas nous surprendre. Cependant, la prudence et l’esprit critique sont toujours de mise, car les niveaux relatifs d’exposition et de compréhension de certaines opinions ne reflètent pas toujours l’éventail des points de vue de la population générale. 

Dans son récent livre, le politicien libéral John Milloy, un catholique, a noté la façon dont les médias ont traité l’ancien chef conservateur Andrew Scheer lors des élections fédérales canadiennes de 2019, en se concentrant sur sa foi et sa position sur l’avortement. Si M. Scheer est évidemment responsable de la manière dont il a choisi d’aborder ces questions, les opinions généralement partagées sur ces sujets dans les cercles médiatiques étaient assez clairement exposées. Cette série d’événements n’est qu’une illustration récente de la mise à l’écart de certaines opinions dans l’espace public, qui ne reflète pas nécessairement le sentiment général de la société dans son ensemble.

Des risques à prendre en compte

L’expérience de ces dernières années dans les grandes démocraties occidentales montre que lorsque certains points de vue largement répandus dans la population cessent d’être représentés par les partis traditionnels de gouvernement, ils trouvent leur place dans la conversation civique par d’autres moyens, que la plupart d’entre nous trouve souvent répréhensibles. 

À l’heure actuelle, nous assistons à une montée paradoxale de la polarisation, voire de la violence politique, notamment à l’encontre du premier ministre Justin Trudeau. Cela se produit à un moment où notre société est marquée par un épuisement général à l’égard des mesures sanitaires jugées nécessaires pour contrer la pandémie de COVID-19, ce qui amène une minorité audible à s’exprimer d’une manière qui est au mieux indigne, au pire violente. 

Cette tension entre la relative uniformité du discours des partis politiques et l’émergence de tensions aux marges de la vie politique aura été en ce sens l’une des particularités de cette élection. Maintenant qu’elle s’est conclu en un statu quo ante bellum prévisible, espérons que le nouveau parlement minoritaire soit caractérisé par davantage d’ouverture et par des débats qui mettent moins l’accent sur une polarisation partisane superficielle et davantage sur l’exposition, aussi rationnelle que passionnée, des perspectives de chacun.

La question migratoire, du politique au spirituel

(Image : courtoisie de Unsplash)

Le Pape François, à l’occasion d’un message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, rappelait l’importance des questions migratoires, un enjeu social et politique de portée internationale auquel il a été particulièrement attentif durant son pontificat. Le Saint-Père a fait connaître aux chrétiens  – et à tous les hommes de bonne volonté, selon la formule consacrée – son désir de voir l’humanité progresser vers un degré plus élevé d’universalité, vers une unité plus aboutie. 

Avec un langage parfois fort, le Pape a ainsi condamné dans les dernières années certaines formes excessives de nationalisme et de crispation identitaire, qui ont pour effet de nous enfermer dans nos particularités et de voiler le visage du Christ que nous devons voir dans notre prochain. 

L’Église catholique, assemblée universelle 

L’unité espérée du genre humain, l’espérance d’une humanité réconciliée et pacifiée, est en un sens profondément enracinée dans le cœur de l’homme. Notre foi est fondée sur la promesse d’une Jérusalem nouvelle, d’une cité rénovée par la Grâce et pour la gloire de Dieu, regroupant les Élus dans un vaste chœur céleste, par delà les frontières du temps et de l’espace. 

Cette espérance, nous le savons, n’est pas destinée à trouver complète satisfaction ici-bas, sur notre Terre, par des moyens techniques et politiques. C’est en vue de Dieu seul et en Son temps que le monde tel que nous le connaissons trouvera sa fin, que nous prendrons part à sa perfection. 

Cela ne veut pas dire, cependant, que nos vies sur Terre sont dépourvues de signification, d’importance ou de consistance. Tels que Dieu nous a faits, ils nous est donné de participer ensemble, les uns pour les autres, à la poursuite d’un bien commun qui dépasse notre individualité, et même la communauté la plus proche de la famille.

La médiation de la communauté politique

C’est ainsi qu’Aristote, comme saint Thomas d’Aquin et plusieurs après eux, ont parlé de l’homme comme d’un animal politique, destiné à prendre part à la vie commune, inscrit dans une communauté politique ordonnée au bien commun. Cette tradition est d’ailleurs au cœur de la doctrine sociale de l’Église, qui nous prévient des excès de l’idéologie. 

Vivre selon cette nature politique qui est la nôtre vient avec des exigences particulières, qui correspondent aux limites de notre expérience humaine. Nous ne pouvons communier politiquement au bien de l’humanité sans prendre part, plus concrètement, à des communautés politiques plus petites, plus circonscrites, plus limitées en quelque sorte. 

Que ce soit dans le cadre de la cité des Grecs, de l’empire comme à Rome ou de la nation européenne, nous ne pouvons vivre politiquement que dans un contexte précis, une forme politique donnée, comme dirait le philosophe catholique Pierre Manent. Nous ne pouvons nous priver de cette médiation. 

Nouveaux défis, nouvelles communautés?

Ainsi se pose pour le chrétien le problème de l’appartenance politique, de laquelle découle la question migratoire. D’un côté, nous appartenons au Christ et à l’Église, qui réalise une association humaine universelle, dans laquelle nous sommes tous frères et par laquelle nous aspirons au Salut et à l’amitié divine. C’est, pour ainsi dire notre véritable maison, notre authentique demeure. 

De l’autre côté, cependant, nous sommes appelés à nous organiser collectivement et politiquement dans des ensembles plus restreints, mais bien réels et dont les caractéristiques, en cela qu’elles répondent à notre nature, sont de soi excellentes. Le sentiment d’appartenance à la communauté politique, l’attachement qu’on y porte, est sain. Le désir de voir cette communauté se développer de manière adéquate et se protéger contre la menace est naturel. 

Malheureusement, l’émergence de défis dont la portée est internationale, comme les crises écologiques, migratoires et sanitaires suscite chez certains de profondes inquiétudes, qui peuvent conduire, lorsqu’encouragées par des personnalités politiques irresponsables, au repli sur soi, à un protectionnisme excessif qui oppose l’homme à l’homme et lui fait perdre de vue l’unité de l’humanité en Christ. 

Le difficile jeu des appartenances

Le contexte de la crise migratoire, vécue de manière particulièrement intense en Europe continentale, a ainsi contribué à l’émergence de mouvements politiques qui profitent de ces inquiétudes plutôt qu’ils ne cherchent à formuler des solutions pratiques et réalistes aux problèmes politiques bien concrets que cette situation représente pour ceux qui, de part et d’autre, vivent les effets de cette crise. La condamnation de ces excès est justifiée. 

Les chrétiens sont appelés à voir dans le pauvre, le miséreux, l’exclu, un autre Christ et à lui ouvrir les portes de leurs cœurs. Cette exigence évangélique, certes radicale, est appelée à être vécue par chacun selon sa situation de vie, ses possibilités concrètes et les moyens dont il dispose. À l’impossible, nul n’est tenu. 

Aussi, dans la recherche du bien commun et dans la formulation de solutions aux difficultés parfois extrêmes auxquelles une communauté politique peut faire face, les responsables politiques qui sont des chrétiens ne peuvent faire abstraction de cette exigence. Ils doivent être en mesure de la réaliser sans mettre en péril les aspirations, les désirs, les besoins et la sécurité des communautés dont ils ont la charge, la très haute responsabilité de gouverner. 

Un animal politique… et spirituel? 

À la recherche du bien commun de la société politique, le citoyen, qu’il exerce ou non une charge politique d’importance, a le devoir premier de maintenir cette société dans l’être et de voir aux meilleures façons de réaliser certains biens pour ceux qui en font partie. Le caractère politique de l’expérience humaine, voulu par Dieu, n’a pas été aboli par Lui avec l’avènement de son Fils. 

À la recherche du bien commun de l’Église, qui embrasse potentiellement l’humanité entière, le chrétien se veut ouvert et disponible, attentifs aux motions de l’Esprit et capable, avec la Grâce de Dieu, de faire le témoignage de Son amour auprès de ceux qui souffrent le plus. 

Chacun de nous est en un sens appelé à vivre de cette double vocation, politique et spirituelle, civique et mystique, selon les moyens qui sont les nôtres et devant les épreuves qui se présentent inévitablement à nous. Impatients que nous sommes devant Dieu, nous devons résister à la tentation de vouloir faire descendre son éternelle Cité plus près de nous, au risque de troubler notre perspective sur le réel et, se faisant, de nous montrer incapable de porter la charge, provisoire, qui est la nôtre. 

Église en Sortie 12 avril 2021

Dans cet épisode d’Église en Sortie, on parle de l’évolution législative sur l’euthanasie et le suicide assisté au Canada avec le philosophe Louis-André Richard. On vous présente un reportage sur l’église Saint-Denis du diocèse de Saint-Hyacinthe. Et on discute des soins palliatifs en 2021 avec le théologien professeur Jean-Marc Barreau.

La famille et la poursuite du bien commun

(Image: courtoisie de Wikimedia)

L’Église a beaucoup parlé dans les dernières années des questions relatives à la vie, au mariage et à la famille, et plus spécifiquement de la contribution des familles chrétiennes à sa vivacité. Alors que notre époque est marquée par son effacement, ces enseignements, conjugués à certains principes de la doctrine sociale de l’Église, peuvent contribuer à une réflexion sur la perspective du bien commun dans nos sociétés politiques. 

Un paradoxe de la politique moderne

La communauté politique est rarement comprise, dans l’espace public, comme une réalité naturelle à l’homme, c’est-à-dire comme une expression de sa nature d’animal politique, selon le mot d’Aristote. En effet, nos intuitions se sont transformées, et plus souvent qu’autrement nos concitoyens ont des attentes à la fois excessives et insuffisantes quant à l’expérience politique. C’est un paradoxe de notre modernité politique, qui s’explique notamment par un désintérêt pour la subsidiarité, un principe de la doctrine sociale de l’Église suivant lequel la responsabilité d’agir sur une question donnée revient à la communauté qui en expérimente le plus directement les effets. 

Or, nous vivons ici et maintenant dans le monde de l’État-providence, c’est-à-dire l’état d’une société où l’essentiel des nécessités humaines les plus élémentaires trouvent satisfaction de quelque manière par une réponse étatique. Devant les réalités du quotidien, les imperfections du marché, les désirs matériels, c’est l’État ou principalement l’État, qui répond présent. 

Cette situation est en un sens tout à fait nouvelle et unique au regard de l’histoire universelle. Jamais auparavant l’État, la république, le royaume, n’avait pris sur lui de répondre aussi directement et aussi promptement aux nécessités particulières, aux besoins locaux, voire familiaux et individuels. Nous vivons désormais dans l’attente de ces services et entretenons à l’égard de l’État des attentes extrêmement élevées. C’est pourquoi on entend souvent que les  »contribuables » (les citoyens) veulent en avoir pour leur  »argent » (leurs taxes). Nous sommes sortis de l’amitié civique pour entrer dans une relation d’affaire, parfois même prédatoire. 

Évidemment, nos devanciers avaient, eux aussi, des besoins et des désirs pour eux-mêmes et leurs proches, leurs familles, leurs communautés. Mais pour l’essentiel de l’histoire humaine, ils trouvaient satisfaction (ou privation), dans des contextes plus locaux, plus communautaires, et en un sens plus naturels, par la participation à des corps intermédiaires entre l’individu et l’État, aujourd’hui fortement affaiblis. Le processus qui nous a conduit jusqu’ici a donc généré chez nous des attentes excessives à l’égard de l’État politique. Nous demandons de lui des choses qu’il ne lui appartient pas de nous donner, du moins, si on en croit la doctrine sociale de l’Église et la centralité du principe de subsidiarité.

Une négation de notre nature politique

Pourtant, nous avons aussi et surtout des attentes insuffisantes à l’égard de la politique, qui se trouvent, en un sens, à un niveau plus humain et plus profond. Ces attentes  sont si faibles qu’elles attaquent notre nature politique. Libérés de la famille, libérés de l’amitié, libérés de l’Église et de quelque autre forme d’engagement librement consenti, plusieurs de nos concitoyens se placent dans une situation de dépendance, seuls face à l’État. 

Peu d’entre nous voient l’activité politique comme une recherche délibérée du bien commun qui engage, dans une démocratie comme la nôtre, l’ensemble des citoyens. D’ailleurs, le titre de citoyen, qui faisait à Athènes ou à Rome l’honneur de ceux qui le portaient, est pour nous vidé de son sens. Occupés à requérir de l’État des nécessités matérielles et même parfois jusqu’au sens de notre vie, notre activité politique se résume trop souvent à voter pour celui qui nous promet le meilleur rendement sur notre investissement. Nous ne cherchons pas à poursuivre le bien commun de la société politique dans laquelle nous nous inscrivons, mais bien plutôt à accroître notre bien particulier, parfois même au dépens de la communauté dans son ensemble. 

C’est pourquoi on peut également soutenir que nous avons à l’égard de la politique des attentes insuffisantes. La politique est cette activité, éminemment humaine, qui nous fait sortir de nos particularisme et nous fait nous engager en vue de biens plus universels. Il en va de même pour les chrétiens, dont la nature n’est pas changée mais plutôt élevée par la Grâce. D’une certaine manière, la politique en son sens le plus noble nous prépare même à la recherche de biens encore plus élevés. Il est ainsi nécessaire d’avoir une saine politique, comme il est essentiel d’avoir une saine vie familiale. 

La famille, un modèle pour les communautés plus larges

La famille est en un sens la forme la plus restreinte, la plus condensée, de communauté à laquelle il nous est donné d’appartenir. Elle n’a pas le caractère politique de la cité ou de la nation, dont elle ne partage pas la nature délibérative et plurielle. Or dans la famille, comme dans la vie politique, s’exerce une autorité dont la fin dépasse les besoins immédiats et particuliers des individus qui la composent. En famille, on comprend intuitivement que le bien du tout l’emporte sur celui des parties. Les parents, qui justement ont la charge d’autorité, acceptent plus aisément le sacrifice et le dénuement, lorsqu’il est rendu nécessaire par les circonstances. 

En famille, on sait qu’en dépit de leurs imperfections, nos frères, nos sœurs, nos parents sont dignes de notre respect et même de notre affection, en tant qu’ils partagent avec nous le lien de parenté. Ainsi la saine famille peut nous apprendre certaines choses sur la saine république, la saine communauté politique. Les citoyens ont, en tant que citoyens, le devoir de veiller chacun sur le bien de l’ensemble. Ils éprouvent souvent une affection parfois naïve mais sincère pour leurs concitoyens, avec lesquels ils partagent un titre de haute distinction. 

De petits et de grands ensembles

Enfin, dans la saine république on ne confond pas l’État avec la famille, ni entre eux les autres corps intermédiaires qui cimentent, de la plus petite à la plus grande, les communautés de parenté, de l’amitié, de la langue. On ne la confond pas davantage avec l’incommensurablement plus universelle res publica christiania, qui réunit les croyants par delà toutes les frontières matérielles et idéelles. 

À leur place et bien comprises, toutes ces communautés sont belles, bonnes et authentiques; elles répondent à la nature humaine en l’épousant de façon harmonieuse. Dans la démesure, elles perdent de leur éclat et deviennent des parodies d’elles-mêmes. Cette tension entre universalité et particularité est bien exprimée par le Pape François qui, dans l’encyclique Fratelli tutti, affirme :

« la fraternité universelle et l’amitié sociale constituent partout deux pôles inséparables et coessentiels. Les séparer entraîne une déformation et une polarisation préjudiciables » (par. 142).

La société politique a besoin pour réaliser sa fin de saines familles, de corps intermédiaires solides et de citoyens capables d’une amitié authentique. L’Église, la res publica christiana, a elle aussi plus que jamais besoin de fidèles véritablement libres et capables d’habiter, chacun selon sa vocation, de petites sociétés qui participent à sa souveraine beauté. Pour les chrétiens qui sont liés par le sacrement du mariage s’impose ainsi plus que jamais la responsabilité d’édifier une église domestique pleine de vigueur et de sainteté. 

L’éthique en contexte pluraliste selon Joseph Ratzinger avec Stéphane Bürgi

Cette semaine à Parrêsia, Francis Denis s’entretient de la loi naturelle dans la pensée du pape émérite Benoît XVI (Joseph Ratzinger) avec Stéphane Bürgi, spécialiste du religieux contemporain et Chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Sont notamment abordés les thèmes de l’histoire des idées, des enjeux éthiques, du Bien commun, de la laïcité, de la crise climatique et du rôle de l’Église en 2021. Tout cela et bien plus sur Parrêsia, votre balado qui prend le temps de penser.

 

Pour aller plus loin, la thèse de Doctorat de Stéphane Bürgi intitulée « La religion au service de la conscience éthique en contexte pluraliste: La proposition « ratzingérienne » » est disponible au lien suivant

Óscar Romero: archevêque et martyr

(Image: courtoisie de Wikimedia)

Nous célébrons cette semaine la fête de saint Óscar Romero, archevêque de San Salvador et martyr. Né le 15 août 1917 à Ciudad Barrios, fait martyr devant l’autel le 24 mars 1980, Romero est l’une des figures les plus fascinantes de l’Église au XXe siècle. 

Devenu le symbole de la lutte pour la justice sociale, son souvenir est chéri tout particulièrement dans les sociétés latino-américaines, où la mémoire de son combat pour la défense des plus marginalisés combinée à sa fidélité à l’enseignement de l’Église et à l’autorité romaine ont fait de lui une icône, lui qui est vénéré même en dehors de l’Église catholique, jusque dans la Communion anglicane. 

 

Canonisation : terme d’un long processus

La cause de canonisation d’Óscar Romero, commencée en 1993, aboutit il y a trois ans en 2018, lorsqu’il est déclaré saint de l’Église catholique par le Pape François. Le processus pour parvenir à cette canonisation a pris du temps, notamment en raison des implications de son engagement social et politique dans les débuts de la Guerre civile au Salvador. En effet, plusieurs se sont questionnés sur les motivations de sa mise en mort alors qu’il célébrait la messe: étaient-elles de nature essentiellement politiques ou plutôt de nature religieuse? 

En février 2015, la Congrégation pour la cause des saints approuve la reconnaissance du martyr d’Óscar Romero, réputé mort pour sa foi. Cette reconnaissance est suivie de sa béatification en 2015, à San Salvador puis de sa canonisation, à Rome. 

Un contexte difficile

La mort de saint Óscar Romero intervient dans un contexte d’importantes tensions sociales et politiques. En octobre 1989, survient un coup d’État militaire dirigé contre le président salvadorien en exercice, Carlos Humberto Romero, à la suite duquel est établie une junte militaire pour diriger le pays. Ce coup d’État sera suivi d’un important conflit civil qui devait maintenir la société salvadorienne dans la guerre pour une douzaine d’années.

Saint Óscar Romero, depuis quelques années archevêque de San Salvador, capitale et plus grande ville du pays, intervient publiquement et demande au président américain de l’époque, Jimmy Carter, de mettre un terme au soutien de son gouvernement au régime, critiquant en des termes sévères l’action de la junte militaire en place. 

Le martyr d’Óscar Romero

Le 23 février 1980, il prononce un sermon dans lequel il enjoint les membres des forces armées de cesser d’obéir aux ordres de leurs supérieurs et de mettre un terme aux violations des droits humains, aux attaques contre des civils, notamment. Le lendemain, à l’occasion d’une récollection organisée par des membres de l’Opus Dei, dont Romero était un partisan, le saint archevêque est fusillé devant l’autel, quelques instants après avoir terminé son homélie. À ces terribles événements se sont ajoutées des violences importantes à l’occasion de ses funérailles.

L’assassinat de saint Óscar Romero n’était pas qu’une exaction politique. Son martyr était motivé par le désir, chez ses contempteurs, de combattre une institution et une foi déterminées à défendre la dignité humaine contre ceux qui la négligent et l’attaquent, dans une démarche alimentée par le mépris et le désir d’obtenir, de concentrer et de conserver le pouvoir. 

Les débats autour de la théologie de la libération

Dans certains milieux, l’élévation de saint Óscar Romero a été moins bien comprise. Cela s’explique en partie par la dimension sociale et politique du ministère de Romero, que certains ont voulu associer à la théologie de la libération. Ce mouvement théologique, puis sociopolitique, met en relation l’Évangile et la lutte pour la justice sociale, c’est-à-dire contre la pauvreté, la misère, la faim et l’exploitation. 

Un courant parfois excessivement matérialiste de ce mouvement a suscité la condamnation par les autorités romaines de certains éléments de la théologie de la libération, notamment lorsqu’informés par une lecture marxiste des rapports de classes et une insistance sur les questions sociales et politiques occultant l’essentiel du message évangélique. 

 

Saint Óscar Romero, au contraire, fonde son action sur une fidélité à l’autorité pontificale, une insistance sur l’unité de l’Église et sur une libération plus profonde, spirituelle, qui dépassent les considérations purement sociales et politiques et engagent la personne dans son rapport au Christ. Romero est aussi connu pour sa spiritualité ignatienne et son attachement au charisme de l’Opus Dei, dont l’insistance sur la sanctification par le travail et la vie ordinaire a profondément marqué l’Église, notamment sous le pontificat de saint Jean-Paul II. 

Une réponse catholique au projet de loi C-7

Une réponse catholique au projet de loi C-7″ est une émission spéciale de Sel + Lumière en collaboration avec la Conférence des évêques du Canada -CECC- entièrement dédiée à l’analyse et au dialogue sur les implications néfastes du projet de loi fédéral C-7. Les évêques catholiques du Canada restent fermement opposés au projet de loi C-7, qui étend davantage au Canada l’euthanasie et le suicide assisté, que le gouvernement et les tribunaux ont renommés par euphémisme « aide médicale à mourir » (« AMM »). Tel qu’indiqué dans le mémoire envoyé aux députés siégeant au Comité : « La législation proposée dans le projet de loi C-7 reste profondément déficiente, injuste et moralement pernicieuse. Les évêques du Canada continuent d’appeler les catholiques et toutes les personnes de bonne volonté à faire entendre leur voix pour s’opposer à ce projet de loi. De même, chaque législatrice, chaque législateur canadien doit se rappeler qu’une loi qui permet d’enlever la vie à des personnes innocentes ne pourra jamais être moralement justifiée. Une telle loi portera toujours atteinte à la dignité intrinsèque de la personne humaine. ». Dans le cadre d’une entrevue de 30 minutes, VENDREDI 20 NOVEMBRE 19h30 Francis Denis s’entretient donc de cette question avec Mgr Noël Simard, évêque de Valleyfield et porte-parole de la Conférences des évêques catholiques du Canada pour les questions et enjeux de bioéthique.

Sont également disponibles aux liens suivants: le Projet de loi C-7 présenté à la Chambre des Communes du Canada ainsi que le Mémoire présenté au Comité permanent sur la Justice et les Droits de la personne par la Conférence des évêques catholiques du Canada au sujet du projet de loi C-7 : « Loi modifiant le Code criminel (Aide médicale à mourir) ».

L’encyclique « Fratelli tutti » avec Jean-Marc Barreau PhD.

Cette semaine dans le cadre de son balado « Parrêsia », Francis Denis s’entretient de la plus récente encyclique du Pape François « Fratelli tutti » avec le prêtre, théologien et professeur adjoint à temps plein à l’Université de Montréal Jean-Marc Barreau PhD. Dans ce dialogue 1h23 min, seront notamment abordés les questions de la politique, l’économie, la spiritualité et des principes centraux à la réalisation de sociétés justes et inclusives. Jean-Marc Barreau est notamment l’auteur d’un livre sur le présent pontificat : François et la miséricorde publié chez Médiaspaul 

Messe pour la vie en direct sur Sel + Lumière: 14 mai 8h00

(Photo crédit: Archidiocèse de Montréal) Alors que le coronavirus nous fait découvrir la fragilité et la dignité de chaque vie humaine ainsi que la beauté d’être dépendants les uns des autres, Mgr Christian Lépine vous invite à vous joindre à lui le 14 mai 2020, à 8h, sur le réseau Sel+Lumière, pour la célébration d’une Messe spéciale à l’intention de la vie, de la famille, des plus vulnérables d’entre nous ainsi que de leurs proches et de leurs soignants. Cette messe est célébrée en communion avec la Marche nationale pour la vie (www.marchforlife.ca) qui aurait été célébrée le 14 mai.
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