Un mur qui fait pleurer

Vous vous êtes déjà demandé pourquoi nous lui donnons le nom du Mur des Lamentations ? La réponse est évidente dès qu’on s’en approche, dès qu’on se fait une petite place devant le mur pour appuyer sa main contre la pierre et prier. Pendant mon séjour en Israël, avec mes collègues de travail, nous avons tous eu la chance de prier devant le Mur. Lorsqu’à mon tour j’observais les femmes à ma droite et à ma gauche, j’ai remarqué leur posture : elles avaient la tête baissée, leur livre de prière en main et les récitaient en se balançant par devant et par derrière. Certaines d’entre elles… pleuraient. J’étais profondément touchée par ce que je voyais et émue de prier à côté de ces femmes d’une autre confession. Comme elles, je me suis mise à pleurer. Et je me suis dit que ce n’est pas un nom si bizarre pour un mur, après tout !

Le Mur des Lamentations porte un autre nom. Il est mieux connu comme le Mur Occidental et l’un des derniers vestiges du Temple construit par Hérode vers l’an 19 av. J.-C. Ce Temple a été détruit par les romains en 70 A.D. Depuis, les juifs s’y rendent pour prier. Le Mur Occidental est tout de même demeuré un lieu saint pour eux. C’était l’endroit le plus près du lieu où reposait Dieu à l’intérieur du Temple, ce que l’on appelle le Saint des Saints ou l’Arche de l’Alliance. De plus, dans la tradition juive, Abraham aurait offert son fils Isaac en sacrifice à Dieu sur le Mont du Temple ou le Mont Moriah, où se trouve désormais le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa.

Dans la tradition juive, on se rend au Mur pour prier, jour et nuit, pour se « lamenter » de la destruction du Temple et la ville de Jérusalem considérée sainte. C’est la raison pour laquelle nous l’appelons le Mur des Lamentations. D’innombrables plaintes sont entendues dans d’autres parties du monde : des populations entières font face à l’effondrement de leur ville, de leur maison, des lieux saints, où ils avaient l’habitude de sentir, de manière concrète, la proximité de Dieu. Alors que nous étions devant le Mur, je songeais à ceux et celles qui sont dispersés à cause de la violence et du danger de la guerre. Devant ce Mur, j’étais particulièrement consciente du fait que j’étais au Moyen Orient ! Nous étions assez loin de la violence qui menace les pays avoisinants mais assez proche pour ressentir la fragilité de l’endroit, de ses frontières, des relations entre chrétiens, juifs et musulmans, entre le gouvernement et son peuple, entre palestiniens et israéliens… Dans de telles situations, le rétablissement de la paix, et la réconciliation, nous semblent hors d’atteinte.

Dans l’ancien testament, le psalmiste cri vers Dieu :

« Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur. Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, attends le Seigneur, Israël. Oui, près du Seigneur, est l’amour; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes ».

Ce n’est qu’un psaume parmi tant d’autres qui exprime la prière profonde de toute l’humanité vers Dieu. Même Jésus, à l’heure de sa mort, a prononcé les mots du psaume 21, que nous redisons chaque Dimanche des Rameaux, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Malgré la prière puissante du psalmiste, avons-nous raison d’espérer le rétablissement de la paix en Terre Sainte? Au Moyen Orient? En effet, Dieu se montre fidèle à son peuple. Il nous rappelle sa proximité, son amour et sa sollicitude de toute sorte de manière.

Quand le pape François a effectué un pèlerinage en Israël en 2014, il a accompli un geste fort devant le Mur Occidental.  Il était accompagné par des amis proches qu’il avait connu en Argentine, un rabbin et un professeur musulman. Il les a embrassés après avoir prié devant le Mur. Plus tard, il a affirmé plus tard le grand besoin d’amour et de respect entre les personnes de différentes confessions, de travailler ensemble pour « la paix et la justice » et voir en chaque personne un frère ou une sœur.

Il a de plus déposé une prière entre les pierres du mur – une pratique commune pour les pèlerins. La prière du Pape était celle du Notre Père : une prière quotidienne qui nous rappelle que Dieu agi dans notre vie à l’instant présent et nous donne tout ce dont nous avons besoin pour surmonter les défis qui se présentent au jour le jour. Dépasser les divisions est donc un travail qui se fait au jour le jour, qui se construit entre les personnes et dans l’humilité. « Devant le mystère de Dieu, nous sommes tous pauvres », nous dit le Pape.

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