Message Urbi et Orbi du pape François – Pâques 2024

Après la messe du dimanche 31 mars 2024, le pape François a prononcé son habituel message Urbi et Orbi (« à la ville et au monde ») pour Pâques depuis la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre.

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Lisez le texte intégral du message ci-dessous. 

Message Urbi et Orbi de Sa Sainteté le Pape François
Pâques 2024
31 mars 2024

Chers frères et sœurs, Bonnes Pâques !

Aujourd’hui, dans le monde entier, résonne l’annonce partie de Jérusalem il y a deux mille ans : « Jésus de Nazareth, le crucifié, il est ressuscité ! » (Mc 16, 6)

L’Église revit l’étonnement des femmes qui se sont rendues au tombeau à l’aube du premier jour de la semaine. Le tombeau de Jésus avait été fermé par une grosse pierre. Aujourd’hui encore, de lourdes, trop lourdes pierres ferment les espérances de l’humanité : la pierre de la guerre, la pierre des crises humanitaires, la pierre des violations des droits de l’homme, la pierre de la traite des êtres humains, et d’autres encore. Nous aussi, comme les femmes disciples de Jésus, nous nous demandons les uns aux autres : Qui roulera ces pierres ? (cf. Mc 16, 3)

Et voilà la découverte du matin de Pâques : la pierre, cette si grande pierre, a déjà été roulée. L’étonnement des femmes est aussi le nôtre : le tombeau de Jésus est ouvert et il est vide ! C’est là que tout commence. C’est par ce tombeau vide que passe une voie nouvelle, la voie que personne d’autre que Dieu ne pouvait ouvrir : la voie de la vie au milieu de la mort, la voie de la paix au milieu de la guerre, la voie de la réconciliation au milieu de la haine, la voie de la fraternité au milieu de l’inimitié.

Frères et sœurs, Jésus Christ est ressuscité et Lui seul est capable de rouler les pierres qui ferment le chemin vers la vie. Lui-même, le Vivant, est le Voie : la Voie de la vie, de la paix, de la réconciliation, de la fraternité. Il nous ouvre le passage humainement impossible, car Lui seul enlève le péché du monde et pardonne nos péchés. Et sans le pardon de Dieu, cette pierre ne peut être enlevée. Sans le pardon des péchés, on ne sort pas des fermetures, des préjugés, des suspicions mutuelles, des présupposés qui toujours absolvent soi-même et accusent les autres. Seul le Christ ressuscité, en nous donnant le pardon des péchés, ouvre la voie à un monde renouvelé.

Lui seul nous ouvre les portes de la vie, ces portes que nous fermons continuellement avec les guerres qui se répandent dans le monde. Aujourd’hui, nous tournons notre regard tout d’abord vers la ville sainte de Jérusalem, témoin du mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus, et vers toutes les communautés chrétiennes de Terre Sainte.

Ma pensée va d’abord aux victimes des conflits nombreux qui se déroulent dans le monde, à commencer par celui en Israël et en Palestine, et celui en Ukraine. Que le Christ ressuscité ouvre un chemin de paix pour les populations meurtries de ces régions. Tout en appelant au respect des principes du droit international, j’appelle de mes vœux à un échange général de tous les prisonniers entre la Russie et l’Ukraine : tous pour tous !

Par ailleurs, j’appelle une nouvelle fois à ce que l’accès des aides humanitaires à Gaza soit garanti, en exhortant de nouveau à une libération rapide des otages enlevés le 7 octobre, ainsi qu’à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Ne laissons pas les hostilités en cours continuer à toucher gravement la population civile qui est maintenant épuisée, surtout les enfants. Combien de souffrance nous voyons dans les yeux des enfants. Les enfants de ces terres en guerre ont oublié de sourire. Par leurs regards ils nous demandent : pourquoi ? Pourquoi tant de morts ? Pourquoi tant de destructions ? La guerre est toujours une absurdité, la guerre est toujours une défaite ! Ne laissons pas les vents de la guerre souffler toujours plus fort sur l’Europe et sur la Méditerranée. Ne cédons pas à la logique des armes et du réarmement. La paix ne se construit jamais avec des armes, mais en tendant les mains et en ouvrant les cœurs.

Frères et sœurs, n’oublions pas la Syrie qui souffre depuis treize ans des conséquences d’une guerre longue et dévastatrice. Tant de morts, de personnes disparues, tant de pauvreté et de destructions attendent des réponses de la part de chacun, y compris de la Communauté internationale.

Aujourd’hui, mon regard se tourne tout particulièrement vers le Liban qui connaît depuis longtemps un blocage institutionnel et une profonde crise économique et sociale, aujourd’hui aggravée par les hostilités à la frontière avec Israël. Que le Ressuscité réconforte le peuple libanais bien-aimé et soutienne le pays tout entier dans sa vocation à être une terre de rencontre, de coexistence et de pluralisme.

J’adresse une pensée particulière à la région des Balkans occidentaux où des pas importants sont accomplis vers l’intégration dans le projet européen : que les différences ethniques, culturelles et confessionnelles ne soient pas une cause de division, mais deviennent une source de richesse pour l’ensemble de l’Europe et du monde entier.

De même, j’encourage les discussions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan afin que, avec le soutien de la Communauté internationale, ils puissent poursuivre le dialogue, secourir les personnes déplacées, respecter les lieux de culte des différentes confessions religieuses et parvenir le plus rapidement possible à un accord de paix définitif.

Que le Christ ressuscité ouvre un chemin d’espérance pour les personnes qui, dans d’autres parties du monde, souffrent de violences, de conflits, d’insécurité alimentaire, ainsi que des effets du changement climatique. Que le Seigneur réconforte les victimes de toutes les formes de terrorisme. Prions pour tous ceux qui ont perdu la vie et implorons la repentance et la conversion des auteurs de tels crimes.

Que le Ressuscité assiste le peuple haïtien, afin que les violences qui déchirent et ensanglantent le pays cessent au plus vite et que celui-ci puisse progresser sur le chemin de la démocratie et de la fraternité.

Qu’Il réconforte les Rohingyas, touchés par une grave crise humanitaire, et qu’Il ouvre la voie de la réconciliation au Myanmar déchiré par des années de conflits internes, afin que toute logique de violence soit définitivement abandonnée.

Que le Seigneur ouvre des voies de paix sur le continent africain, notamment pour les populations éprouvées au Soudan et dans toute la région du Sahel, dans la Corne de l’Afrique, dans la région du Kivu en République Démocratique du Congo et dans la province du Cap Delgado au Mozambique, et qu’Il mette fin à la situation de sécheresse prolongée qui touche de vastes régions et provoque la pénurie et la famine.

Que le Ressuscité fasse briller sa lumière sur les migrants et sur ceux qui traversent des périodes de difficultés économiques, en leur offrant le réconfort et l’espérance au moment du besoin. Que le Christ guide toutes les personnes de bonne volonté pour qu’elles s’unissent dans la solidarité afin d’affronter ensemble les nombreux défis auxquels sont confrontées les familles les plus pauvres dans leur recherche d’une vie meilleure et du bonheur.

En ce jour où nous célébrons la vie qui nous est donnée dans la résurrection du Fils, rappelons-nous l’amour infini de Dieu pour chacun de nous : un amour qui surmonte toute limite et toute faiblesse. Pourtant, combien le précieux don de la vie est souvent méprisé. Combien d’enfants ne peuvent même pas voir la lumière ? Combien meurent de faim, sont privés des soins essentiels ou sont victimes d’abus et de violences ? Combien de vies sont transformées en marchandises dans le commerce croissant des êtres humains ?

Frères et sœurs, en ce jour où le Christ nous a libérés de l’esclavage de la mort, j’exhorte ceux qui exercent des responsabilités politiques à ne ménager aucun effort pour lutter contre le fléau de la traite des êtres humains, en travaillant sans relâche pour démanteler les réseaux d’exploitation et rendre la liberté à ceux qui en sont les victimes. Que le Seigneur console leurs familles, en particulier celles qui attendent avec anxiété des nouvelles de leurs proches, en leur assurant réconfort et espérance.

Que la lumière de la résurrection illumine nos esprits et convertisse nos cœurs, en nous faisant prendre conscience de la valeur de toute vie humaine qui doit être accueillie, protégée et aimée.

Bonnes Pâques à chacun !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la Veillée pascale 2024

Le samedi 30 mars 2024, le pape François a prononcé l’homélie de la veillée pascale dans la basilique Saint-Pierre.

Il a souligné que la résurrection « est la Pâque du Christ, la révélation de la puissance de Dieu : la victoire de la vie sur la mort, le triomphe de la lumière sur les ténèbres, la renaissance de l’espérance au milieu des ruines de l’échec. »

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Lisez le texte intégral de l’homélie ci-dessous : 

Homélie de Sa Sainteté le Pape François
Veillée Pascale en la nuit Sainte
Basilique Saint-Pierre
30 mars 2024

Les femmes se rendent au tombeau aux premières lueurs du jour, mais elles gardent en elles les ténèbres de la nuit. Bien qu’elles soient en chemin, elles sont encore immobiles : leur cœur est resté au pied de la croix. Encore étourdies par les larmes du Vendredi saint, elles sont paralysées par la douleur, elles sont enfermées dans le sentiment que tout est maintenant fini, qu’une pierre a été posée sur l’histoire de Jésus. C’est justement la pierre qui est au centre de leurs pensées. Elles se demandent : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16, 3). Mais lorsqu’elles arrivent sur place, la force surprenante de Pâques les bouleverse : «  Levant les yeux – dit le texte – elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande » (Mc 16, 4).

Arrêtons-nous, chers frères et sœurs, sur ces deux moments qui nous conduisent à la joie inouïe de Pâques : dans un premier temps, les femmes se demandent avec angoisse qui roulera la pierre ; dans un deuxième temps, levant les yeux, elles voient que la pierre a déjà été roulée.

Tout d’abord – premier temps – il y a la question qui hante leurs cœurs brisés par la douleur : qui roulera la pierre du tombeau pour nous ? Cette pierre représentait la fin de l’histoire de Jésus, enseveli dans la nuit de la mort. Lui, la vie venue dans le monde, il a été tué ; Lui qui a manifesté l’amour miséricordieux du Père, on ne lui a pas fait pitié ; Lui qui a libéré les pécheurs du poids de la condamnation, il a été condamné à la croix. Le Prince de la paix qui avait délivré une femme adultère de la fureur violente des pierres, git enseveli derrière une grosse pierre. Cette pierre, obstacle insurmontable, était le symbole de ce que les femmes portaient dans leur cœur, le point final de leur espérance : tout s’était brisé contre elle, avec le sombre mystère d’une douleur tragique qui avait empêché la réalisation de leurs rêves.

Frères et sœurs, cela peut nous arriver aussi. Nous sentons parfois qu’une pierre tombale a été lourdement placée à l’entrée de notre cœur, étouffant la vie, éteignant la confiance, nous emprisonnant dans le tombeau des peurs et de l’amertume, bloquant le chemin vers la joie et l’espérance. Ce sont des “pierres de la mort”  et nous les rencontrons le long du chemin, dans toutes ces expériences et ces situations qui nous volent l’enthousiasme et la force d’avancer : dans les souffrances qui nous touchent et dans la mort d’êtres chers qui laissent en nous des vides insurmontables ; nous les rencontrons dans les échecs et les peurs qui nous empêchent d’accomplir le bien qui nous tient à cœur ; nous les rencontrons dans toutes les fermetures qui freinent nos élans de générosité et ne nous permettent pas de nous ouvrir à l’amour ; nous les rencontrons dans les murs de caoutchouc de l’égoïsme – ce sont de véritables murs de caoutchouc – égoïsme et indifférence qui repoussent l’engagement à construire des villes et des sociétés plus justes et à taille humaine ; nous les rencontrons dans toutes les aspirations à la paix brisées par la cruauté de la haine et la férocité de la guerre. Lorsque nous vivons ces déceptions, nous avons le sentiment que nombre de rêves sont destinés à être brisés, et nous nous demandons, nous aussi, avec angoisse : qui nous roulera la pierre du tombeau ?

Pourtant, ces mêmes femmes qui avaient les ténèbres dans le cœur témoignent d’une chose extraordinaire : en levant les yeux, elles ont vu que la pierre avait déjà été roulée, alors qu’elle était très grande. Voilà la Pâque du Christ, voici la force de Dieu : la victoire de la vie sur la mort, le triomphe de la lumière sur les ténèbres, la renaissance de l’espérance dans les décombres de l’échec. C’est le Seigneur, le Dieu de l’impossible, qui a roulé pour toujours la pierre et commencé à ouvrir nos cœurs, pour que l’espérance n’ait pas de fin. C’est donc vers Lui que nous devons, nous aussi, lever les yeux.

Et alors – deuxième temps – : levons nos yeux vers Jésus. Après avoir assumé notre humanité, il est descendu dans les abîmes de la mort et les a traversés par la puissance de sa vie divine, ouvrant une brèche de lumière infinie pour chacun. Ressuscité par le Père dans sa chair, dans notre chair, par la force de l’Esprit Saint, il a ouvert une page nouvelle pour le genre humain. Dès lors, si nous laissons Jésus nous prendre par la main, aucune expérience d’échec et de douleur, aussi douloureuse soit-elle, ne peut avoir le dernier mot sur le sens et le destin de notre vie. Désormais, si nous nous laissons saisir par le Ressuscité, aucune défaite, aucune souffrance, aucune mort ne pourra arrêter notre marche vers la plénitude de la vie. Dorénavant, « nous, chrétiens, nous disons que cette histoire … a un sens, un sens qui embrasse toute chose, un sens qui n’est plus corrompu par des absurdités et des obscurités … un sens que nous appelons Dieu … C’est vers Lui que confluent toutes les eaux de notre transformation ; elles ne s’enfoncent pas dans les abîmes du néant et de l’absurde … parce que son tombeau est vide et que Lui, qui était mort, s’est montré comme le vivant » (K. RAHNER, Qu’est-ce que la Résurrection ? Méditations sur le Vendredi saint et Pâques, Brescia 2005, 33-35).

Frères et sœurs, Jésus est notre Pâque, Il est Celui qui nous fait passer des ténèbres à la lumière, qui s’est lié à nous pour toujours et nous sauve des abîmes du péché et de la mort, nous entraînant dans la ruée lumineuse du pardon et de la vie éternelle. Frères et sœurs, levons les yeux vers Lui, accueillons Jésus, le Dieu de la vie, dans nos vies, renouvelons-Lui notre “oui” aujourd’hui, et aucune pierre ne pourra étouffer nos cœurs, aucune tombe ne pourra enfermer la joie de vivre, aucun échec ne pourra nous condamner au désespoir. Frères et sœurs, levons les yeux vers Lui et demandons-Lui que la puissance de sa résurrection fasse rouler les pierres qui oppressent nos âmes. Levons les yeux vers Lui, le Ressuscité, et marchons avec la certitude que, sur le fond obscur de nos attentes et de nos morts, se trouve déjà la vie éternelle qu’Il est venu apporter.

Sœur, frère, que ton cœur explose de joie en cette nuit sainte, en cette nuit sainte! chantons ensemble la résurrection de Jésus : « Chantez, chantez-le tous, fleuves et plaines, déserts et montagnes… chantez le Seigneur de la vie qui sort du tombeau, plus brillant que mille soleils. Peuples brisés par le mal et meurtris par l’injustice, peuples sans place, peuples martyrs, chassez en cette nuit les chantres du désespoir. L’homme des douleurs n’est plus en prison : il a ouvert une brèche dans la muraille, il se hâte de venir à vous. Que le cri inattendu s’élève dans les ténèbres : il est vivant, il est ressuscité ! Et vous, frères et sœurs, petits et grands … vous qui êtes dans la misère, vous qui vous sentez indignes de chanter … une flamme nouvelle traverse votre cœur, une fraîcheur nouvelle imprègne votre voix. C’est la Pâque du Seigneur – frères et sœurs – c’est la fête des vivants » (J-Y. QUELLEC, Dieu face nord, Ottignies 1998, 85-86).

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe Chrismale du Jeudi Saint 2024

Le jeudi saint 28 mars 2024, le pape François a prononcé l’homélie de la messe chrismale annuelle à la basilique Saint-Pierre. Cette messe spéciale, célébrée dans les cathédrales du monde entier, est l’occasion pour chaque évêque de consacrer les huiles saintes qui seront utilisées tout au long de l’année dans son diocèse et pour les prêtres de renouveler leurs vœux. P

Lisez le texte intégral ci-dessous. 

Homélie de Sa Sainteté le Pape François
Messe chrismale
Jeudi Saint
28 mars 2024

« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui » (Lc 4, 20). Ce passage de l’Évangile est toujours frappant, il nous permet de visualiser la scène d’imaginer ce moment de silence où tous les regards étaient fixés sur Jésus, dans un mélange d’étonnement et de méfiance. Nous savons cependant comment cela s’est terminé : après que Jésus eut démasqué les fausses attentes de ses compatriotes, ceux-ci « devinrent furieux » (Lc 4, 28), sortirent et le chassèrent hors de la ville. Leurs yeux s’étaient fixés sur Jésus, mais leurs cœurs n’étaient pas disposés à changer sur sa parole. Ils ont ainsi perdu la chance de leur vie.

Mais ce soir, Jeudi saint, un autre croisement de regards a lieu. Le protagoniste est le premier pasteur de notre Église, Pierre. Au début, lui non plus ne s’est pas fié à la parole “démasquante” que le Seigneur lui a adressée : « Tu m’auras renié trois fois » (Mc 14, 30). Il a ainsi “perdu de vue” Jésus et l’a renié au chant du coq. Mais ensuite, quand « le Seigneur, se retournant, posa son regard sur » lui, celui-ci « se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite […] Il sortit et, dehors, pleura amèrement » (Lc 22, 61-62). Ses yeux furent inondés de larmes qui jaillirent d’un cœur blessé, le libérant des fausses convictions et justifications. Ses larmes amères ont changé sa vie.

Les paroles et les gestes de Jésus, pendant des années, n’avaient pas fait dévier Pierre de ses attentes qui étaient semblables à celles des habitants de Nazareth. Lui aussi attendait un Messie politique et puissant, fort et décidé, et face au scandale d’un Jésus faible, arrêté sans opposer de résistance, il déclara : « Non, je ne le connais pas ! » (Lc 22, 57). Et c’est vrai, il ne le connaissait pas. Il a commencé à le connaître quand, dans l’obscurité du reniement, il a fait place aux larmes de la honte, aux larmes du repentir. Et il le connaîtra vraiment quand, « peiné parce que, pour la troisième fois, Jésus lui demandait : “M’aimes-tu ?” », il se laissera pleinement traverser par le regard de Jésus. Alors du « non, je ne le connais pas ! », il passera au : « Seigneur, toi, tu sais tout » (Jn 21, 17).

Chers frères prêtres, la guérison du cœur de Pierre, la guérison de l’Apôtre, la guérison du pasteur a lieu lorsque, blessé et repentant, on se laisse pardonner par Jésus : elle passe par les larmes, les pleurs amers, la douleur qui nous permet de redécouvrir l’amour. C’est pourquoi je souhaite partager avec vous quelques réflexions sur un aspect plutôt négligé – mais essentiel – de la vie spirituelle. Je vous le propose aujourd’hui avec un mot peut-être désuet, mais qu’il est bon je crois de redécouvrir : la componction.

Le mot évoque la piqûre : la componction est une “piqûre au cœur”, une perforation qui le blesse, faisant couler les larmes du repentir. Un épisode concernant encore saint Pierre nous aide. Transpercé par le regard et par les paroles de Jésus ressuscité, le jour de la Pentecôte, purifié et embrasé par l’Esprit, il proclame aux habitants de Jérusalem : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. » (cf. Ac 2, 36). Les auditeurs ressentent à la fois le mal qu’ils ont fait et le salut que le Seigneur leur accorde, et « en entendant ces choses – dit le texte – ils furent touchés au cœur » (Ac 2, 37).

Voici la componction : elle n’est pas un sentiment de culpabilité qui abat, ni un scrupule qui paralyse, mais elle est une piqûre salutaire qui brûle à l’intérieur et guérit, parce que le cœur, lorsqu’il voit son mal et se reconnaît pécheur, s’ouvre, accueille l’action de l’Esprit Saint, eau vive qui l’émeut et fait couler des larmes sur son visage. Celui qui jette le masque et laisse Dieu regarder dans son cœur reçoit le don de ces larmes, les eaux les plus saintes après celles du baptême. [1] Chers frères prêtres, je vous souhaite cela aujourd’hui.

Il faut cependant bien comprendre ce que signifie pleurer sur nous-mêmes. Il ne s’agit pas de nous pleurer dessus, comme nous sommes souvent tentés de le faire. C’est le cas, par exemple, lorsque nous sommes déçus ou inquiets à cause de nos attentes qui ont échoué, du manque de compréhension des autres, peut-être des confrères et des supérieurs. Ou bien lorsque, par un étrange et malsain plaisir de l’âme, nous aimons ressasser les torts que nous avons reçus pour nous apitoyer sur notre sort, en pensant n’avoir pas reçu ce que nous méritions et en imaginant que l’avenir ne peut que nous réserver de continuelles surprises négatives. Cela – enseigne saint Paul – c’est la tristesse selon le monde, opposée à la tristesse selon Dieu. [2]

Pleurer sur nous-mêmes, au contraire, c’est nous repentir sérieusement d’avoir attristé Dieu avec le péché ; c’est reconnaître que nous sommes toujours en dette et jamais en crédit ; c’est admettre que nous avons perdu le chemin de la sainteté, n’ayant pas su garder la foi en l’amour de Celui qui a donné sa vie pour nous. [3] C’est regarder en moi-même et regretter mon ingratitude et mon inconstance ; c’est réfléchir avec tristesse sur ma duplicité et mes mensonges ; c’est descendre dans les méandres de mon hypocrisie, l’hypocrisie cléricale, chers frères, cette hypocrisie dans laquelle beaucoup, beaucoup tombent… Faites attention à l’hypocrisie cléricale. Pour ensuite, à partir de là, lever le regard vers le Crucifié et me laisser émouvoir par son amour qui pardonne toujours et relève, qui ne déçoit jamais les attentes de ceux qui se confient en Lui. Ainsi les larmes continuent à couler et purifient le cœur.

La componction, en effet, demande un effort mais redonne la paix ; elle ne provoque pas d’angoisse mais soulage l’âme de ses fardeaux parce qu’elle agit dans la blessure du péché, en nous disposant à y recevoir la caresse du Seigneur qui transforme le cœur quand il est « brisé et broyé » (Ps 51, 19), adouci par les larmes. La componction est donc l’antidote à la sclérocardie, cette dureté du cœur tant dénoncée par Jésus (cf. Mc 3, 5 ; 10, 5). Le cœur, en effet, sans repentir et sans pleurs, se raidit : il devient d’abord routinier, puis insouciant aux problèmes et indifférent aux personnes, puis froid et presque impassible, comme enveloppé d’une coque incassable, et finalement un cœur de pierre. Mais, comme la goutte creuse la pierre, les larmes creusent lentement les cœurs endurcis. On assiste ainsi au miracle de la tristesse, de la bonne tristesse qui conduit à la douceur.

Nous comprenons alors pourquoi les maîtres spirituels insistent sur la componction. Saint Benoît invite à « confesser chaque jour à Dieu dans la prière ses fautes passées avec larmes et gémissements » [4], et il affirme qu’en priant, « ce n’est pas dans un flot de paroles mais dans la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés ». [5] Et si, pour saint Jean Chrysostome, une seule larme éteint un brasier de fautes, [6] l’ Imitation du Christ recommande : « Disposez votre coeur à la componction », car « à cause de la légèreté de notre coeur et de l’insouciance de nos défauts, souvent nous ne sentons pas les maux de notre âme ». [7] La componction est le remède parce qu’elle nous ramène à la vérité sur nous-mêmes, de sorte que la profondeur de notre être de pécheurs révèle la réalité infiniment plus grande de notre être de pardonnés, la joie d’être pardonné. L’affirmation d’Isaac de Ninive n’est donc pas surprenante : « Celui qui oublie la mesure de ses propres péchés, oublie la mesure de la grâce de Dieu à son égard ». [8]

Certes, chers frères et sœurs, toute renaissance intérieure naît toujours de la rencontre entre notre misère et sa miséricorde – notre misère et sa miséricorde se rencontrent -, toute renaissance intérieure passe par notre pauvreté d’esprit qui permet à l’Esprit Saint de nous enrichir. On comprend dans cette lumière les affirmations fortes de nombre de maîtres spirituels. Pensons à celles, paradoxales, de saint Isaac : « Celui qui connaît ses propres péchés […] est plus grand que celui qui, par la prière, ressuscite les morts. Celui qui pleure une heure sur lui-même est plus grand que celui qui sert le monde entier par la contemplation […]. Celui à qui il est donné de se connaître lui-même est plus grand que celui à qui il est donné de voir les anges ». [9]

Frères, venons-en à nous, prêtres, et demandons-nous combien la componction et les larmes sont présentes dans notre examen de conscience et dans notre prière. Demandons-nous si, avec les années, les larmes augmentent. À cet égard, il est bon que le contraire se produise par rapport à la vie biologique, où, quand on grandit, on pleure moins que lorsqu’on est enfant. Dans la vie spirituelle, en revanche, où il est important de devenir un enfant (cf. Mt 18, 3), celui qui ne pleure pas régresse, il vieillit intérieurement tandis que celui qui parvient à une prière plus simple et plus intime, faite d’adoration et d’émotion devant Dieu ; celui-là mûrit. Il s’attache de moins en moins à lui-même et de plus en plus au Christ, et devient pauvre en esprit. Il se sent ainsi plus proche des pauvres, les bien-aimés de Dieu, qu’auparavant – comme l’écrit saint François dans son testament – il tenait à l’écart parce qu’il était dans le péché, mais dont la compagnie d’amère qu’elle était devient douce. [10] Ainsi, celui qui a de la componction dans le cœur se sent de plus en plus frère de tous les pécheurs du monde, il se sent davantage frère, sans aucun sentiment de supériorité ou de dureté de jugement, mais toujours avec le désir d’aimer et de réparer.

Et cela, chers frères est une autre caractéristique de la componction : la solidarité. Un cœur docile, animé de l’esprit des Béatitudes, devient naturellement enclin à la componction pour les autres : au lieu de se mettre en colère et de se scandaliser du mal fait par ses frères, il pleure leurs péchés. Il ne se scandalise pas. Il se produit une sorte de renversement. La tendance naturelle à être indulgent avec soi-même et inflexible avec les autres s’inverse et, par la grâce de Dieu, on devient ferme avec soi-même et miséricordieux avec les autres. Et le Seigneur recherche, surtout parmi ceux qui Lui sont consacrés, ceux qui pleurent les péchés de l’Église et du monde, en se faisant instrument d’intercession pour tous. Combien de témoins héroïques dans l’Église nous montrent cette voie ! Pensons aux moines du désert, en Orient et en Occident ; à l’intercession continue, faite de gémissements et de larmes, de saint Grégoire de Narek ; à l’offrande franciscaine pour l’Amour non aimé ; aux prêtres, comme le Curé d’Ars, qui ont vécu de pénitence pour le salut des autres. Chers frères, ce n’est pas de la poésie, c’est le sacerdoce !

Chers frères, à nous, ses pasteurs, le Seigneur ne demande pas de jugements méprisants à l’endroit de ceux qui ne croient pas, mais de l’amour et des larmes pour ceux qui sont loin. Les situations difficiles que nous voyons et que nous vivons, le manque de foi, les souffrances que nous touchons qui, au contact d’un cœur en componction, ne suscitent pas la fermeté dans la polémique, mais la persévérance dans la miséricorde. Combien nous avons besoin d’être libérés de la dureté et des récriminations, des égoïsmes et des ambitions, des rigidités et des insatisfactions, pour nous abandonner à Dieu, se confier et trouver en Lui une paix qui sauve de toute tempête! Adorons, intercédons et pleurons pour les autres : nous permettrons au Seigneur de faire des merveilles. Et n’ayons pas peur : Il nous surprendra !

Notre ministère en bénéficiera. Aujourd’hui, dans une société sécularisée, nous courons le risque d’être très actifs et en même temps de nous sentir impuissants, avec le résultat de perdre l’enthousiasme avec la tentation de “baisser les bras”, de nous enfermer dans la plainte et de laisser la grandeur des problèmes l’emporter sur la grandeur de Dieu. Nous devenons alors amers et irritables, toujours à dire du mal, toujours à trouver une occasion pour nous plaindre. Mais si, au contraire, l’amertume et la componction portent sur notre propre cœur et non pas sur le monde, le Seigneur ne manquera pas de nous visiter et de nous relever. Comme nous y exhorte l’Imitation du Christ : « N’attire pas à toi les affaires des autres, et ne t’embarrasse pas dans celles des grands. Aie toujours l’œil sur toi d’abord, et reprends-toi particulièrement toi-même, de préférence à tes meilleurs amis. Si tu n’as pas la faveur des hommes, garde-toi de t’en attrister ; mais que ta peine soit de ne pas avoir dans ta vie cette sagesse, cette circonspection qui conviendrait à un serviteur de Dieu ». [11]

Enfin, je voudrais souligner un aspect essentiel : la componction n’est pas tant le fruit de notre exercice, mais elle est une grâce et, comme telle, elle doit être demandée dans la prière. La repentance est un don de Dieu, elle est le fruit de l’action de l’Esprit Saint. Pour faciliter sa croissance, je partage deux petits conseils. Le premier est de ne pas regarder la vie et l’appel dans une perspective d’efficacité et d’immédiateté, liée seulement à aujourd’hui et à ses urgences et attentes, mais dans l’ensemble du passé et de l’avenir. Du passé, en rappelant la fidélité de Dieu – Dieu est fidèle –, en se souvenant de son pardon, en s’ancrant dans son amour ; et de l’avenir, en pensant au but éternel auquel nous sommes appelés, à la fin dernière de notre existence. Élargir les horizons, chers frères, élargir les horizons aide à dilater le cœur, stimule à rentrer en soi avec le Seigneur et à vivre la componction. Un deuxième conseil qui en découle : redécouvrir la nécessité de nous consacrer à une prière qui ne soit pas due et fonctionnelle, mais gratuite, calme et prolongée. Frère comment est ta prière ? Revenir à l’adoration – as-tu oublié d’adorer ?-, revenir à la prière du cœur. Répétons : Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Ressentons la grandeur de Dieu dans notre petitesse de pécheurs, afin de regarder en nous-mêmes et de nous laisser traverser par son regard. Redécouvrons la sagesse de notre Sainte Mère l’Église qui nous introduit dans la prière avec toujours l’invocation du pauvre qui crie : Dieu viens à mon aide.

Bien aimés, revenons enfin à saint Pierre et à ses larmes. L’autel placé sur son tombeau ne peut que nous faire penser à combien de fois, nous qui disons chaque jour « Prenez et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous », nous décevons et attristons Celui qui nous aime au point de faire de nos mains les instruments de sa présence. Il est donc bon de faire nôtres les paroles avec lesquelles nous nous préparons à voix basse : « Le cœur humble et contrit, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous », et encore : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur, et purifie-moi de mon péché ». Frères, la certitude que nous a donnée aujourd’hui la Parole nous console en toutes choses: le Seigneur, consacré par l’onction (cf. Lc 4, 18), est venu « guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Is 61, 1). Alors, si le cœur est brisé, il peut être pansé et guéri par Jésus. Merci, chers prêtres, merci pour vos cœurs ouverts et dociles ; merci pour vos peines et merci pour vos larmes ; merci parce que vous apportez la merveille de la miséricorde – pardonnez toujours, soyez miséricordieux – ; et apportez cette miséricorde, apportez Dieu aux frères et aux sœurs de notre temps. Chers prêtres, que le Seigneur vous réconforte, vous confirme et vous récompense. Merci.

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[1] « L’Église a de l’eau et des larmes : l’eau du baptême, les larmes de la pénitence ». (S. Ambroise, Epistula extra collectionem, I, 12).

[2] « Une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort » ( 2 Cor 7, 10).

[3] Cf. S. Jean Chrisostome, De compunctione, I, 10.

[4] Règle, IV, 57.

[5] Ivi, XX, 3.

[6] Cf. De paenitentia. VII, 5.

[7] Chap. XXI

[8] Discours acétiques (III Coll.), XII.

[9] Discours acétiques (I Coll.), XXXV (vers. grecque).

[10] Cf. FF 110.

[11] Chap XXI.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Jésus ressuscité visite sa mère

Après sa résurrection, qui Jésus est-il allé voir en premier ? Nous savons que lorsque Pierre et Jean sont arrivés au tombeau, Jésus n’était pas. Où est-il allé ? Plusieurs saints au cours des siècles ont dit qu’il était probablement allé voir sa mère, Marie. Nous pouvons imaginer la scène. Quel étaient les sentiments de Marie ce matin-là ? Était-elle écrasée par le chagrin du Vendredi saint ? Gardait-elle l’espoir que son Fils ressusciterait d’entre les morts ?

Imagine la chambre dans laquelle elle se trouvait, à Jérusalem. Est-ce qu’elle a pu dormir la nuit ? Tout à coup, au petit matin, Jésus entre à nouveau dans la vie de Marie. Il est ressuscité. Ses mains portent maintenant les blessures de la Croix, mais c’est le même Jésus qu’elle a toujours connu, maintenant glorifié. Il sourit à sa Mère avec douceur et tendresse, plein d’amour. La joie et l’espérance naissent de nouveau dans le cœur de Marie. Son Fils est vraiment ressuscité et elle a l’impression qu’elle aussi est revenue à la vie. Marie, Mère de Jésus ressuscité, fais-nous ressentir la joie de la résurrection avec toi.

Le moment où Jésus est ressuscité

As-tu déjà imaginé le moment où Jésus est ressuscité d’ntre les morts ? Les évangiles ne nous disent rien à propos du moment même où a eu lieu la résurrection du Christ. Nous savons que les disciples ont trouvé le tombeau vide le dimanche de Pâques. Mais comment était le moment où Jésus est revenu à la vie, où son corps est passé de la mort à une vie nouvelle, glorifiée ?

Imagine la sensation qui est revenue dans ses doigts et ses orteils. Imagine ses yeux s’ouvrir. Imagine Jésus regarder ses mains et son côté, qui portent désormais ses plaies devenues glorieuses. Imagine la pierre roulée. Imagine Jésus s’asseoir, se lever et sortir dans le jardin. Peut-être que cela s’est passé au cœur de la nuit. Ou peut-être que c’était à l’aube, alors que les premières lueurs du jour nouveau apparaissaient à l’horizon.

Imagine la brise matinale caressant le visage de Jésus. Y avait-il des oiseaux qui chantaient à ce moment-là ? Imagine ce que le Christ a dû ressentir, ce qu’il a dû penser, vivant à nouveau, revenu à la vie pour être notre Sauveur – ressuscité pour nous faire sortir de la mort avec lui. Jésus, viens remplir nos vies de la puissance et de l’émerveillement de ta résurrection. Viens nous réveillez au cœur de notre nuit. Vivifie-nous par ta vie nouvelle. Amen.

Veillée Pascale: Homélie du Pape François

Le samedi 31 mars 2018, le Saint Père a présidé la Veillée Pascale à la basilique Saint-Pierre. Voici le texte de l’homélie qu’il a prononcé lors de la célébration:

Nous avons commencé cette célébration à l’extérieur, immergés dans l’obscurité de la nuit et dans le froid qui l’accompagne. Nous sentons le poids du silence devant la mort du Seigneur, un silence dans lequel chacun de nous peut se reconnaître et qui descend profondément dans les replis du cœur du disciple qui, devant la croix, reste sans parole.

Ce sont les heures du disciple, sans voix devant la douleur engendrée par la mort de Jésus: que dire devant une telle réalité ? Le disciple qui reste sans voix prenant conscience de ses propres réactions durant les heures cruciales de la vie du Seigneur : devant l’injustice qui a condamné le Maître, les disciples ont fait silence ; devant les calomnies et le faux témoignage subi par le Maître, les disciples se sont tus. Durant les heures difficiles et douloureuses de la Passion, les disciples ont fait l’expérience de manière dramatique de leur incapacité à prendre un risque et à parler en faveur du Maître ; de plus, ils l’ont renié, ils se sont cachés, ils ont fui, ils sont restés muets (cf. Jn 18, 25- 27).

C’est la nuit du silence du disciple qui se trouve transi et paralysé, sans savoir où aller face à tant de situations douloureuses qui l’oppriment et l’entourent. C’est le disciple d’aujourd’hui, sans voix devant une réalité qui s’impose à lui, lui faisant sentir et, ce qui est pire, croire qu’on ne peut rien faire pour vaincre tant d’injustices que nombre de nos frères vivent dans leur chair.

C’est le disciple étourdi parce qu’immergé dans une routine accablante qui le prive de la mémoire, qui fait taire l’espérance et l’habitue au “on a toujours fait ainsi”. C’est le disciple sans voix et enténébré qui finit par s’habituer et par considérer normale l’expression de Caïphe : « Vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas » (Jn 11, 50)

Et au milieu de nos silences, quand nous nous taisons de manière si accablante, alors les pierres commencent à crier (cf. Lc 19, 40) et à laisser la place à la plus grande annonce que l’histoire ait jamais pu contenir dans son sein : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité » (Mt 28, 6). La pierre du tombeau a crié et par son cri, elle a annoncé à tous un nouveau chemin. Ce fut la création la première à se faire l’écho du triomphe de la Vie sur toutes les réalités qui chercheront à faire taire et à museler la joie de l’Evangile. Ce fut la pierre du tombeau la première à sauter et, à sa manière, à entonner un chant de louange et d’enthousiasme, de joie et d’espérance auquel nous sommes tous invités à prendre part.

Et si hier, avec les femmes, nous avons contemplé « celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37 ; cf. Za 12, 10), aujourd’hui avec elles nous sommes appelés à contempler la tombe vide et à écouter les paroles de l’ange : « Vous, soyez sans crainte ! […] Il est ressuscité » (Mt 28, 5-6). Paroles qui veulent atteindre nos convictions et nos certitudes les plus profondes, nos manières de juger et d’affronter les événements quotidiens ; spécialement notre manière d’entrer en relation avec les autres. Le tombeau vide veut défier, secouer, interroger, mais surtout il veut nous encourager à croire et à avoir confiance que Dieu “vient” dans toute situation, dans toute personne, et que sa lumière peut arriver dans les coins les plus imprévisibles et les plus fermés de l’existence. Il est ressuscité de la mort, il est ressuscité du lieu dont personne n’attendait rien et il nous attend – comme il attendait les femmes – pour nous rendre participants de son œuvre de salut. Voilà le fondement et la force que nous avons comme chrétiens pour répandre notre vie et notre énergie, notre intelligence, nos affections et notre volonté dans la recherche et spécialement dans le fait de produire des chemins de dignité. Il n’est pas ici… Il est ressuscité ! C’est l’annonce qui soutient notre espérance et la transforme en gestes concrets de charité. Comme nous avons besoin de faire en sorte que notre fragilité soit marquée de cette expérience ! Comme nous avons besoin que notre foi soit renouvelée, que nos horizons myopes soient remis en question et renouvelés par cette annonce ! Il est ressuscité et avec Lui ressuscite notre espérance créative pour affronter les problèmes actuels, parce que nous savons que nous ne sommes pas seuls.

Célébrer Pâques signifie croire de nouveau que Dieu fait irruption et ne cesse de faire irruption dans nos histoires, défiant nos déterminismes uniformisants et paralysants. Célébrer Pâques signifie faire en sorte que Jésus soit vainqueur de cette attitude lâche qui tant de fois, nous assiège et cherche à ensevelir tout type d’espérance.

La pierre du tombeau a fait sa part, les femmes ont fait leur part, maintenant l’invitation est adressée encore une fois à vous et à moi : invitation à rompre avec les habitudes répétitives, à renouveler notre vie, nos choix et notre existence. Une invitation qui nous est adressée là où nous nous trouvons, dans ce que nous faisons et ce que nous sommes ; avec la “part de pouvoir” que nous avons. Voulons-nous participer à cette annonce de vie ou resterons-nous muets devant les événements ?

Il n’est pas ici, il est ressuscité ! Et il t’attend en Galilée, il t’invite à retourner au temps et au lieu du premier amour pour te dire : “ N’aies pas peur, suis-moi”.

Message de Pâques 2018 du Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada

Vous trouverez ci-dessous le Message de pâques 2018 de Mgr Lionel Gendron, P.S.S., évêque de Saint-Jean-Longueuil et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada:

Au Canada, la célébration de Pâques, qui coïncide avec l’arrivée du printemps, est toujours remplie d’un sentiment de vie nouvelle. Alors que nous commençons à nous défaire de nos manteaux d’hiver et de nos bottes, les jours rallongent, le soleil devient plus chaud et la vie nouvelle abonde avec les arbres qui bourgeonnent et les plantes qui commencent à pousser.

Mais qu’est au juste la vie nouvelle qui nous remplit de la joie pascale? En fait, c’est une vie nouvelle enracinée profondément dans l’expérience de notre réconciliation avec Dieu par la mort et la résurrection du Christ. Tout ce qui pouvait nous séparer de Dieu a été enlevé, détruit, et par cette réconciliation, nous avons obtenu la libération des ténèbres du péché et de la mort. Nous sommes libérés, capables de rejeter ce qui nous rend esclaves afin de nous plonger dans l’étreinte d’amour universel de notre Dieu.

Mais la vie nouvelle pascale nous demande davantage. Pâques nous rappelle qu’alors même que nous célébrons notre réconciliation avec Dieu, nous sommes appelés à nous réconcilier avec nos frères et sœurs, dans nos familles, dans nos paroisses, dans nos communautés et dans le monde. Nous sommes appelés à partager notre joie pascale en faisant la paix avec notre prochain.

Le pape François, dans une homélie à la population de Villavicencio, en Colombie, a dit : « Tout effort de paix sans un engagement sincère de réconciliation sera toujours voué à l’échec. » Il a ajouté : « Se réconcilier, c’est ouvrir une porte à toutes les personnes et à chaque personne, qui ont vécu la réalité dramatique du conflit. »

Plus tôt cette année, j’ai eu le privilège de participer à la Coordination de la Terre Sainte avec d’autres évêques du monde entier.  Nous avons rencontré beaucoup de jeunes dont la vie est durement marquée par un conflit dont ils ont hérité malgré eux. Pendant nos conversations avec eux, il est apparu très clairement que ces jeunes désirent un nouveau genre de relations les uns avec les autres. Cela est évident dans les nombreuses initiatives dans lesquelles les jeunes s’engagent pour promouvoir le dialogue et établir la justice, la paix et la réconciliation dans leur vie et dans les communautés au milieu desquelles ils vivent.

Un parfait exemple fut la rencontre de deux jeunes membres d’un groupe appelé « Cercle parents-famille ». Ils nous ont raconté leur expérience, comment à la suite du meurtre d’une jeune palestinienne par un Israélien et de la mort d’une jeune israélienne lors d’un attentat-suicide à la bombe par un palestinien, les parents des familles des deux jeunes tuées ont choisi de  ne pas se haïr les uns les autres. Ensuite ils ont appris à leurs enfants à ne pas se haïr et ces deux jeunes sont devenus de grands amis, des exemples vivants de ce que nous voulons dire par la volonté de réconciliation même au milieu d’une tragédie et d’un deuil profonds. Les familles ont compris la conséquence tragique des conflits, ont répondu avec amour et ont lancé le Cercle parents-familles. Voilà ce que c’est que la réconciliation.

Ici au Canada, nous sommes vivement conscients de l’appel à nous réconcilier avec les peuples autochtones. Nous reconnaissons le besoin de cette réconciliation comme première étape, et nous cherchons des moyens pour la réaliser par l’écoute et le dialogue dans des organismes comme le Cercle Notre-Dame-de-Guadalupe et le Conseil autochtone. Ce processus sera long et il exige foi, sincérité du cœur et engagement pour une paix durable.

Nous vivons dans un monde trop souvent marqué par les divisions. On a tendance à dénigrer l’« autre » et à nourrir des soupçons contre l’« étranger ». Nous sommes appelés à reconnaitre notre humanité commune, à reconnaitre que nous sommes tous frères et sœurs créés à l’image de Dieu.

Une fois réconciliés avec Dieu par la mort et la résurrection du Christ, nous sommes appelés à chercher la réconciliation avec les autres. La paix entre nous sera un signe de la véritable joie pascale!

+Lionel Gendron, P.S.S.
Évêque de Saint-Jean-Longueuil et
Président de la Conférence des évêques
catholiques du Canada

Pâques 2018

Message du pape François pour le Carême 2018

CNS photo/Max Rossi, Reuters

Vous trouverez ci-dessous le texte du Message du pape François pour le Carême 2018:

« À cause de l’ampleur du mal,
la charité de la plupart des hommes se refroidira »
(Mt 24, 12)

Chers Frères et Sœurs,

La Pâque du Seigneur vient une fois encore jusqu’à nous ! Chaque année, pour nous y préparer, la Providence de Dieu nous offre le temps du Carême. Il est le « signe sacramentel de notre conversion »[1], qui annonce et nous offre la possibilité de revenir au Seigneur de tout notre cœur et par toute notre vie.

Cette année encore, à travers ce message, je souhaite inviter l’Eglise entière à vivre ce temps de grâce dans la joie et en vérité ; et je le fais en me laissant inspirer par une expression de Jésus dans l’Évangile de Matthieu : « À cause de l’ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira » (24, 12). Cette phrase fait partie du discours sur la fin des temps prononcé à Jérusalem, au Mont des Oliviers, précisément là où commencera la Passion du Seigneur. Jésus, dans sa réponse à l’un de ses disciples, annonce une grande tribulation et il décrit la situation dans laquelle la communauté des croyants pourrait se retrouver : face à des évènements douloureux, certains faux prophètes tromperont beaucoup de personnes, presqu’au point d’éteindre dans les cœurs la charité qui est le centre de tout l’Évangile.

Les faux prophètes

Mettons-nous à l’écoute de ce passage et demandons-nous : sous quels traits ces faux prophètes se présentent-ils ? Ils sont comme des « charmeurs de serpents », c’est-à-dire qu’ils utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré. Que d’enfants de Dieu se laissent séduire par l’attraction des plaisirs fugaces confondus avec le bonheur ! Combien d’hommes et de femmes vivent comme charmés par l’illusion de l’argent, qui en réalité les rend esclaves du profit ou d’intérêts mesquins ! Que de personnes vivent en pensant se suffire à elles-mêmes et tombent en proie à la solitude !

D’autres faux prophètes sont ces « charlatans » qui offrent des solutions simples et immédiates aux souffrances, des remèdes qui se révèlent cependant totalement inefficaces : à combien de jeunes a-t-on proposé le faux remède de la drogue, des relations « use et jette », des gains faciles mais malhonnêtes ! Combien d’autres encore se sont immergés dans une vie complètement virtuelle où les relations semblent plus faciles et plus rapides pour se révéler ensuite tragiquement privées de sens ! Ces escrocs, qui offrent des choses sans valeur, privent par contre de ce qui est le plus précieux : la dignité, la liberté et la capacité d’aimer. C’est la duperie de la vanité, qui nous conduit à faire le paon…. pour finir dans le ridicule ; et du ridicule, on ne se relève pas. Ce n’est pas étonnant : depuis toujours le démon, qui est « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), présente le mal comme bien, et le faux comme vrai, afin de troubler le cœur de l’homme. C’est pourquoi chacun de nous est appelé à discerner en son cœur et à examiner s’il est menacé par les mensonges de ces faux prophètes. Il faut apprendre à ne pas en rester à l’immédiat, à la superficialité, mais à reconnaître ce qui laisse en nous une trace bonne et plus durable, parce que venant de Dieu et servant vraiment à notre bien.

Un cœur froid

Dans sa description de l’enfer, Dante Alighieri imagine le diable assis sur un trône de glace[2] ; il habite dans la froidure de l’amour étouffé. Demandons-nous donc : comment la charité se refroidit-elle en nous ? Quels sont les signes qui nous avertissent que l’amour risque de s’éteindre en nous?

Ce qui éteint la charité, c’est avant tout l’avidité de l’argent, « la racine de tous les maux » (1Tm 6, 10) ; elle est suivie du refus de Dieu, et donc du refus de trouver en lui notre consolation, préférant notre désolation au réconfort de sa Parole et de ses Sacrements.[3] Tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes.

La création, elle aussi, devient un témoin silencieux de ce refroidissement de la charité : la terre est empoisonnée par les déchets jetés par négligence et par intérêt ; les mers, elles aussi polluées, doivent malheureusement engloutir les restes de nombreux naufragés des migrations forcées ; les cieux – qui dans le dessein de Dieu chantent sa gloire – sont sillonnés par des machines qui font pleuvoir des instruments de mort.

L’amour se refroidit également dans nos communautés. Dans l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, j’ai tenté de donner une description des signes les plus évidents de ce manque d’amour. Les voici : l’acédie égoïste, le pessimisme stérile, la tentation de l’isolement et de l’engagement dans des guerres fratricides sans fin, la mentalité mondaine qui conduit à ne rechercher que les apparences, réduisant ainsi l’ardeur missionnaire.[4]

Que faire ?

Si nous constatons en nous-mêmes ou autour de nous les signes que nous venons de décrire, c’est que l’Eglise, notre mère et notre éducatrice, nous offre pendant ce temps du Carême, avec le remède parfois amer de la vérité, le doux remède de la prière, de l’aumône et du jeûne.

En consacrant plus de temps à la prière, nous permettons à notre cœur de découvrir les mensonges secrets par lesquels nous nous trompons nous-mêmes[5], afin de rechercher enfin la consolation en Dieu. Il est notre Père et il veut nous donner la vie.

La pratique de l’aumône libère de l’avidité et aide à découvrir que l’autre est mon frère : ce que je possède n’est jamais seulement mien. Comme je voudrais que l’aumône puisse devenir pour tous un style de vie authentique ! Comme je voudrais que nous suivions comme chrétiens l’exemple des Apôtres, et reconnaissions dans la possibilité du partage de nos biens avec les autres un témoignage concret de la communion que nous vivons dans l’Eglise. A cet égard, je fais mienne l’exhortation de Saint Paul quand il s’adressait aux Corinthiens pour la collecte en faveur de la communauté de Jérusalem : « C’est ce qui vous est utile, à vous » (2 Co 8, 10). Ceci vaut spécialement pour le temps de carême, au cours duquel de nombreux organismes font des collectes en faveur des Eglises et des populations en difficulté. Mais comme j’aimerais que dans nos relations quotidiennes aussi, devant tout frère qui nous demande une aide, nous découvrions qu’il y a là un appel de la Providence divine: chaque aumône est une occasion pour collaborer avec la Providence de Dieu envers ses enfants ; s’il se sert de moi aujourd’hui pour venir en aide à un frère, comment demain ne pourvoirait-il pas également à mes nécessités, lui qui ne se laisse pas vaincre en générosité ? [6]

Le jeûne enfin réduit la force de notre violence, il nous désarme et devient une grande occasion de croissance. D’une part, il nous permet d’expérimenter ce qu’éprouvent tous ceux qui manquent même du strict nécessaire et connaissent les affres quotidiennes de la faim ; d’autre part, il représente la condition de notre âme, affamée de bonté et assoiffée de la vie de Dieu. Le jeûne nous réveille, nous rend plus attentifs à Dieu et au prochain, il réveille la volonté d’obéir à Dieu, qui seul rassasie notre faim.

Je voudrais que ma voix parvienne au-delà des confins de l’Eglise catholique, et vous rejoigne tous, hommes et femmes de bonne volonté, ouverts à l’écoute de Dieu. Si vous êtes, comme nous, affligés par la propagation de l’iniquité dans le monde, si vous êtes préoccupés par le froid qui paralyse les cœurs et les actions, si vous constatez la diminution du sens d’humanité commune, unissez-vous à nous pour qu’ensemble nous invoquions Dieu, pour qu’ensemble nous jeûnions et qu’avec nous vous donniez ce que vous pouvez pour aider nos frères !

Le feu de Pâques

J’invite tout particulièrement les membres de l’Eglise à entreprendre avec zèle ce chemin du carême, soutenus par l’aumône, le jeûne et la prière. S’il nous semble parfois que la charité s’éteint dans de nombreux cœurs, cela ne peut arriver dans le cœur de Dieu ! Il nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer.

L’initiative des « 24 heures pour le Seigneur », qui nous invite à célébrer le sacrement de Réconciliation pendant l’adoration eucharistique, sera également cette année encore une occasion propice. En 2018, elle se déroulera les vendredi 9 et samedi 10 mars, s’inspirant des paroles du Psaume 130 : « Près de toi se trouve le pardon » (Ps 130, 4). Dans tous les diocèses, il y aura au moins une église ouverte pendant 24 heures qui offrira la possibilité de l’adoration eucharistique et de la confession sacramentelle.

Au cours de la nuit de Pâques, nous vivrons à nouveau le rite suggestif du cierge pascal : irradiant du « feu nouveau », la lumière chassera peu à peu les ténèbres et illuminera l’assemblée liturgique. « Que la lumière du Christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe les ténèbres de notre cœur et de notre esprit »[7] afin que tous nous puissions revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : écouter la parole du Seigneur et nous nourrir du Pain eucharistique permettra à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d’espérance et de charité.

Je vous bénis de tout cœur et je prie pour vous. N’oubliez pas de prier pour moi.

Du Vatican, le 1er November 2017
Solennité de la Toussaint

François

[1] Texte original en italien: “segno sacramentale della nostra conversione”, in: Messale Romano, Oraison Collecte du 1er dimanche de carême. N.B. Cette phrase n’a pas encore été traduite dans la révision (3ème), qui est en cours, du Missel romain en français.

[2] « C’est là que l’empereur du douloureux royaume/de la moitié du corps se dresse hors des glaces » (Enfer XXXIV, 28-29)

[3] « C’est curieux, mais souvent nous avons peur de la consolation, d’être consolés. Au contraire, nous nous sentons plus en sécurité dans la tristesse et dans la désolation. Vous savez pourquoi ? Parce que dans la tristesse nous nous sentons presque protagonistes. Mais en revanche, dans la consolation, c’est l’Esprit Saint le protagoniste ! » (Angelus, 7 décembre 2014)

[4] Nn. 76-109

[5] Cf Benoît XVI , Lett. Enc. Spe Salvi, n. 33

[6] Cf Pie XII, Lett. Enc. Fidei donum, III

[7] Missel romain, Veillée pascale, Lucernaire

Allocution du pape François lors de la rencontre avec le Patriarche orthodoxe-copte Tawadros II

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François lors de la rencontre oecuménique avec le patriarche orthodoxe copte Sa Sainteté Tawadros II:

Le Seigneur est ressuscité, il est vraiment ressuscité [Al Massih kam, bihakika kam !]

Sainteté, très cher Frère,

C’est depuis peu qu’a eu lieu la grande Solennité de Pâques, centre de la vie chrétienne, que

nous avons eu la grâce de célébrer cette année le même jour. Nous avons ainsi proclamé à l’unisson l’annonce de la Résurrection, en revivant, en un certain sens, l’expérience des premiers disciples, qui ce jour-là, ensemble, « furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20, 20). Cette joie pascale est aujourd’hui enrichie par le don d’adorer ensemble le Ressuscité dans la prière et d’échanger de nouveau, en son nom, le saint baiser et l’accolade de la paix. J’en suis très reconnaissant : en arrivant ici comme pèlerin, j’étais certain de recevoir la bénédiction d’un Frère qui m’attendait. Grande était l’attente de nous retrouver : en effet, je garde bien vivant le souvenir de la visite de Votre Sainteté à Rome, peu après mon élection, le 10 mai 2013, une date qui est heureusement devenue l’occasion de célébrer chaque année la Journée d’amitié copte-catholique.

Dans la joie de poursuivre fraternellement notre route œcuménique, je voudrais rappeler avant tout ce jalon dans les relations entre le siège de Pierre et celui de Marc qu’est la Déclaration commune signée par nos prédécesseurs il y a plus de quarante ans, le 10 mai 1973. Ce jour-là, après des « siècles d’histoire difficiles », au cours desquels « ont surgi des divergences théologiques qui ont été entretenues et aggravées par des facteurs de caractère non théologique » et par une méfiance toujours plus généralisée dans les relations, grâce à Dieu on est arrivé à reconnaître ensemble que le Christ est « Dieu parfait pour ce qui est de sa divinité, et homme parfait pour ce qui est de son humanité » (Déclaration commune signée par le Saint-Père Paul VI et par Sa Sainteté Amba Shenouda III, 10 mai 1973). Mais non moins importants et non moins actuels sont les mots qui précèdent immédiatement, par lesquels nous avons reconnu « notre Seigneur et Dieu et Sauveur et Roi de nous tous, Jésus Christ ». Par ces expressions, le siège de Marc et celui de Pierre ont proclamé la seigneurie de Jésus : ensemble, nous avons confessé que nous appartenons à Jésus et qu’il est notre tout.

De plus, nous avons compris qu’étant siens, nous ne pouvons plus penser aller chacun son chemin, car nous trahirions sa volonté : que les siens soient « tous […] un […] pour que le monde croie » (Jn 17, 21). Devant le Seigneur, qui nous veut « parfaitement un » (v. 23), il ne nous est plus possible de nous cacher derrière les prétextes des divergences d’interprétation ni non plus derrière des siècles d’histoire et de traditions qui nous ont rendus étrangers. Comme l’a dit ici Sa Sainteté Jean-Paul II : « Il n’y a pas de temps à perdre à ce sujet. Notre communion dans l’unique Seigneur Jésus Christ, dans l’unique Esprit Saint et dans l’unique Baptême constitue déjà une réalité profonde et fondamentale » (Discours lors de la rencontre œcuménique, 25 février 2000). Il y a, en ce sens, non seulement un œcuménisme fait de gestes, de paroles et d’engagement, mais une communion déjà effective, qui grandit chaque jour dans la relation vivante avec le Seigneur Jésus, qui s’enracine dans la foi professée et se fonde réellement sur notre baptême, sur le fait d’être des ‘‘créatures nouvelles’’ (cf. 2 Co 5, 17) en lui : en somme, « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 5). D’ici, nous repartons toujours, pour préparer le jour si désiré où nous serons en pleine et visible communion à l’autel du Seigneur.

Sur ce chemin passionnant qui, – comme la vie- n’est pas toujours facile et linéaire, mais sur lequel le Seigneur nous exhorte à aller de l’avant, nous ne sommes pas seuls. Nous accompagne une foule immense de saints et de martyrs, qui déjà pleinement unis, nous poussent à être ici-bas une image vivante de la « Jérusalem céleste » (Ga 4, 26). Parmi eux, se réjouissent certainement aujourd’hui de notre rencontre, à titre particulier, les saints Pierre et Marc. Le lien qui les unit est grand. Qu’il suffise de penser au fait que saint Marc a placé au cœur de son Évangile la profession de foi de Pierre : « Tu es le Christ ». Ce fut la réponse à la question, toujours actuelle, de Jésus : « Mais vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mc 8, 29). Aujourd’hui également beaucoup de gens ne savent pas répondre à cette interrogation ; il manque même quelqu’un pour la susciter et surtout pour offrir en réponse la joie de connaître Jésus, cette même joie avec laquelle nous avons la grâce de le confesser ensemble.

Ensemble, nous sommes donc appelés à témoigner de lui, à porter au monde notre foi, avant tout de la manière propre à la foi : en la vivant, car la présence de Jésus se transmet avec la vie et parle le langage de l’amour gratuit et concret. Coptes orthodoxes et Catholiques, nous pouvons toujours plus parler ensemble cette langue commune de la charité : avant d’entreprendre une initiative pour le bien, il serait beau de nous demander si nous pouvons la faire avec nos frères et sœurs qui partagent la foi en Jésus. Ainsi, en édifiant la communion dans le concret quotidien du témoignage vécu, l’Esprit ne manquera pas d’ouvrir des voies providentielles et imprévues d’unité. C’est avec cet esprit apostolique constructif que Votre Sainteté continue de réserver une attention authentique et fraternelle à l’Église copte catholique : une proximité dont je suis très reconnaissant et qui a trouvé une admirable expression dans le Conseil National des Églises Chrétiennes, auquel elle a donné naissance pour que ceux qui croient en Jésus puissent œuvrer toujours davantage ensemble, au bénéfice de la société égyptienne tout entière. J’ai beaucoup apprécié également la généreuse hospitalité offerte à la 13ème rencontre de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales, qui s’est tenue ici l’année dernière à votre invitation. C’est un beau signe que la rencontre suivante se soit déroulée cette année à Rome, presque pour exprimer une continuité particulière entre les sièges de Marc et de Pierre.

Dans les Saintes Écritures, Pierre semble de quelque manière répondre à l’affection de Marc en l’appelant « mon fils » ( 1P 5, 13). Mais les liens fraternels de l’Évangéliste et son activité apostolique concernent aussi saint Paul qui, avant de mourir martyr à Rome, parle de l’utilité prévenante de Marc dans son ministère (cf. 2 Tm 4, 11) et le cite plus d’une fois (cf. Phm 24 ; Col 4, 10). Charité fraternelle et communion de mission : voici les messages que la Parole divine et nos origines nous livrent. Ce sont les semences évangéliques que nous avons la joie de continuer à irriguer et, par la grâce de Dieu, à faire croître ensemble (cf. 1 Co 3, 6-7).

La maturation de notre chemin œcuménique est soutenue, de manière mystérieuse et plus que jamais actuelle, également par un vrai et authentique œcuménisme du sang. Saint Jean écrit que Jésus est venu « par l’eau et par le sang » (1 Jn 5, 6) ; qui croit en lui, ainsi « est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 5). Par l’eau et le sang : en vivant une vie nouvelle dans notre Baptême commun, une vie d’amour toujours et pour tous, y compris au prix du sacrifice du sang. Que de martyrs dans ce pays, depuis les premiers siècles du christianisme, ont vécu la foi héroïquement et jusqu’au fond, en versant leur sang plutôt que de renier le Seigneur et de céder aux illusions du mal ou seulement à la tentation de répondre au mal par le mal. Le vénérable Martyrologue de l’Église copte en témoigne bien. Encore récemment, malheureusement, le sang innocent de fidèles sans défense a été cruellement versé : leur sang innocent nous unit. Très cher Frère, tout comme la Jérusalem céleste est unique, unique est notre martyrologe, et vos souffrances sont aussi nos souffrances. Fortifiés par votre témoignage, œuvrons pour nous opposer à la violence en prêchant et en semant le bien, en faisant grandir la concorde et en maintenant l’unité, en priant afin que tant de sacrifices ouvrent la voie à un avenir de pleine communion entre nous et de paix pour tous.

La merveilleuse histoire de sainteté de cette terre n’est pas particulière uniquement à cause du sacrifice des martyrs. À peine terminées les persécutions antiques, a émergé une forme nouvelle de vie qui, donnée au Seigneur, ne retenait rien pour elle: dans le désert a commencé le monachisme. Ainsi, aux grands signes que Dieu, par le passé, avait accomplis en Égypte et dans la Mer rouge (cf. Ps 106, 21-22), a fait suite le prodige d’une vie nouvelle, qui a fait fleurir de sainteté le désert. Avec vénération pour ce patrimoine commun, je suis venu en pèlerin sur cette terre, où le Seigneur lui-même aime se rendre: ici, glorieux, il est descendu sur le mont Sinaï (cf. Ex 24, 16) ; ici, humble, il a trouvé refuge en tant qu’enfant (cf. Mt 2, 14).

Sainteté, très cher Frère, que le même Seigneur nous accorde de repartir aujourd’hui, ensemble, en pèlerins de communion et en messagers de paix. Sur ce chemin, que nous prenne par la main Celle qui a accompagné ici Jésus et que la grande tradition théologique égyptienne a déclarée depuis l’antiquité Theotokos, Mère de Dieu. À ce titre, s’unissent admirablement l’humanité et la divinité, car dans la Mère, Dieu s’est fait pour toujours homme. Que la Vierge Sainte, qui nous conduit toujours à Jésus, symphonie parfaite du divin avec l’humain, apporte encore un peu du Ciel sur notre terre!

[00620-FR.01] [Texte original: Italien]

Ressuscité par la Miséricorde : La paix de Jésus ressuscité

Une réflexion sur la Divine Miséricorde par Julian Paparella

La saison pascale se poursuit pendant sept semaines, marquant les cinquante jours entre la résurrection de Jésus et la descente du Saint Esprit à la Pentecôte. La Pâque dure même plus longtemps que le Carême !

L’Évangile que nous avons entendue ce dimanche, dimanche de la Divine Miséricorde, est un récit qui couvre huit jours. Il commence le soir de la résurrection. Trois jours après avoir abandonné Jésus sur Son chemin vers la Croix, les apôtres se cachent, enfermés dans le Cénacle par crainte des Juifs. Jésus vient à leur rencontre et Ses premières paroles sont : « La paix soit avec vous ! ». Les apôtres se réjouissent lorsqu’Il leur montre les plaies sur Ses mains et sur Son côté ; la preuve que c’est vraiment Lui, Jésus, ressuscité et vivant. Une deuxième fois, Il leur dit : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Il souffle sur eux et Il leur fait don du Saint Esprit pour le pardon des péchés.

La rencontre continue huit jours plus tard lors de la scène bien connue de Thomas l’incrédule. Thomas était absent quand Jésus a rencontré les apôtres la première fois et ne croit pas le témoignage des autres disciples lorsqu’ils disent qu’ils ont vu le Seigneur. Le dimanche suivant, Thomas est présent et Jésus revient. Ses premières paroles sont encore : « La paix soit avec vous ! ». Jésus invite Thomas à toucher Ses plaies, et Thomas croit.

Notre connaissance de ce récit de l’Évangile peut nous rendre insensibles au fait qu’il est extraordinaire. D’une perspective humaine, l’approche de Jésus est complètement inconcevable. Imaginez si vous enseigniez et guidiez douze amis pendant trois ans, et qu’ensuite ils vous livrent et vous abandonnent au moment où vous êtes dans le plus grand besoin. Imaginez que personne ne vous défende lorsque vous êtes condamné à mort injustement. Comment réagissons-nous quand nos amis fuient alors que nous souffrons ?

Jésus aurait pu revenir aux apôtres outré, furieux et indigné. Cela aurait été une réaction normale. Il aurait pu leur dire : « Hypocrites ! Vous dites que vous voulez mourir pour moi mais vous me laissez mourir ! Qu’ai-je fait pour mériter votre trahison et votre abandon ?

Au contraire, les toutes premières paroles de Jésus, en voyant Ses apôtres pour la première fois depuis la nuit où il fut livré, sont miraculeuses: « La paix soit avec vous ! » La paix ! Jésus ne demande aucune explication. Jésus ne demande pas de rétribution. Jésus pardonne. Jésus donne la paix.

Jésus ayant ressuscité d’entre les morts, Son pardon ressuscite Ses disciples. Sa miséricorde leur redonne vie. Voilà le sens le plus profond de la souffrance, de la mort, et de la résurrection de Jésus. Il ne donne pas Sa vie à contrecœur. Il va à la Croix librement. Il ressuscite vainqueur. Il revient pour donner à Ses disciples le don de la paix. Jésus aurait pu revenir vers les apôtres pour les châtier : « Comment osez-vous abandonner le Fils de l’homme ? » ; « Qu’est-ce que j’ai fait pour vous faire fuir ? » ; « Moi, je n’aurais jamais pu vous abandonner ! » Mais à quoi servirait une telle réaction ? La plus grande leçon qui provoque la plus grande transformation c’est Son pardon, totalement insondable.

Qu’apprenons-nous de cette leçon pour notre propre vie ?

Premièrement, Jésus veut ce même pardon pour chacun de nous. Dieu est devenu homme afin de nous sauver. La mission de Jésus consistait à nous apporter le salut, à restaurer la paix que nos péchés avaient détruite. Dieu n’a aucun intérêt à nous maintenir dans nos péchés. Dieu ne gagne rien en nous piégeant dans nos péchés. La vie entière de Jésus consiste à racheter nos péchés. Il veut nous rendre Sa paix.

Deuxièmement, Jésus nous invite à pardonner aux autres comme Lui Il nous pardonne. Le pardon fait du bien à celui qui le reçoit. Le pardon améliore notre relation avec celui à qui nous pardonnons. Mais le pardon fait du bien également à celui qui pardonne. C’est bon pour nous. Pardonner nous donne la paix. Ça nous libère de la rancune, de la colère, et de la dureté du cœur. Pardonner révèle à l’autre qu’il est bon, même s’il a fait du mal. Pardonner révèle à l’autre qu’il peut être aimé, même s’il n’a pas aimé les autres.

Le pardon libère. Pardonner libère. C’est le don de Jésus à chacun de nous et il nous donne la paix. Jésus nous invite à nous donner le pardon les uns aux autres.

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