Une autre semaine tragique sous le soleil de Satan

CNS photo/JJ Guillen, EPA

Cette semaine, l’actualité a eu tôt fait de nous rappeler l’aspect tragique de l’histoire. De Charlottesville à Barcelone, les médias continuent de manifester la difficile entente entre les hommes, la vigilance et l’effort constants dont doivent faire preuve nos sociétés pour éviter les débordements et maintenir l’État de droit. Nous qui, depuis la deuxième guerre mondiale, pensions être à l’abri du déferlement de violence et de négation des droits humains, nous sommes plongés dans ce que le pape François a, à plusieurs reprises, qualifié de « troisième guerre mondiale par morceaux ».

Devant ces actes horribles de racisme et de haine civilisationnelle, ni le système médiatique qui semble parfois aggraver sinon profiter des tensions actuelles, ni les gouvernements ne semblent être en mesure de rassembler autour d’une nouvelle « Common decency », et d’un seul cœur rester fidèle à la Déclaration des droits de l’homme. En peu de mots, nous sommes témoins d’un monde pris dans l’engrenage du soupçon et où le recours à la violence semble trouver de plus en plus de légitimité chez trop de gens.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans notre monde ? Cette question, tous se la posent. En premier lieu, les odieux acteurs. Qu’ils soient racistes ou islamistes, ces terroristes s’entendent sur un point : « l’enfer c’est les autres ». Que ce soit la haine contre les différences ethniques, religieuses ou civilisationnelles, tous s’entendent pour enlever à d’autres hommes et femmes leur dignité humaine, légitimant ainsi de les priver de leurs droits fondamentaux, jusqu’au meurtre. Bien que cette exclusion fondamentale de l’humanité soit poussée aux extrêmes par certains groupes, notre société n’est-elle pas également contaminée par ce poison ? Ne sommes-nous pas nous-mêmes souvent enclins à faire porter le blâme du mal sur d’autres personnes humaines ?

En porte-à-faux contre ces fausses réponses au problème du mal la foi catholique nous apprend que, bien que le péché ait une puissance sur l’homme, il n’en ait pas la source principale. Commentant la dernière demande du Notre Père, le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « le Mal n’est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. Le  » diable  » (dia-bolos) est celui qui  » se jette en travers  » du Dessein de Dieu et de son  » œuvre de salut  » accomplie dans le Christ » (no 2851).

Contre un tel ennemi, la seule réponse possible est la prière puisque seul Dieu peut vaincre le Malin et son emprise sur l’humanité. Citoyens, lobbys, journaux, politiciens, Chefs d’État, conventions, juges, tous sont en eux-mêmes impuissants contre celui qui tente par tous les moyens de dresser les hommes les uns contre les autres. On m’aura bien compris, cette vérité n’enlève en rien à la responsabilité des hommes qui succombent à la tentation. Et on doit évidemment condamné, comme l’Église l’a toujours fait, toutes les idéologies infernales et mortifères tels que le nazisme et l’islamisme. Mais l’existence du mal en ce monde ne trouvera de solution que dans la Toute-puissance de la Grâce de Dieu. En ce sens, est donc primordial de renouer avec les paroles de l’apôtre Paul qui, dans l’épitre au Éphésiens (Ep 6, 10-20), nous enseigne que :

Enfin, puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force.
Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable.
Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes.
Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon.
Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice,
les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix,
et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais.
Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu.
En toute circonstance, que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés, soyez assidus à la supplication pour tous les fidèles.

L’actualité mondiale des prochaines années risque d’être encore le triste spectacle du déferlement de la violence. Que ce soit par le racisme ou la haine civilisationnelle, l’exclusion de personnes ou le retrait de leur dignité et de leurs droits fondamentaux ne peut jamais être justifiée. Or, personne ne devrait se considérer hors de portée de cette tentation de l’exclusion, de ce Mal qui nous guette « comme un lion rugissant, qui rôdant, cherchant qui dévorer » (1 Pierre, 5,8).

Renouons donc avec cette rencontre avec le Prince de la Paix par un désir renouvelé pour la prière et l’amour du prochain.

Pape en Égypte: un voyage en trois temps pour trois priorités

CNS photo/Mohamed Abd El Ghany, Reuters

Les 28 et 29 avril prochains, le pape François se rendra en Égypte pour une visite apostolique. Ce voyage en trois temps permettra au Saint-Père de renforcer les relations avec les autorités civiles et religieuses de ce pays, le plus populeux du monde arabe.

Un contexte sociopolitique particulier

Pour bien comprendre les enjeux liés à cette visite, il est important de dire quelques mots sur le contexte actuel. Ce n’est un secret pour personne, l’Égypte a connu, dans la dernière décennie, des mouvements politiques et sociaux importants qui ont grandement mis en péril sa stabilité. En effet, le pays des pharaons n’a pas été épargné par ce qu’on a appelé « le printemps arabe ». Cette période de rébellion, menée par des groupes aux intérêts divergents et, parfois même, diamétralement opposés, a mené à la destitution d’Hosni Moubarak et à la prise du pouvoir par le parti des frères musulmans. La prise de pouvoir de ce mouvement islamiste qui avait procédé, l’espace d’un moment, à l’inscription de la Sharia dans la constitution, avait fait de nombreux mécontents dont les autorités religieuses chrétiennes, musulmanes modérées, les mouvements pro-démocratie et, surtout, les hautes autorités militaires, très liées à l’ancien régime. En ce sens, on se rappellera l’augmentation importante des attentats terroristes contre les minorités religieuses lors de cette courte période. Un rapport de l’Aide à l’Église en détresse affirme en effet : « Avant et après les élections présidentielles de juin 2012, qui ont amené Morsi au pouvoir, le climat d’hostilité contre les coptes a été intense. Les violences physiques et morales ont augmenté ». Ce qui avait fait douter de la volonté de son gouvernement à protéger cette portion importante de la population (+/- 10 %). Ce qui avait de grande chance d’arriver arriva, le maréchal à la retraite Abdel Fattah Al-Sissi destitua et arrêta le président islamiste Mohamed Morsi et déclara comme « mouvement terroriste » le parti des frères musulmans.

Depuis son élection, le président Sissi a entrepris un certain nombre de réformes visant la modernisation de la société musulmane égyptienne. Dans un discours à la Grande Université Al-Alzhar le 28 décembre 2014, il avait demandé au chef religieux de la plus importante université islamique du monde sunnite de proposer un « discours religieux qui correspond à son époque ». Depuis ce discours historique, plusieurs gestes manifestent cette volonté du gouvernement égyptien de favoriser un rapprochement et la réconciliation entre chrétiens et musulmans. D’abord, les relations entre l’Université Al-Alzhar et le Vatican, rompues depuis quelques années, ont pu reprendre à la suite de la visite du cheikh Ahmed Al-Tayeb, grand imam de la mosquée Al-Azhar. Et suite au geste symbolique que constitue la présence du président égyptien lors de la Messe de Noël à la cathédrale orthodoxe Copte Saint-Marc du Caire en compagnie de Théodore II, on ne peut que se réjouir de la plus récente affirmation de la Conférence d’Al-Azhar de « l’égalité entre chrétiens et musulmans ».

On peut l’imaginer ce chemin concret de rapprochement ne fait pas beaucoup d’heureux du côté islamiste, à en juger par les plus récentes attaques terroristes qui montrent que cette égalité toujours fragile nécessite encore, pour les minorités religieuses, une protection supplémentaire de la police et de l’armée. C’est dans ce contexte politico-religieux que s’amorce la visite du pape François, la semaine prochaine.

Un voyage en trois temps pour trois priorités

Dans un premier temps, le pape François rencontrera le président al-Sissi lors d’une visite au palais présidentiel. Cette ouverture de part et d’autre manifeste une volonté réciproque de renforcement des liens et de la collaboration en faveur de la paix. Deuxième rencontre entre les deux hommes, cette discussion portera certainement sur les grands thèmes chers au pape François dont la liberté religieuse, la protection des chrétiens persécutés et des points liés au développement de l’Égypte qui accuse des retards considérables en terme d’éducation, de lutte contre la pauvreté et de protection de l’environnement.

CNS photo/L’Osservatore Romano via Reuters

Après cette réunion protocolaire, le Pape se rendra auprès du grand imam d’Al Azhar, le cheikh Ahmed Al Tayeb, afin de prononcer, chacun leur tour, un discours lors de la Conférence internationale sur la paix. Cette prise de parole commune s’inscrira dans la continuité des discussions amorcées en février dernier contre « le fanatisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion ». De ce rapprochement et de ce dialogue interreligieux, nous sommes en droit d’espérer des effets d’apaisement dans le climat de tension actuel ainsi que des fruits d’érudition en faveur d’une « modernisation de l’Islam ».

Dans une perspective œcuménique, le pape rencontrera le patriarche copte Tawadros II pour des discussions privées suivies de discours. Nous pouvons d’ores et déjà voir en cela un geste de soutien pour cette minorité chrétienne d’Égypte dont les racines remontent à l’évangélisation de saint Marc évangéliste et apôtre. Cette amitié renouvelée peut être perçue comme un fruit de cet « œcuménisme du sang », expression plusieurs fois employée par le Saint-Père notamment pour décrire le drame des « Égyptiens coptes égorgés par les djihadistes de l’État islamique sur les rives de la mer Méditerranée ». Il avait alors affirmé : « Tous sont nos martyrs, car ils ont donné leur sang pour le Christ ». La présence du patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier peut également être interprétée en ce sens. Enfin, le pape célèbrera une Messe en compagnie de la communauté copte-catholique d’Égypte avant de retourner à Rome, samedi, en début de soirée.

Le voyage du pape François en Égypte arrive dans une période charnière de l’histoire de ce pays plus que deux fois millénaire. Considérant les nombreux risques d’attentats que cette visite comporte, on peut y voir la grande détermination du pape François à raffermir les liens d’amitié avec les autorités politiques et religieuses et à apporter son soutien et sa collaboration dans l’élaboration d’une société et d’un islam modernes. De plus, ce voyage permettra au Pape de manifester concrètement sa solidarité avec les chrétiens orthodoxes et catholiques d’Égypte dans ces moments tumultueux où plusieurs ont versé leur sang par fidélité au Christ. Ainsi, espérons que cette visite très attendue porte des fruits de paix et de réconciliation si nécessaires aujourd’hui.

Le président français au Vatican, après l’assassinat du Père Hamel

Pope Francis exchanges gifts with French President Francois Hollande at the Vatican Aug. 17. (CNS photo/L’Osservatore Romano via Reuters) See POPE-HOLLANDE Aug. 17, 2016. Editor’s note: For editorial use only.

Le président français a été reçu ce mercredi au Vatican par le pape François, 3 semaines après l’assassinat du père Jacques Hamel, égorgé dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray. C’est dans ce contexte que François Hollande a rendu visite au Souverain Pontife, pour lui exprimer sa gratitude pour ses « paroles très réconfortantes » au lendemain de l’attentat. Les deux hommes s’étaient alors entretenus par téléphone. Le Saint-Père s’était adressé à François Hollande comme à un « frère » selon l’Élysée, et François Hollande quant à lui avait assuré que « lorsqu’un prêtre est attaqué, c’est toute la France qui est meurtrie ».

Depuis que la France est touchée par des attentats terroristes le pape François multiplie les messages de soutien aux français, comme il l’avait fait par exemple au lendemain de l’attaque de Nice le 14 juillet. Le Pape s’était dit « proche de chaque famille et de la nation française toute entière ».

Ce mercredi le président a donc voulu dire au Pape « combien nous étions sensibles aux paroles qui ont été prononcées et à l’action qui est la sienne, et qui conforte notre vision de l’humanité ».

Lors de cette audience privée d’une quarantaine de minutes, les deux François ont également échangés sur le sort des chrétiens d’Orient,  dont la France est la protectrice traditionnelle. Ils ont par ailleurs évoqué la situation au Moyen Orient et la crise des réfugiés.

Cette deuxième rencontre entre François Hollande et le Souverain Pontife devait resserrer les liens entre la France et le Saint-Siège, en soulignant cette fois-ci leurs positions convergentes, après une longue période d’incompréhension entre les deux états.

Toujours plus de persécution contre les chrétiens

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La persécution contre les chrétiens a encore augmenté en 2015, et celle-ci touche de plus en plus de pays. C’est ce qui ressort de l’Index Mondial  de Persécution des Chrétiens 2016, publié par l’ONG Portes Ouvertes, qui recense chaque année les 50 pays dans lesquels les chrétiens sont le plus gravement persécutés.

En 2015, pour la 14ème année consécutive, c’est la Corée du Nord qui se retrouve en tête de classement, car dans ce pays le gouvernement considère le christianisme comme « ennemi de l’État ». Viennent ensuite l’Irak, l’Érythrée, l’Afghanistan et la Syrie.

Le rapport fait également une distinction entre deux formes principales de persécution : d’un côté la violence d’oppression au quotidien, qu’on appelle « persécution étau », et qui sévit en Corée du Nord. De l’autre, la « persécution marteau », qui concerne notamment le nombre de tués.

Selon l’ONG au moins 7 100 chrétiens ont été assassinés en 2015 pour des raisons liées à leur croyance, soit une augmentation de plus de 63% par rapport à l’année dernière.  Le Nigeria est le pays où le plus de chrétiens ont été tués pour leur foi, et Boko Haram, précise le document, est responsable de la plupart des violences commises contre les chrétiens dans ce pays.

Du reste, les pays africains sont nombreux dans le classement de l’Index mondial. Si bien que les 6 pays qui comptent le plus grand nombre de chrétiens assassinés pour leur foi en 2015 sont tous des pays d’Afrique Subsaharienne : Nigeria, Centrafrique, Tchad, République Démocratique du Congo, Kenya, Cameroun.

Cette région d’Afrique constitue le premier foyer d’extrémisme islamique au monde après le Moyen-Orient. D’ailleurs, parmi les tendances relevées par l’ONG dans son rapport, on note que cet islamisme est la première source de persécution antichrétienne. Il en est responsable dans 35 pays, sur les 50 que compte l’Index, que ce soit dans les pays du Moyen-Orient, d’Afrique Subsaharienne ou d’Asie.

Au Moyen-Orient et en Afrique, « le désir d’exterminer les églises sur certains territoires est sans précédent » lit-on dans ce rapport. « Au Nigeria, en Syrie, en Irak, au Soudan, en Somalie, au Kenya, la persécution a pour but de chasser les chrétiens de leurs terres ancestrales ». Si bien que dans certains de ces pays « des villes et des régions entières se vident de leur population chrétienne ».

L’influence de l’islamisme et notamment du groupe État Islamique « a pour effet une radicalisation des sociétés musulmanes » analyse l’ONG qui déplore dans le même temps « un rejet de plus en plus grand de toute présence chrétienne » dans ces sociétés.

« Boko Haram au Nord du Nigeria, ou encore les Shebab en Somalie ont prêté allégeance au groupe EI, et travaillent à élargir leur champ d’action aux pays voisins. Aujourd’hui l’Etat Islamique contrôle une région aussi vaste que la Grande-Bretagne, et les chrétiens sont toujours plus nombreux à partir ».

Toujours selon l’Index mondial, au moins 2 406 églises ont été visées (attaques, destructions, fermetures arbitraires…) en 2015. C’est là aussi plus du double par rapport à l’année précédente. « Une attaque sur une église, souligne Portes Ouvertes, peut avoir un effet destructeur sur tous les chrétiens qui fréquentaient cette église ». « Une église détruite et qui n’est jamais reconstruite reste un témoin de la vulnérabilité des chrétiens et de l’impunité des persécuteurs ».

Enfin, le document relève que même sur le continent le plus christianisé du monde, le persécution antichrétienne augmente. Le Mexique et la Colombie occupent respectivement la 40ème et 46ème place du classement.

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