Note commune sur la « Doctrine de la découverte »

Le pape François s’adresse à une réunion des peuples Autochtones–Premières Nations, Métis et Inuit à l’ancien pensionnat Ermineskin à Maskwacis, Alberta, le 25 juillet 2022.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte » du Dicastère pour la Culture et l’Éducation et du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral

 

1. Fidèle au mandat reçu du Christ, l’Église catholique s’efforce de promouvoir la fraternité universelle et le respect de la dignité de tout être humain.

2. C’est pourquoi, au cours de l’histoire, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples Autochtones. Il y a également eu de nombreux exemples d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs qui ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces peuples.

3. En même temps, le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples Autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises.

4. De nos jours, un dialogue renouvelé avec les peuples Autochtones, en particulier avec ceux qui professent la foi catholique, a aidé l’Église à mieux comprendre leurs valeurs et leurs cultures. Avec leur aide, l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres, qu’ils considèrent comme un don sacré de Dieu et de leurs ancêtres, ainsi qu’aux politiques d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones. Comme l’a souligné le Pape François, leurs souffrances constituent un puissant appel à abandonner la mentalité colonisatrice et à marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, en reconnaissant les droits et les valeurs culturelles de toutes les personnes et de tous les peuples. À cet égard, l’Église s’engage à accompagner les peuples Autochtones et à favoriser les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison.

5. C’est dans ce contexte d’écoute des peuples Autochtones que l’Église a compris l’importance d’aborder le concept appelé « de la découverte ». Le concept juridique de « découverte » a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones. Certains chercheurs ont affirmé que la base de la « doctrine » susmentionnée se trouve dans plusieurs documents pontificaux, tels que les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493).

6. La « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, l’Église reconnaît que ces bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples Autochtones. L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples Autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples Autochtones, et de demander pardon. En outre, le Pape François a exhorté: « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition sur les autres ».

7. En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de « doctrine de la découverte ».

8. Des déclarations nombreuses et répétées de l’Église et des papes défendent les droits des peuples Autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : « Nous définissons et déclarons […] que [, …] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet ».

9. Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones a donné lieu à un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. La mise en œuvre de ces principes améliorerait les conditions de vie et contribuerai.t à protéger les droits des peuples Autochtones, ainsi qu’à faciliter leur développement dans le respect de leur identité, de leur langue et de leur culture.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Pour guérir les blessures du Canada : le Pape François et les peuples autochtones

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Sur place à Maskwacis, en Alberta, pour assister à l’arrivée du pape François qui allait présenter ses excuses tant attendues aux peuples autochtones du Canada sur leurs propre terres, j’ai été profondément ému. Deux choses m’ont frappé simultanément. Premièrement, la souffrance, la douleur et le traumatisme intergénérationnel qui ont ravagé les communautés et les familles autochtones. Deuxièmement, l’humilité, le courage et la compassion du pape, qui a parcouru une telle distance pour démontrer sa proximité.

J’ai vu devant moi un berger et un pèlerin qui est venu de Rome jusqu’aux prairies de l’Alberta rurale pour aider à guérir les blessures les plus profondes du Canada. Ces blessures ont si souvent été tragiquement ignorées, cachées et rejetées. On était là, au milieu de l’Alberta rurale, par un lundi matin pluvieux, dans un endroit dont la plupart des Canadiens n’avaient jamais entendu parler, et le chef de file des 1,3 milliard de catholiques du monde était arrivé afin d’oeuvrer pour la vérité, à la justice, à la réconciliation et à la guérison dans notre pays. Le successeur de saint Pierre est venu jusqu’ici pour nous faire avancer sur le chemin que nous devons prendre ensemble. Ce fut une expérience qui a fait couler des larmes à beaucoup d’entre nous.

La route à double sens du bon Samaritain

En vivant tout cela directement, je n’ai pu m’empêcher de penser à la parabole du bon Samaritain de Jésus (Luc 10,25-37). Comme l’homme de la parabole de Jésus, le pape François a écouté le cri des autochtones, des abus et des blessés sur le bord de la route de la société canadienne. Il a refusé de faire comme les autres qui ont fait la sourde oreille et ont fermé les yeux. Il a insisté pour aller de l’avant avec nos frères et sœurs autochtones, en prenant au sérieux leur besoin de guérison et en agissant en conséquence.

Mais le pape François n’est pas le seul à avoir suivi les traces du bon Samaritain l’été dernier. De nombreux autochtones m’ont confié qu’ils ne voulaient pas que le pape présente des excuses comme une simple formalité politique ou une obligation légale. Ils voulaient plutôt des excuses venant du cœur, qui les toucheraient dans leur cœur. Ils disent que pour guérir, ils doivent pardonner. C’est une leçon d’humilité et une source d’inspiration pour nous tous. Nos frères et sœurs autochtones ont le désir de pardonner. Pour beaucoup d’entre eux, ils voulaient que le pape s’excuse afin de pouvoir pardonner à l’Église. Ainsi, les autochtones eux-mêmes sont comme le bon Samaritain, qui sort l’Église du caniveau pour qu’ensemble nous puissions avancer sur le chemin de la guérison.

Le chemin de la guérison pour nos frères et sœurs autochtones

J’étais bouleversé en écoutant les hommes et les femmes autochtones au cours de la visite du pape. Leurs histoires et leurs visages témoignent de décennies de souffrance, mais aussi d’un espoir indéfectible pour l’avenir. Comme l’a dit une femme le jour des excuses du pape à Maskwacis : « Je suis reconnaissante d’être ici aujourd’hui, parce que tant de membres de ma famille, d’amis et de camarades de classe n’ont pas pu voir le pape venir au Canada et entendre ses excuses ». Une autre femme a partagé que dans sa communauté isolée des Territoires du Nord-Ouest, rien que dans le mois précédant la visite du pape, quatre jeunes s’étaient suicidés. Il s’agissait de jeunes pères et mères de famille, laissant leurs enfants derrière eux.

Le traumatisme intergénérationnel causé par les pensionnats et les abus subis par les autochtones a des répercussions durables sur la vie quotidienne de leurs communautés, encore aujourd’hui. Un très grand nombre d’entre eux ont été arrachés à leur foyer. Cela signifie que leurs parents n’ont pas appris à être parents, et qu’ils ne l’ont pas été non plus. Le cercle de la vie familiale a été brisé. Pourtant, malgré cette obscurité, au milieu du fléau de la toxicomanie et du suicide, beaucoup d’entre eux ont pu persévérer, obtenir de l’aide, surmonter les ombres de leur vie et regarder vers la lumière. Ces survivants sont des héros canadiens, avec des noms, des visages, des amis et des familles. En tant que pays, nous leur devons le même respect, le même engagement et le même amour que le pape François est venu leur témoigner.

Avancer ensemble

En tant qu’habitants du Canada, nous avons encore tant à apprendre sur les premiers peuples qui ont accueilli sur leurs terres les générations de migrants qui ont suivi. Tant d’étapes doivent encore être franchies dans notre cheminement ensemble. L’été 2022 a été une route à double sens du bon Samaritain, mais la route ne s’arrête pas là. En tant que catholique et canadien, je suis plus convaincu que jamais que nous devons prendre au sérieux le chemin de la guérison et de la réconciliation si nous voulons que notre pays soit une société juste, humaine et fraternelle. Nous ne pouvons continuer à avancer sans entendre les cris des blessés. Le pape a tendu les bras et les autochtones lui ont répondu. Il est temps que nous fassions tous de même. Suivons les paroles de Jésus : « Va, et toi aussi, fais de même » (Luc 10,37).

 

La santé est un tout: réflexion sur la 29e Journée mondiale des malades

(Image par truthseeker08 de Pixabay)  Aujourd’hui 11 février, l’Église célèbre la fête de Notre-Dame de Lourdes ainsi que la 29eJournée mondiale du malade. Il est évident que les circonstances de pandémie ont donné une signification particulière au thème de cette année : Vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères (Mt 23, 8). Comment donc mettre « La relation de confiance à la base du soin des malades »au centre des soins de santé ? Voilà une question à laquelle la prière peut apporter sagesse et discernement.

Une relation d’accueil

Dans son message pour l’édition 2021 de cette Journée, le pape François soulignait que « Pour qu’une thérapie soit bonne, l’aspect relationnel est décisif car il permet d’avoir une approche holistique de la personne malade » (no 4). Qu’est-ce que ce lien spécial qui unit un malade à son soignant ? Les circonstances nous en disent beaucoup sur celle-ci. D’abord, puisque personne ne désire être malade, personne ne désire a priori aller chez le médecin. Cela peut donc être difficile mais le soignant doit toujours pallier au malaise du patient par un excès d’accueil et de bonté proportionnel à la souffrance du malade. Faire la connaissance d’une personne lorsqu’on est en souffrance peut grandement affecter l’humeur de la rencontre !  Certes cela peut paraître ingrat, mais une fois la guérison obtenue, le patient trouvera certainement l’énergie pour remercier. Cette remarque préliminaire nous aide à comprendre que la relation soignant/soigné doit s’insérer dans une vision globale de la médecine qui, par un certain réalisme, témoigne tant des possibilités que des limites de la profession médicale.

La santé dans l’humilité

Accueillir l’autre par dévouement et avec patience n’est pas tout. Il faut aussi de la part du soignant une certaine dose d’humilité. Parfois affectés par le « complexe de Dieu » certains médecins ont une estime trop grande de leur propre capacité et, par le fait même, exacerbe les attentes des patients. Cette dynamique n’est pas saine, ni pour le soignant, ni pour le malade. Dans ce cas de figure, le soignant, loin de travailler pour le bien du malade, cherche, par l’entremise de celui-ci, à atteindre ses objectifs personnels de performance. On risque alors l’acharnement thérapeutique. Devant une telle logique, la confiance du malade peut être affectée, entraînant ainsi des conséquences néfastes dans sa volonté de suivre le traitement prescrit. Pour pallier à cette logique qui mine l’institution même de la médecine, le Pape invite à

« Établir un pacte entre ceux qui ont besoin de soin et ceux qui les soignent ; un pacte fondé sur la confiance et le respect réciproques, sur la sincérité, sur la disponibilité, afin de surmonter toute barrière défensive, de mettre au centre la dignité du malade, de protéger la professionnalité des agents de santé et d’entretenir un bon rapport avec les familles des patients. » (No 4).

Pour ce faire, l’univers médical doit retrouver une vision de la santé en accord avec une vision globale de la personne humaine.

La santé est un tout

Dans nos sociétés, nous associons trop souvent la notion de « santé » à sa dimension purement biologique. Or, bien qu’essentielle au déploiement de beaucoup de potentialité humaine, la santé biologique ou sa privation dans la maladie n’est pas seule garante d’une vie accomplie. Bien qu’il soit parfois difficile de le concevoir, la réalisation de nos plus profondes aspirations ne dépend pas de notre santé physique. Combien de saints (je pense à saint Ignace ou sainte Thérèse de Lisieux) ont découvert leur vocation au cours d’une maladie qui les avait cloués au lit ? Les maux que sont la souffrance et la mort ne doivent pas nous empêcher de voir que notre destinée ultime se trouve au-delà du biologique. Bien sûr les maladies et virus sont des maux à combattre. Ce combat ne doit toutefois pas se faire au détriment de ce qui donne sens à l’existence humaine. Tout à la santé physique nous fait oublier que la santé est un tout.

Marie, Santé des malades

Alors que cette année 2021 s’ouvre dans l’espoir de vaincre la pandémie qui nous affecte tous, le recours à Marie, Santé des malades, peut nous être grandement profitable. Tant dans l’accueil des malades que dans l’expérience fructueuse de la maladie, du développement et de la pratique d’une médecine véritablement humaine que dans la diffusion d’une vision globale de la santé personnelle et collective, Marie nous apprend à « méditer » (Lc 2, 19) dans nos cœurs le cours des événements afin d’y trouver les principes de notre action. Par l’intercession de Marie nous retrouverons cette « confiance » à l’intérieur de laquelle nous pourrons « fleurir comme enfants de l’unique Père, appelés à vivre une fraternité universelle » (No 1)

Vous trouverez ci-dessous la Messe de Notre-Dame de Lourdes, présidée par Mgr Christian Lépine, en provenance de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal:

Les abus sexuels dans l’Église avec Jean-Guy Nadeau

Cette semaine dans le cadre de son balado « Parrêsia », Francis Denis discute de la crise des abus sexuels dans l’Église avec le théologien Jean-Guy Nadeau, auteur du livre « Une profonde blessure: Les abus sexuels dans l’Église catholique » (Éd.Médiaspaul). Dans ce balado, sont notamment abordés les thèmes des conséquences humaines et spirituelles des abus, les différents chemins de guérison, les différentes causes personnelles et structurelles ainsi que des pistes de solutions pour y mettre un terme.

Jean- Guy Nadeau est professeur honoraire de la Faculté de théologie de l’université de Montréal. Un des premiers experts dans le domaine des abus sexuels du clergé. En 2017, il a collaboré au Centre for Child Protection de l’Université Grégorienne de Rome. Il a été président de la Société internationale de théologie pratique. Parmi ces nombreux engagements, il fut marguillier, membre de divers comités en paroisse et membre du comité de rédaction de la revue de pastorale Prêtres et Pasteurs durant plus de 30 ans, revue qui a publié les premiers textes au Québec sur les abus sexuels dans l’Église, Co-fondateur, président et membre du C.A. durant presque 20 ans du Projet d’intervention auprès des mineurEs prostituéEs (PIaMP), un des tout premiers organismes de travail de rue à Montréal et toujours actif en 2020. Co-fondateur de la revue Théologiques et membre de son comité de rédaction durant plus de 10 ans. Directeur des programmes d’Études pastorales à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal, Président de la Société internationale de théologie pratique, Vice-président de l’International Academy of Practical Theology, Co-fondateur et directeur durant 10 ans de la collection Cahiers d’études pastorales (éditions
Fides).

Parmi ses nombreuses publications, notons ces trois ouvrages majeurs:

Une profonde blessure. Les abus sexuels dans l’Église catholique, Médiaspaul, 2020, 402 p.

-Avec Carole Golding et Claude Rochon, Autrement que victimes. Dieu, enfer et résistance
chez les victimes d’abus sexuels, Novalis, 2012, 336 p.

-La prostitution, une affaire de sens. Études de pratiques sociales et pastorales, Fides, 1987,
480 p.

Église en sortie 28 octobre 2016

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Stéphane Thériault, directeur du Centre Le Pèlerin de Montréal avec qui il s’entretient de son livre « Revivre comme Lazare ». L’abbé Claude Paradis nous partage sa deuxième chronique des actualités de la rue. Dans la troisième partie de l’émission, M. Émile Robichaud nous parle d’écologie intégrale en lien avec son expérience d’éducateur.

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