Robin Williams (R.I.P) et l’illusion médiatique

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Image: Courtoisie de CNS

Lundi soir dernier, nous avons tous été surpris par la nouvelle de la mort de Robin Williams†. Des myriades d’éloges, de compliments, de commémorations des grands moments de sa carrière n’ont cessé de nous être présentés dans les médias. En effet, plusieurs personnes se sont rappelées les meilleurs films ou interprétations qui les avaient particulièrement touchés. Bref, Robin Williams a marqué les cœurs de plusieurs générations par son humour et l’énergie qu’il dégageait.

Depuis, ce sont surtout les circonstances de sa mort qui ont retenu l’attention. De fait, Robin Williams† a mis lui-même fin à ses jours, d’où une double surprise malheureuse. D’abord, et cela se passe chaque fois qu’une personne du « star système » meurt dans ces conditions, beaucoup se sentent inconfortables puisqu’ils n’arrivent pas à comprendre pourquoi une personne ayant de l’argent, un si grand succès et de la célébrité ne soit pas heureuse. Ainsi, le suicide de Robin Williams vient en quelque sorte briser l’illusion que le bonheur consiste uniquement en ces choses. Une deuxième surprise se trouve dans le fait que le geste qu’il a posé est en contradiction avec les situations dans lesquelles le grand public était habitué de le voir. Il est, en effet, très inhabituel de voir un humoriste souffrir psychologiquement au point de se suicider. Ainsi, certains se surprennent de voir que l’image que véhicule une personne accentuée par la machine médiatique puisse être à ce point trompeuse. Toutes ces réactions de notre part nous invitent à nous tourner vers la réalité du suicide et ce que l’Église nous enseigne à ce sujet.

Dans le Catéchisme de l’Église catholique au numéro 2280, l’Église présente la réalité du suicide comme une négation du principe fondamental du bonheur humain : la vie. Elle attire donc d’abord notre attention sur la beauté de la vie humaine et ses richesses. De fait, la vie humaine dans son état actuel, c’est-à-dire dans sa capacité à se construire et se détruire, ne diminue en aucun cas l’amour que Dieu porte aux hommes. Tout a été assumé par Dieu dans l’Incarnation de son Fils, Jésus-Christ. Son enseignement va également dans le sens d’une valeur divine de la vie humaine en elle-même. Cela signifie que les différentes conditions de vie comme le sexe, l’âge, la situation financière d’une personne, sa santé, etc. ne font aucune différence dans l’amour que Dieu nous porte. Cela peut paraître difficile à croire lorsque l’état dans lequel nous nous trouvons nous répugne et nous impose d’énormes souffrances. Mais ces situations ont un sens profond. Elles sont une invitation du Dieu Très-Haut à nous aimer nous-mêmes comme il nous aime. À aimer les conditions inhérentes à la vie humaine jusque dans ses fragilités les plus difficiles à accepter. Dieu a permis au mal physique et moral de continuer à coexister en ce monde comme une invitation à l’aimer, comme Lui, jusqu’à la folie de la croix. C’est comme s’Il nous posait cette question : Es-tu prêt à aimer avec Moi la vie humaine jusque là ? Jusqu’à prendre sur toi la souffrance et ainsi manifester au monde la grandeur et la beauté de la vie humaine?

Cette beauté de la vie humaine sans égard aux conditions se manifeste plus clairement lorsqu’on la considère comme un don de Dieu confié à l’humanité en chacun de nous. C’est ce que plusieurs ont appelé la primauté objective de la vie humaine. C’est en ce sens que doit être comprise la formule du catéchisme selon laquelle : « le suicide contredit l’inclination naturelle de l’être humain à conserver et à perpétuer sa vie » (CEC no 2280). Cependant, le catéchisme mentionne bien « que des troubles psychiques graves, l’angoisse ou la crainte grave de l’épreuve, de la souffrance ou de la torture peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire ». En effet, et c’est vraisemblablement le cas de Robin Williams†, les actes moraux, pour être définis comme tels, nécessitent notre plein consentement. Lorsque la conscience est altérée pour une quelconque raison, une personne peut agir sans vraiment réaliser ce qu’elle fait. C’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais porter un jugement sur la responsabilité d’une âme qui pose ce genre de geste. L’Église est la première à l’affirmer lorsqu’elle dit qu’ « on ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager, par les voies que Lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie ». De cet enseignement de l’Église, nous pouvons tirer quelques conséquences pratiques.

1. Prions sans cesse pour les morts. Même si les morts ne sont plus physiquement avec nous, cela ne signifie pas qu’ils n’existent plus. Ils sont toujours là présents dans le sein de l’Église céleste. Nous pouvons donc interagir avec eux en priant pour eux, en CRUCIFIX WITH WORDS `HOLD ON TO HOPE'rendant grâce pour la vie que Dieu leur a donnée et en offrant la souffrance que leur départ a causé en nous. La prière, spécialement la célébration de l’Eucharistie, est la source et le Sommet de toute notre vie. Profiter de cette communion à la Vie elle-même qu’est la présence de Dieu dans l’Eucharistie est donc un bon moyen de manifester notre amour de la vie.

2. Manifestons au monde la grandeur de la vie humaine en aimant notre prochain. Cela peut paraître générique et vague mais je dis cela pour ne pas restreindre notre imagination ! Nous pouvons manifester notre amour de la vie en aimant cette vie présente chez les autres. Cela peut se faire en aidant les pauvres, en faisant l’aumône, en s’impliquant dans notre paroisse ou simplement en étant une présence, écoutant quelqu’un dans le besoin.

3. Faisons fructifier les talents que Dieu a mis en nous « cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités » (Mt 25 14-30). En effet, un devoir primordial pour manifester à Dieu et au monde que nous sommes heureux du don de la vie que Dieu nous a fait est de travailler à perfectionner ce qu’Il a mis en nous et le mettre au service des autres.

La mort tragique et surprenante de Robin Williams† ne doit donc pas être l’occasion de le juger, ni d’y trouver une excuse pour se décourager de la beauté et dignité intrinsèque de la vie. L’Église nous enseigne que la présence du mal sur cette terre n’a de sens que parce que Dieu en tire un plus grand bien. Notre travail de chrétien doit donc être celui de manifester en nous et autour de nous le bien fondamental qu’est l’existence humaine. Comme l’affirme le pape François au numéro 85 de Evangelii gaudium :

« Une des plus sérieuses tentations qui étouffent la ferveur et l’audace est le sens de l’échec, qui nous transforme en pessimistes mécontents et déçus au visage assombri. Personne ne peut engager une bataille si auparavant il n’espère pas pleinement la victoire. Celui qui commence sans confiance a perdu d’avance la moitié de la bataille et enfouit ses talents. Même si c’est avec une douloureuse prise de conscience de ses propres limites, il faut avancer sans se tenir pour battu, et se rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : « Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9). »

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