La morale ou la bourse

par Sébastien Lacroix

 

Les marchés financiers aux États-Unis et ailleurs sont au coeur d’une crise qui n’est pas prête de se résorber. Des dizaines de milliards de dollars se sont tout simplement évaporés en quelques jours suite au jeu spéculatif de gestionnaires plus avares que scrupuleux. Malheureusement, cette vague qui a profité à une poignée a entraîné bien des gens dans la tourmente, des personnes qui n’avaient rien à voir avec la spéculation financière.

Alors que le gouvernement américain rame à toute vitesse pour éviter de sombrer, les critiques viennent de partout: « Les marchés financiers avaient créé un produit pour faire de l’argent rapidement en prenant de très grands risques. » Il s’agit ici des ‘subprime mortgage’, des prêts hypothécaires à hauts risques qui ont permis à des familles qui  de devenir propriétaires. Ce nouveau produit financier avait du même coût permis aux institutions qui le vendaient d’accroître leur valeur et ainsi, leurs profits.

Et c’est là le grave problème, on avait oublié à quoi servait l’économie: le profit à tout prix n’est pas un objectif en soi, disait Paul VI, l’économie est au service de l’homme! On ira relire avec intérêt l’encyclique Populorum progressio – 41 ans plus tard, l’appel de Paul VI demeure toujours actuel et a été repris par Jean-Paul II et Benoît XVI – d’ailleurs presque tous les papes depuis Léon XIII au 19e siècle en ont parlé.

L’Osservatore Romano d’hier, le quotidien du Vatican, parlait de l’échec de la nouvelle économie, citant un professeur d’éthique des finances de l’Université catholique du Sacré-Coeur à Milan. « En dépit des tentatives, le monde occidental est incapable d’établir un modèle de développement qui peut garantir la richesse. (…) L’Occident n’a pas réussi à faire face à la croissance asiatique en y transférant des productions à faibles coûts, elle n’a pas réussi non plus après avoir inventé un boom dans le PNB grâce à des modèles financiers risqués qui avaient été mal conçus et peu contrôlés. »

Au milieu de cette crise, il est une compagnie qui fait modèle: il s’agit des Chevaliers de Colomb. Cette organisation catholique d’hommes laïques est aussi une compagnie d’assurance avec un actif évalué à plus de 14 milliards de dollars US. Le Chevalier Suprême des C de C, Carl A. Anderson, a voulu rassurer les clients et bénéficiaires des C de C il y a quelques jours: l’impact de la crise actuelle a été minime sur les investissements des Chevaliers. La raison en est fort simple affirme le Chevalier suprême:

Nous avons délibérément évité d’investir dans les secteurs très complexes et très spéculatifs qui ont provoqué la catastrophe chez quelques-unes des sociétés les plus connues des Etats-Unis.

En fait, l’approche conservatrice des Chevaliers en investissement correspond aux valeurs et à la morale dont ils se font les défenseurs: celle de l’Église catholique. Et c’est ce qui en fait l’une des compagnies d’investissement les mieux gérées au monde (selon Standard & Poor).

Il y a une dimension morale à l’économie et il revient au gouvernement de mettre en place les règles et les mesures nécessaires afin qu’une saine croissance économique serve au développement global et solidaire de l’homme et de la société dans laquelle il vit et travaille (Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, #334).

Populorum  Progressio fut le premier encyclique à caractère social écrit après le Concile Vatican II. Dans l’esprit du concile, il offrait un nouveau paradygme pour entrevoir la relation entre l’Église et le monde moderne. On oublie parfois que l’Église catholique est plus qu’un fournisseur de sacrements ou une autorité en matière d’éthique sexuelle. À une période où le monde des finances a de la difficulté à trouver un équilibre, nous pourrions nous inspirer des enseignements et des leçons de Populorum Progressio et ainsi contribuer à un développement durable pour tous les citoyens de notre planète.

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