L’impact de Tremblay c. Daigle et discussions américaines constructives

Le Soleil d’hier présentait un intéressant article qui soulignait les 20 ans de l’affaire Chantal Daigle et de la décision de la Cour d’appel reconnaissait les droits de Tremblay sur le fœtus porté par son ex-conjointe, un jugement qui allait cependant être cassé deux semaines plus tard quand la Cour suprême a rendu une décision qui a fait école en droit canadien.

Le jugement de la Cour d’appel affirmait que l’enfant à naître avait un statut civil, peu importe le stade de la grossesse, et donc le droit de naître. Avant que la Cour suprême ne rende son jugement, la jeune femme s’était rendue à Boston pour subir un avortement, à la vingtième semaine de grossesse. 

La décision de la Cour suprême a fait jurisprudence. Elle reconnaissait que le fœtus n’est pas compris dans le terme « être humain » employé dans la Charte québécoise des droits de la personne. Le problème est que le Charte en question n’a jamais définit ce qu’était « une personne humaine ». Aux yeux de la Cour suprême, si le législateur avait voulu accordé au fœtus le droit à la vie, il n’aurait pas laissé cette définition, ni la protection de ce droit, dans l’incertitude. Définir ce qu’est une personne, ajoutait la Cour, ne relève pas du simple jeu linguistique. 

Depuis lors, le fœtus est définitivement sans droit au Canada, dans un vide juridique qui laisse libre cours à toutes les pratiques. Cet automne, divers groupes militant pour le droit des femmes de choisir célébrerons le 20e anniversaire du jugement de la Cour suprême, rendu à peine un an après la décriminalisation de l’avortement, le 28 janvier 1988.

Le 24 juillet dernier, l’édition anglaise de Zenit publiait un article signé par Karna Swanson «À la recherche d’un terrain d’entente sur l’avortement.» On y apprend qu’une coalition de gens pro-vie et pro-choix étaient réunis à Washington la semaine dernière pour trouver un terrain d’entente afin de dissoudre la véritable guerre qui oppose les deux camps sur la question de l’avortement. Un projet de loi a été déposé en ce sens. Le hic : les mouvements pro-vie les plus influents étaient absents. Le projet vise à réduire le recours à l’avortement par la planification des naissances (family planning) et un meilleur accès à des soins préventifs et postpartum. On parle ici de contraceptions, de soutien à la mère pendant et après la grossesse ainsi que l’appui d’initiatives qui font la promotion de l’adoption et des familles d’accueil. 

Toutes ces mesures, nous apprend Swanson, se trouve déjà dans un autre projet de loi présenté au cours de l’année devant les deux chambres américaines. Le «Pregnant Women’s Support Act» fait partie d’une vaste initiative des «Démocrates pour la Vie» et de leur programme 95-10 qui vise à réduire le taux d’avortements de 95% en 10 ans. La promotion de l’abstinence, de la responsabilité personnelle, de l’adoption et le soutien des femmes et des familles qui font face à une grossesse imprévue.

Pour les évêques américains, ce projet de loi constitue le terrain d’entente à partir duquel la société américaine peut se rassembler pour réduire le nombre d’avortements. Le cardinal Justin Rigali, président du comité pro-vie des évêques américains, estime que les Américains s’entendent sur au moins deux points. D’abord qu’un million d’avortements par année constitue une tragédie et qu’il faut prendre des mesures pour réduire ce nombre. Ensuite, tous sont d’accord à l’effet qu’aucune femme ne devrait subir un avortement parce qu’elle sent qu’elle n’a d’autre choix ou parce que les alternatives n’étaient pas disponibles ou connues.

Ce second projet de loi a reçu peu d’appuis des pro-choix, la question de la contraception venant brouiller les cartes. Il faut lire l’article en anglais de Mme Swanson pour mieux saisir les enjeux de ces projets de loi. Il reviendra au président Obama de choisir lequel de ces terrains d’entente est préférable pour la société américaine sur un enjeu qui les divise et polarise depuis des décennies.

Avec un système social qui soutient les familles et fournie gratuitement les soins appropriés aux mères et à leurs nouveau-nés, le Canada devrait, semble-t-il, être à l’avant-garde de la lutte pour réduire le nombre d’avortements. Avec des données récentes, il faudrait voir si tel est le cas et établir une comparaison avec des données équivalentes en provenance des États-Unis. Avant même d’être une question de droit de la femme ou du fœtus, l’avortement est une procédure drastique qui pourrait être, dans la majorité des cas, évitée.

De part et d’autres, il devient de plus en plus difficile de se braquer sur ses positions, parfois montées en idéologies, dans le but de faire avancer sa cause. Le dialogue et le bon sens devront prévaloir. Les discussions qui ont court aux États-Unis en ce moment pourraient inspirer les Canadiens dans ce sens.  

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