À la recherche du cœur de Marguerite

Atsuko

Je suis une sœur de la Congrégation de Notre-Dame (CND). Le 1er avril 2013, j’ai quitté le Japon pour entreprendre un mandat d’un an comme membre de la communauté internationale de la Maison mère à Montréal.

J’aimerais d’abord vous raconter brièvement l’histoire de la CND au Japon. En 1932, à la requête d’un évêque canadien dominicain responsable de l’Église catholique dans le district de Tohoku au Japon, cinq sœurs canadiennes traversent l’océan Pacifique et mettent sur pied une mission à Fukushima, une petite ville agricole située à 240 kilomètres au nord-est de Tokyo. Même si les sœurs francophones ne peuvent guère communiquer avec la population locale, elles sont accueillies chaleureusement par le petit groupe de catholiques de la paroisse ainsi que par les non-catholiques, peu importe leurs croyances religieuses.

L’œuvre missionnaire des sœurs se poursuit à Fukushima; elles construisent un nouveau couvent et ouvrent un jardin d’enfants. Toutefois, les nuages de la guerre commencent à s’amonceler au-dessus du Japon.

En 1942, la Guerre du Pacifique éclate. L’armée japonaise confisque le couvent, le convertissant en camp d’internement pour les nationaux étrangers. Quelques sœurs canadiennes retournent dans leur pays tandis que d’autres sont assignées à résidence et envoyées dans la région d’Aizu, dans l’arrière-pays de la préfecture de Fukushima. Dépourvues de moyens de communication avec le monde extérieur et réduites à vivre dans la pauvreté, elles sont sauvées par trois postulantes japonaises qui ont refusé de quitter la Congrégation malgré les conseils répétés de prêtres japonais. Elles restent avec les sœurs canadiennes, leur procurant en secret la nourriture et les autres produits de première nécessité. Ensemble, elles prient et attendent que la paix se rétablisse. La guerre, commencée le jour de la fête de l’Immaculée Conception, se termine finalement en 1945, le jour de la fête de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. Maintenant libres, les sœurs canadiennes internées à Aizu retournent à Fukushima où elles prennent des orphelins de guerre sous leur protection. L’année suivante, elles ouvrent une école primaire; parmi les élèves figurent les orphelins de guerre.

Depuis, le nombre de nos écoles au Japon a augmenté : un jardin d’enfants, une école primaire, une école secondaire et un collège offrant un programme de deux ans à Fukushima; un jardin d’enfants et une résidence pour filles à Tokyo; une école primaire, une école secondaire de premier cycle et une école secondaire de deuxième cycle à Kita-Kyushu. Actuellement, on compte soixante-dix sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, incluant sept sœurs canadiennes, engagées dans des activités éducatives et apostoliques.

Née de parents catholiques, j’ai été baptisée peu après ma naissance, fait assez inhabituel puisque la majorité des Japonais se déclarent à la fois shintoïstes et bouddhistes. J’ai étudié douze ans dans une école de la Congrégation à Kita-Kyushu, et quatre autres années dans une université de Tokyo tout en vivant à Chofu dans une résidence de la CND pour étudiantes. C’est à l’école primaire, à l’âge de six ans, que j’ai fait ma première rencontre avec Marguerite Bourgeoys. Mon souvenir le plus marquant de mes années d’école est le sourire d’une sœur canadienne d’origine irlandaise. Jamais je n’oublierai jamais le doux et lumineux sourire qui ne quittait jamais son visage.

Pendant mon noviciat, l’une des cinq sœurs pionnières de 1932 m’a appris l’histoire de la Congrégation de Notre-Dame ainsi que la musique. Même si elle n’a pas insisté sur les désagréments et les difficultés dont elle avait fait l’expérience à son arrivée et spécialement pendant la guerre, je pouvais sentir la raison pour laquelle elle est restée au Japon : son amour profond de Jésus, de Marie et de notre fondatrice. Elle est demeurée au Japon parce que c’était la volonté de Dieu; parce que Marie était avec elle; et parce que Marguerite aurait agi de la même façon. Lorsque je réfléchis sur la vie de cette sœur à la lumière de celle de Marguerite, il me semble mieux comprendre Marguerite et ce qui fait sa grandeur. Cette sœur est décdée un an et deux mois après mes premiers vœux, et l’on m’a donné sa croix de profession.

Après mes vœux perpétuels, devenue professeure, j’ai enseigné le japonais dans les écoles secondaires de Fukushima et de Kita-Kyushu. Malgré mon emploi du temps très chargé, l’interaction avec mes jeunes étudiants se révélait une expérience très enrichissante. Certains de nos nouveaux étudiants avaient le cœur brisé à la suite d’un échec aux examens d’entrée à d’autres écoles. Toutefois, ils recevaient un accueil chaleureux dans les écoles de la CND. C’est là qu’ils ont appris : tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime (Isaïe 43,4). Rien ne m’a procuré autant de joie que de les voir retrouver leur estime de soi et retomber sur leurs pieds.

Cependant, je me posais parfois des questions. Avant mon entrée dans la vie religieuse, j’ai enseigné dans une école protestante où j’ai rencontré plusieurs professeurs laïcs dévoués. Le matin, pendant le culte, ils prêchaient la parole de Dieu et ensuite, ils se rendaient en classe pour enseigner et guider les étudiants. Quelle était la différence entre eux et une enseignante comme moi, une sœur? Cette question me préoccupait. Lorsque l’on m’a offert un mandat d’un an à Montréal, j’ai pensé que cela pourrait être l’occasion de prendre du recul par rapport à ma vie d’enseignante et de réfléchir sur cette question.

Après mon arrivée au Canada, dès que j’avais un moment de libre, je parcourais Montréal une carte à la main. J’ai ainsi visité églises et musées en commençant par la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Je me suis promenée dans le Vieux-Montréal où notre fondatrice a ouvert la première école de la ville. J’ai aussi contemplé les vieilles tours du Grand Séminaire dans lesquelles nos sœurs ont enseigné aux Amérindiennes. J’ai vu des portraits et des statues de Marguerite dans un grand nombre d’églises et observé que beaucoup d’endroits portaient le nom de notre fondatrice. Tout ce que j’ai vu et entendu porte témoignage de l’affection que lui voue la population de Montréal.

Mon investigation historique et archéologique m’a fait comprendre toute la difficulté de la vie de Marguerite aux premiers jours de Montréal. Le 16 novembre, jour de l’arrivée de Marguerite à Ville-Marie il y a près de quatre siècles, je me suis rendue dans le Vieux-Montréal. Le temps était déjà froid. Avec ses arbres presque tous dénudés, le port paraissait désert. Peu après allait s’installer un hiver des plus rigoureux!

CNDConvent

J’ai relu les écrits et biographies de Marguerite. Entre les lignes je pouvais sentir sa solitude et sa peur de l’inconnu. Dans sa France natale, elle avait prononcé des vœux privés, vécu une vie consacrée et poursuivi un engagement bénévole. Cependant, elle a choisi de sortir de sa zone de confort et trouvé le courage de s’aventurer dans un monde nouveau. Fidèle au plan de Dieu, elle s’est consacrée au service des autres et à l’enseignement de la Bonne Nouvelle, l’Évangile. Elle a recruté des compagnes et elle a fondé une communauté religieuse apostolique. En jetant un regard sur Ville-Marie du point de vue d’aujourd’hui, j’ai été touchée plus que jamais par le courage et l’accomplissement extraordinaire de Marguerite.

Partout dans le monde, nombre de gens remarquables ont édifié un pays. Toutefois la grandeur de Marguerite ne réside pas tant dans sa contribution à la construction de Ville-Marie que dans sa fondation d’une communauté religieuse féminine non cloîtrée vouée à l’éducation

Dans ses Écrits, Marguerite parle de l’amour d’amant. Elle aimait Jésus de cet amour et désirait demeure[r] toujours en la présence de Dieu comme une mère qui est passionnée pour son enfant ne [le] perd point de vue[1]. Elle a donc naturellement choisi la vie consacrée comme mode de vie. À l’imitation de la Vierge Marie conversante avec le prochain, Marie a vécu avec des femmes partageant le même désir : être au service d’autrui et répandre la parole de Dieu. Je pense qu’elle voulait que sa communauté soit un modèle de communauté humaine et un témoignage vivant en ce monde. Elle désirait profondément que les commandements de l’amour soient gravés dans son cœur et dans celui de ses sœurs : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit […] Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Matthieu 22,37-39).

Mes rencontres avec des sœurs impliquées dans diverses formes d’engagement apostolique et éducatif m’ont aidée à approfondir ma compréhension de notre fondatrice. J’ai appris que vivre son charisme est pour les sœurs de la plus grande importance dans leur processus de discernement, de découverte de leur vocation et de leur ministère. Nous devons discerner où nous sommes et où nous sommes appelées en dialogue avec nous-mêmes, avec nos supérieures, avec Jésus et avec Marguerite. Il nous est demandé de grandir personnellement et de croître spirituellement dans la vie religieuse, de comprendre le charisme et de le vivre avec passion.

Parce que je m’étais trop habituée à ma vie d’enseignante dans l’environnement protecteur des écoles CND, j’ai peut-être perdu de vue la raison pour laquelle j’ai été « envoyée pour la mission ». Ma mission est de suivre Jésus et de partager par mes paroles et mes actions la Bonne Nouvelle : « Vous comptez beaucoup aux yeux de Dieu. Dieu vous aime. Vous avez une immense valeur à ses yeux. » Tel que le souhaitait Marguerite, ma mission consiste à répandre le commandement de l’amour en construisant des relations chaleureuses avec mes compagnes et mes collègues. Ma mission consiste en un engagement sans réserve à la vie consacrée – ce que les premières missionnaires ont tenté de transmettre aux générations futures au risque de leur vie.

Les premières missionnaires ont beaucoup donné au Japon : la parole de Dieu, la spiritualité de Marguerite Bourgeoys, l’éducation, la vie religieuse… Je sais que j’ai beaucoup reçu pendant mon séjour au Canada. Toutefois, je m’interroge au sujet de ce que j’y ai accompli. Une chose est certaine : j’ai parlé de Fukushima.

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre et un tsunami dévastaient la côte nord-est du Japon; le séisme détruisait complètement le couvent bâti par les sœurs missionnaires en 1935.

Cette catastrophe sans précédent a sévèrement endommagé la centrale nucléaire de Fukushima. La contamination radioactive causée par la fusion du réacteur nucléaire a entraîné des effets dévastateurs à long terme sur la santé de la population de Fukushima. Plusieurs familles ont quitté Fukushima afin de protéger leurs enfants contre l’exposition aux radiations. En fait, le nombre des étudiants des écoles CND a beaucoup diminué. Ainsi, pour ne considérer que notre jardin d’enfants, 40 % des enfants l’ayant fréquenté ont quitté Fukushima. S’étant demandé ce que Marguerite aurait fait dans cette situation désastreuse, nos sœurs ont lancé plusieurs initiatives. D’abord, elles ont créé un programme de bourses pour aider les enfants touchés par le désastre. Elles ont rebâti le jardin d’enfants qui comprend maintenant un terrain de jeux entouré de murs de verre. Ainsi, les enfants peuvent jouer à l’intérieur sans être exposés à l’air contaminé. En collaboration avec quelques diocèses, quelques sœurs ont conçu le projet d’éloigner les enfants des radiations en les envoyant passer l’été dans un camp de vacances. D’autres sœurs rendent visite régulièrement aux victimes vivant encore dans des logements provisoires pour être à l’écoute de leurs problèmes et de leurs préoccupations, ou tout simplement pour manifester une présence. Récemment, un groupe de personnes bénévoles se sont jointes à ces sœurs. Elles offrent un soutien affectif à des femmes faisant face à un avenir incertain, surtout lorsqu’elles doivent élever des enfants dans des circonstances aussi difficiles.

L’été dernier, j’ai participé comme représentante de la province japonaise à la rencontre du Réseau de justice sociale de la Congrégation de Notre-Dame. À l’aide d’une présentation PowerPoint préparée par les sœurs de Fukushima, j’ai eu l’occasion de faire connaître la situation qui y règne actuellement et la façon dont les sœurs remédient aux difficultés.

Les sœurs et personnes associées de la province américaine de la CND ont lancé le « projet de solidarité de Blessed Sacrament avec Fukushima », un soutien moral et financier considérable pour nos sœurs japonaises. Nos sœurs américaines ont fait preuve d’un véritable sentiment de compassion, à l’imitation de Marguerite. Elles m’ont rappelé que je suis membre à part entière de la famille internationale de la CND.

En avril, je retournerai au Japon où j’exercerai un mandat à Fukushima. J’aimerais beaucoup continuer à jouer le rôle de personne-lien entre Fukushima et mes sœurs nord-américaines. Je rentre chez moi en emportant le cœur de Marguerite que j’ai trouvé à Montréal.

[1] Les textes en italique sont extraits des Écrits de Mère Bourgeoys.

Ce message a été écrit par Sr. Atsuko Nakamoto, CND en Mars 2013. Elle vit actuellement et oeuvre à Fukushima, au Japon.

Messe pour le 30e anniversaire de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal

Cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal

Ce vendredi, 26 septembre 2014, en la fête des saints martyrs canadiens,  une messe solennelle sera célébrée en la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, pour le 30ème anniversaire de la fondation du Grand Séminaire de Montréal. La célébration sera présidée par l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, à 19h30, et diffusée en direct sur Sel et Lumière.

Célébration eucharistique à l’occasion du 350e anniversaire de fondation de la paroisse Notre-Dame de Québec

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Homélie de Monsieur le Cardinal Jaime Lucas Ortega y Alamino
Archevêque de San Cristobal de La Havane
Envoyé spécial de Sa Sainteté le Pape François

Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, Québec, le 14 septembre 2014

Chers frères et sœurs, chers amis,

À la veille de la date qui commémore le 350e anniversaire de l’établissement de la première paroisse en Amérique du Nord, au nord des colonies espagnoles, l’Église célèbre la Fête de la Croix Glorieuse. La croix, comme instrument de torture, dans le temps où les vieux empires l’ont employée comme supplice des délinquants, ennemis ou pauvres déclassés, condamnés à mort, a toujours été signe d’ignominie, de cruauté et de haine. Quand on évoque, par contre, un événe- ment glorieux comme le triomphe d’un artiste ou la réussite d’un homme de science, dont ses découvertes bénéficient à l’humanité, nos sentiments sont de gratitude, de joie, de louange.

C’est seulement après que le Christ eut souffert sur la Croix, en nous montrant les côtés les plus nobles de l’être humain : l’amour sans limites, le pardon, le don de soi, l’abandon dans les mains de Dieu, la paix spirituelle que nous avons pu concilier Croix et Gloire. Parce que Jésus nous a montré comment, dans l’abîme de la solitude et de la souffrance, nous pouvons trouver la gloire, si on laisse de côté le désespoir, l’angoisse, les réactions violentes et inutiles, pour rencon- trer la paix, là où la douleur est plus profonde et lacérante, quand la réalité devient décevante ou inexplicable et que l’on s’abandonne entre les mains de Dieu.

Seule la Croix peut concilier les contraires. C’est seulement en regardant vers la Croix que nous pouvons guérir nos blessures et retrouver l’espérance, comme l’a fait le peuple de Dieu au désert, quand Moïse a dressé au sommet d’un mât un serpent de bronze. Alors, tous ceux qui étaient mordus par les serpents guérissaient de leurs morsures empoisonnées en regardant vers ce signe.

La Croix nous abîme et nous redresse ; la Croix nous guérit et nous sauve. Jésus, élevé sur la Croix, nous attire. Son amour sans limites nous réconcilie avec nous-mêmes et avec les autres. Quand notre regard se fixe sur la Croix, nous sommes sauvés du naufrage de la vie. Nous deve- nons capables de reprendre courage pour trouver des réponses à nos questions toujours nouvelles, toujours les mêmes.

Chers frères et sœurs, il y a plus de 400 ans, sur le paysage exubérant des lacs et des mon- tagnes, des bois et des prairies de cette terre merveilleuse du Canada, blanche ou verte, rouge et jaune, fût dressée la Croix du Christ. Sur cette Croix, mise en haut par les évangélisateurs de la première heure, les porteurs eux-mêmes de la Bonne Nouvelle furent immolés. Ils ont subi le martyre, des années avant la création de la paroisse Notre-Dame de Québec. Leur sang a fécondé cette terre canadienne qui a produit tant de fruits de sainteté et d’amour chrétien. Les bénéfi- ciaires de cette récolte ont été, en premier lieu, les fils et les filles du peuple laborieux, braves et renchéris de la Nouvelle-France, qui a su faire face à la dureté du climat et aux avatars d’une his- toire particulière et pleine de changements, dans laquelle la foi chrétienne a été la flamme pour réchauffer la froideur des cœurs, la lumière qui, à travers les ombres des longs hivers, a empêché qu’on perde de vue l’amour familial, la valeur personnelle et sociale du travail, la solidarité comme peuple désireux de garder sa culture, sa langue, ses belles traditions qui se sont toutes affermies sur la foi catholique.

Cette foi a été vécue autour des églises paroissiales où les prêtres ont dû assumer alors, pour l’accompagnement pastoral de son peuple, beaucoup de rôles de suppléances. Ainsi, mon- sieur le curé était en même temps le médecin, le banquier, le juge et l’avocat. Dans des lieux voi- sins à l’église paroissiale, après la messe du dimanche, se réglaient entre chrétiens les problèmes des piquets de clôtures déplacés sur la propriété d’un autre cultivateur, ou se vendaient et s’achetaient des agneaux et des vaches. C’est le Canada français que j’ai encore connu dans les temps où mes confrères du Séminaire des Missions Étrangères de Pont-Viau m’invitaient chez- eux pour les vacances d’été et pour y « faire les foins » en famille. C’est sûrement un Québec merveilleux et dépassé, quand les familles étaient nombreuses et les soirées de famille inou- bliables. Là, on racontait des histoires et tous chantaient, les plus vieux avec nostalgie, et les plus jeunes avec espérance : «Le ciel est bleu, réveille-toi, c’est un jour nouveau qui commence ».

Chers frères et sœurs canadiens : 350 ans après l’établissement de la première paroisse du Québec, Mgr François de Laval, votre saint évêque fondateur, un missionnaire inlassable qui est mort en nous laissant le témoignage d’un grand pasteur, semble vous inviter à commencer un jour nouveau dans votre vie chrétienne. Avec lui, et avec le Pape François, je veux vous dire à chacun de vous, chers québécois, chers canadiens : « Réveille-toi, un jour nouveau commence » au vingt-et-unième siècle pour l’Église du Québec, pour l’Église du Canada. Cela ne veut pas dire que le passé doit être oublié et encore moins rejeté. Un peuple qui oublie ou rejette son passé peut se dissoudre dans les structures rigides et monotones d’un monde global sans visage, ni figure et perdre son identité.

Il y a des structures et des façons d’agir qui furent valables pour le temps passé, quoiqu’on y trouve aujourd’hui les ombres qui accompagnent toujours la lumière. Mais cela a été le moyen que les anciennes générations ont trouvés pour proposer et soutenir des valeurs personnelles, fa- miliales et sociales, pour développer des attitudes et comportements humains qui constituent au- jourd’hui le riche patrimoine de votre peuple, et pour cultiver chez les peuples les vertus chré- tiennes, vécues parfois de façon héroïque, comme en témoigne la vie lumineuse des premiers missionnaires, prêtres et religieuses, et d’autres chrétiens qui les ont suivis. Quelques-uns d’entre eux sont inscrits au catalogue des saints et saintes : Saint François de Laval, Sainte Marie de l’Incarnation et les bienheureuses Marie-Catherine de Saint-Augustin et Dina Bélanger.

Mais il y a aussi un bon nombre de prêtres, religieux, religieuses et laïcs, hommes et femmes, pères et mères de famille, qui se sont sanctifiés dans l’anonymat de la vie quotidienne. Ils ont dressé très haut la Croix glorieuse du Christ, et non pas seulement devant vous, Canadiens, car l’ombre de la Croix, portée par vos missionnaires, a couvert de vastes régions du monde. L’Amérique latine et les Caraïbes, l’Afrique et l’Asie ont connu l’ardeur missionnaire de l’Église du Québec à travers des prêtres, religieux et religieuses, qui sont venus partager la vie et la souf- france de ces peuples pour annoncer l’Évangile.

Ma présence ici est celle d’un bénéficiaire de cet esprit missionnaire de l’Église québécoise qui a amené à Cuba, aux années cinquante du siècle passé, presque une centaine de prêtres des Missions Étrangères de la Province de Québec et plus d’une centaine de religieuses de différentes congrégations de cette même Province. Les Prêtres des Missions Étrangères étaient responsables du Petit Séminaire de mon Diocèse où j’ai fait quatre ans d’études avant de venir à Montréal pour étudier la théologie chez-eux au Séminaire de Pont-Viau.

Tout cela a créé des liens d’amitié et de gratitude de ma part envers l’Église de la Province de Québec, et spécialement envers les chers prêtres missionnaires avec lesquels j’ai fait non pas seulement mes études, mais dont j’ai reçu, dans le climat missionnaire du Séminaire de Pont- Viau, l’esprit évangélisateur que j’ai conservé, grâce au Seigneur, jusqu’à mon cinquantième an- niversaire d’ordination sacerdotale.

C’est pourquoi le Pape François, connaisseur de ma relation spéciale à cette Église du Canada, a voulu me désigner son délégué pour cette célébration. Dans la lettre que le Saint-Père m’a adressée pour me confier cet honneur, il fait une référence concrète à la mission évangélisatrice de l’Église et me demande d’exhorter spécialement les prêtres à la mission. C’est ce que je fais en pensant plutôt à cette nouvelle évangélisation que vous devez déployer en votre pays. Le Québec, qui se trouve en Amérique et n’a pas beaucoup plus de 350 années de vie ecclésiale, est cepen- dant un pays de vieille chrétienté, parce qu’il fut fondé par des catholiques venus de la France, considérée en ce temps encore un pays catholique, car il n’avait pas subi les grands ébranlements produits dans d’autres régions de l’Europe par la réforme protestante. L’Église du Québec fut donc établie selon le modèle de vie ecclésiale existant en France. Mais plus tard, quand les mou- vements sociaux et la révolution ont agité la France et toute l’Europe continentale, l’Église du Québec fut protégée des effets de ces événements, car le Canada s’était détaché de la France avant qu’ils se produisent.

Donc, c’est le mouvement séculariste tardif du XXe siècle qui a secoué le Canada, et très spécialement le Québec, le responsable des conditions de déchristianisation qu’on y trouve. Celles-ci sont semblables à celles qu’on trouve dans d’autres parties du monde dans des pays de vieilles chrétientés, mais avec les particularités propres de votre histoire. C’est pourquoi, de façon semblable aux pays de vieille tradition chrétienne, il faut déployer ici un actif processus d’évangélisation. C’est cette seconde évangélisation à laquelle le Saint Père invite toute l’Église et très spécialement les prêtres qui doivent être les premiers évangélisateurs.

Chers prêtres : la mission commence aujourd’hui par les voisins du presbytère. Le Pape François emploie souvent la phrase : « il faut sortir », en référence aux prêtres et aux chrétiens qui intègrent les communautés catholiques. Oui, il faut sortir de l’église, il faut traverser la rue, il faut aller vers les quartiers éloignés pour rencontrer les gens, en commençant par les plus pauvres, les personnes âgées, les malades, les marginaux, les égarés, sans oublier évidemment les jeunes et les familles qui vous entourent.

Quand le Pape François nous envoie aux périphéries, il ne veut pas dire seulement les cein- tures de misère matérielle qui entourent les grandes villes. Le Saint Père parle aussi des périphé- ries culturelles, des périphéries de la foi, de l’incroyance, de l’addiction, du péché. Ces périphé- ries, on les découvre tout près de nous, quand nous « sortons de nous-mêmes » pour devenir ca- pables de voir, avec les yeux de la foi, les hommes et les femmes qui nous entourent. Nous com- prenons alors qu’ils nous attendent, sans même le savoir.

Chers frères et sœurs, la crise de l’Église dans le monde actuel est une crise de foi. La foi est en même temps don de Dieu et réponse de l’homme. Donc, nous devons la demander hum- blement : « Seigneur, je crois, mais augmente ma foi ». De notre part, nous devons nous propo- ser de vivre la foi, de cette foi en Jésus Christ, qui a vaincu la mort sur la Croix glorieuse qui se dresse devant nous en cette fête comme signe de salut et source d’espérance.

Tout près de la Croix était la Vierge Marie et le disciple que Jésus a tant aimé. Cette pre- mière paroisse du Québec a été mise sous la protection de Notre-Dame, la Vierge Marie. Jésus nous l’a donnée comme Mère du haut de la Croix. Marie est l’étoile qui, dans l’aube de l’évangélisation, précède toujours le Christ. Demandons à Notre-Dame d’ouvrir les chemins de l’Évangile aux disciples qui veulent s’engager ici, dans la foi, à cette nouvelle évangélisation, la deuxième annonce du Christ Sauveur que le peuple canadien attend de vous et dont il a besoin pour rencontrer le chemin de cette plénitude de vie et d’espérance qui peut venir seulement du Christ Sauveur.

À Lui tout honneur et toute gloire, dans les siècles des siècles.

Rencontre mondiale des familles Philadelphia 2015

wmof logo w fontsCe matin près la Salle de Presse, Mgr.Vincenzo Paglia, Président du Conseil pontifical pour la famille, et Mgr.Joseph Chaput, OFM.Cap, Archevêque de Philadelphia (USA), ont présenté la prochaine Journée mondiale des familles, qui se déroulera du 22 au 27 septembre 2015 à Philadelphie. Evoquant tout d’abord les profondes racines religieuses de sa ville, Mgr.Chaput, a dit espérer la présence du Pape à un évènement qui comptera de 10 à 15.000 personnes représentant les divers continents. Puis il a expliqué que le thème de la Journée (« L’amour est notre mission, la famille pleinement vive ») s’inspirait d’une phrase d’Irénée de Lyon pour qui la gloire des hommes et des femmes réside dans leur capacité à aimer comme Dieu aime: « La vie familiale est une invitation à incarner cet amour au quotidien ».

La Journée sera préparée au moyen d’un document catéchistique préparatoire destiné à aider les diocèses, les paroisses et les catéchistes. En dix points, il part de la création de l’homme pour aborder la sexualité, le mariage et les enfants, le sacerdoce et la vie consacrée, mais aussi la conscience écologique au sein de l’Eglise, le témoignage missionnaire des familles chrétiennes. Ce texte, qui inclut la prière spéciale, est à la base des différents programmes de la Rencontre 2015, conférences, sessions de travail et témoignages. Sa version anglaise, espagnole, française et portugaise sera successivement traduite en d’autres langues. Pendant toute la durée de l’évènement sera exposé dans la cathédrale un tableau de Neilson Carlin représentant la Sainte Famille entourée d’Anne et Joachim, qui veut rappeler que la famille chrétienne se compose de jeunes et d’anciens, des parents aux enfants, des grands parents à la parenté élargie.

Ensuite Mgr.Paglia a présenté l’activité annuelle de son dicastère, mais aussi le séminaire Famille et Pauvreté organisé avec la Caritas internationale le 18 septembre (150 experts), la Rencontre du Pape avec le troisième âge du 28 (« La longue vie est une bénédiction »), le congrès international du mouvement Famille et Vie (du 22 – 24 janvier prochain: « Relire ensemble le Synode sur la famille »), la commémoration le 24 mars 2015 de l’encyclique Evangelium Vitae par une veillée de prière à Ste.Marie Majeure. Enfin il a indiqué la mise en route du site www.familia.va à partir de l’ouverture du Synode le 5 octobre, et une édition spéciale de Jarà – Spectavle de la Vie, proposant des textes et des images relatives aux thèmes contenus dans l’Instrumentum Laboris. Pendant les assises synodales, une note hebdomadaire exposera les travaux des pères, accompagnés d’interviews d’évêques et d’experts.

Le ferment dans la pâte ou l’humanisation du Mondial

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Photo: Courtoisie de Catholic News Service

La coupe du monde de soccer, qui est sur le point de se terminer, nous invite à réfléchir sur la nature du sport et sur son rapport avec le développement de la personne humaine. La popularité du sport en général, dont le soccer est un représentant emblématique, manifeste l’universalité du phénomène. Peu importe l’âge, la nationalité, la race ou l’idéologie politique, le sport réussit à enflammer les cœurs et procure un sentiment de satisfaction et d’appartenance. Pourquoi ces deux sentiments réussissent-ils par leur intensité à procurer autant de joie ? La réponse à cette question trouve une réponse dans le Mystère de la Sainte Trinité. En effet, le Dieu Trine est une communion de personnes unies substantiellement par une communion d’amour divinement infinie. Qu’est-ce que cela à voir avec le soccer me direz-vous ? Le lien provient de la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu. En effet, l’homme étant fait à l’image d’un Dieu « communautaire », c’est-à-dire d’une communion de Personnes si parfaites qu’elle est de toute éternité Une Substance, il aura nécessairement ce désir de communion inscrit au plus profond de son être. Les sentiments d’appartenance et de communion sont ce que le sport permet de réaliser, lui donnant ainsi un avant goût de l’accomplissement de sa nature profonde. [Read more…]

Homélie du Pape François du 7 juillet 2014

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Lundi matin, le Pape a célébré la messe en la chapelle Sainte-Marthe avec six victimes de prêtres pédophiles venues d’Allemagne, d’Irlande et du Royaume-Uni, et avec les membres de la commission pontificale pour la protection des mineurs. Voici la traduction française de son homélie réalisée par Sel et Lumière :

L’image de Pierre qui, voyant sortir Jésus de l’interrogatoire, croisa son regard et se mit à pleurer me touche particulièrement aujourd’hui. En effet, votre regard m’arrive au cœur avec ceux de tant d’hommes et de femmes, de garçons et de filles. Je sens le regard de Jésus et je demande la grâce que l’Église puisse pleurer et faire réparation pour ces enfants qui ont trahi leur mission, qui ont abusé de personnes innocentes. Aujourd’hui je vous suis reconnaissant d’être venus jusqu’ici.

Depuis longtemps, je sens dans mon cœur une douleur profonde, une souffrance, longtemps cachée, dissimulée avec une complicité qui n’a pas d’explication, jusqu’à ce que quelqu’un sente le regard de Jésus, et un autre la même chose, et un autre la même chose… et ils ont eu le courage de soutenir ce regard. Ces petits qui ont commencé à pleurer, comme par contagion, ont réveillé notre conscience devant ce crime et ce péché grave.

Voilà mon tourment et ma douleur devant le fait que certains prêtres et évêques ont violé l’innocence de mineurs et ainsi leur propre vocation sacerdotale en les abusant sexuellement. Il s’agit de beaucoup plus que des actes répréhensibles. C’est comme un culte sacrilège car ces enfants ont été confiés au charisme sacerdotal pour être amenés vers Dieu, et eux les ont sacrifiés à l’idole de leur concupiscence. Ils ont profané l’image même de Dieu par laquelle nous avons été créés. L’enfance, nous le savons tous, est un trésor. Le cœur des jeunes, ouvert et plein de confiance, contemple les mystères de l’Amour de Dieu et se montre disponible à la foi d’une manière unique. Aujourd’hui, le cœur de l’Église regarde les yeux de Jésus dans ces jeunes enfants garçons et filles et veut pleurer. Elle demande la grâce de pleurer devant de tels actes exécrables d’abus perpétrés contre des mineurs. Des actes qui ont laissé des cicatrices pour toute la vie. [Read more…]

Tragédie à Lac-Mégantic un an plus tard

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Il y a maintenant un an, un terrible accident ferroviaire venait toucher la communauté de Lac-Mégantic emportant avec lui 47 personnes. Devant un tel drame, il est parfois difficile de trouver les mots justes pour tenter de découvrir le sens que peuvent revêtir la souffrance et la détresse. Une telle entreprise n’est toutefois pas dénuée de pertinence. En effet, depuis toujours, la souffrance représente pour l’homme un véritable scandale. Cela est dû au fait qu’il y a dans le cœur humain un désir d’absolu si grand qu’il se sent rapidement trahi lorsqu’il est confronté à sa propre finitude. Les chrétiens ne sont pas à l’abri de ce sentiment puisque Dieu leur a révélé qu’Il se faisait proche d’eux et attentif à tous leurs besoins comme un Père pour ses enfants. Comment donc un Dieu Tout-Puissant et, à fortiori, Tout-Aimant peut-Il laisser une catastrophe pareille arriver et une peine pareille être infligée? La réponse se trouve dans la reformulation de cette même question.

L’Église et l’expérience chrétienne enseignent que « la foi en Dieu le Père Tout-Puissant peut être mise à l’épreuve par l’expérience du mal et de la souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable d’empêcher le mal » (CEC no 272).[1] L’expérience du mal et sa conséquence, la souffrance, génèrent presque nécessairement un sentiment de révolte et d’incompréhension. Cependant, en se faisant proche de ceux qui souffrent, l’Église rend témoignage de la présence du Christ au milieu d’eux. D’un côté, elle reconnaît en eux la présence du Christ souffrant mais à son tour elle apporte la lumière du Christ présent dans les sacrements, spécialement l’Eucharistie. Cela apparaît effectivement mystérieux puisque en ce sens c’est le Christ qui se rencontre lui-même en nous! Effectivement, le mystère de l’Église, Corps mystique du Christ, se révèle à travers toutes les dimensions de la vie humaine (naissance, mariage, etc.) mais également dans les moments de souffrance. C’est dans ces circonstances que le Christ manifeste le plus pleinement son Amour pour l’humanité. Nous pouvons voir quelque chose de semblable dans les relations humaines. De fait, c’est lorsque nous sommes dépouillés de nos sécurités (perte d’emploi, de réputation, deuil, etc.) que l’on voit, d’un côté, qui sont nos vrais amis et, de l’autre, à quel point nous avons besoin d’eux. Cela se manifeste avec Dieu de manière analogue. Lorsque tout va mal, on se rend compte, d’une part, de la grandeur de la fidélité de Dieu et, d’autre part, de notre absolu dépendance à l’égard de son Amour. C’est pourquoi l’Église enseigne que « Dieu le Père a révélé Sa Toute Puissance de la façon la plus mystérieuse dans l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par lesquels Il a vaincu le mal » (CEC no 272). Ainsi, bien qu’il soit légitime de rechercher la présence de Dieu à travers les événements tragiques, nous ne devons pas tenter de rechercher sa Toute Puissance à la manière d’un « Superman ». C’est plutôt dans son abaissement que nous la retrouverons. En effet, « seule la foi peut adhérer aux voies mystérieuses de la Toute Puissance de Dieu » (CEC no 272) puisque c’est seulement par ce nouveau regard que nous pourrons percevoir la Toute-Puissance de Dieu dans la souffrance et la mort puisqu’elle s’est révélée dans l’Incarnation du Fils Unique de Dieu qui a pris « la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Phi 2, 7-8). Ainsi, ce passage difficile de l’acceptation de la mort est rendu possible grâce à la croix du Christ et c’est ainsi que nous serons amené jusqu’à la Résurrection. [Read more…]

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