Homélie du pape François lors de la Messe et de la Procession Eucharistique pour la Solennité du Corpus Cristi

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« Faites cela en mémoire de moi » (1Co 11, 24.25)

Par deux fois, l’Apôtre Paul, écrivant à la communauté de Corinthe, rapporte de commandement de Jésus dans le récit de l’institution de l’Eucharistie. C’est le témoignage le plus ancien sur les paroles du Christ lors de la Dernière Cène.

« Faites cela ». C’est-à-dire prenez le pain, rendez grâce et rompez-le ; prenez le calice, rendez grâce et distribuez-le. Jésus commande de répéter le geste par lequel il a institué le mémorial de sa Pâque, au moyen duquel il nous a donné son Corps et son Sang. Et ce geste est parvenu jusqu’à nous : c’est le “faire” l’Eucharistie, qui a toujours Jésus comme sujet, mais qui se réalise à travers nos pauvres mains ointes d’Esprit Saint.

« Faites cela ». Déjà précédemment Jésus avait demandé aux disciples de “faire” ce qu’il avait déjà clair dans son esprit, en obéissance à la volonté du Père. Nous venons de l’entendre dans l’Évangile. Devant les foules fatiguées et affamées, Jésus dit aux disciples : « Donnez-leur vous- mêmes à manger » (Lc 9, 13). En réalité c’est Jésus qui bénit et rompt les pains jusqu’à rassasier tous ces gens, mais les cinq pains et les deux poissons ont été offerts par les disciples, et Jésus voulait précisément ceci : qu’au lieu de congédier la foule, ils mettent à sa disposition le peu qu’ils avaient. Et ensuite, il y a un autre geste : les morceaux de pain, rompus par les mains saintes et vénérables du Seigneur, passent dans les pauvres mains des disciples, qui les distribuent aux gens. Cela aussi c’est “faire” avec Jésus, c’est “donner à manger” avec lui. Il est clair que ce miracle ne veut pas seulement rassasier la faim d’un jour, mais il est signe de ce que le Christ entendCapture d’écran 2016-05-26 à 11.03.43 accomplir pour le salut de toute l’humanité en donnant sa chair et son sang (cf. Jn 6, 48-58). Et cependant il faut toujours passer par ces deux petits gestes : offrir le peu de pains et de poissons que nous avons ; recevoir le pain rompu des mains de Jésus et le distribuer à tous.

Rompre : c’est l’autre parole qui explique le sens du « faites cela en mémoire de moi ». Jésus s’est rompu, il se rompt pour nous. Et il nous demande de nous donner, de nous rompre pour les autres. Justement ce “rompre le pain” est devenu l’icône, le signe de reconnaissance du Christ et des chrétiens. Rappelons-nous Emmaüs : ils le reconnurent « à la fraction du pain » (Lc 24, 35). Rappelons-nous la première communauté de Jérusalem : « Ils étaient assidus […] à la fraction du pain » (Ac 2, 42). C’est l’Eucharistie, qui devient depuis le commencement le centre et la forme de la vie de l’Eglise. Mais pensons aussi à tous les saints et saintes – célèbres ou anonymes – qui se sont « rompus » eux-mêmes, leur propre vie, pour “donner à manger” à leurs frères. Que de mamans, que de papas, avec le pain quotidien, coupé sur la table de la maison, ont rompu leur cœur pour faire grandir leurs enfants, et les faire bien grandir ! Que de chrétiens, comme citoyens responsables, ont rompu leur propre vie pour défendre la dignité de tous, spécialement des plus pauvres, des exclus et des discriminés ! Où trouvent-ils la force pour faire tout cela ? Justement dans l’Eucharistie : dans la puissance d’amour du Seigneur ressuscité, qui aujourd’hui aussi rompt le pain pour nous et répète : « Faites cela en mémoire de moi ».

Puisse aussi le geste de la procession eucharistique, que nous allons accomplir dans peu de temps, répondre à ce mandat de Jésus. Un geste pour faire mémoire de Lui ; un geste pour donner à manger à la foule d’aujourd’hui ; un geste pour rompre notre foi et notre vie comme signe de l’amour du Christ pour cette ville et pour le monde entier.

[00881-FR.01] [Texte original: Italien]

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Église en sortie 20 mai 2016

Cette semaine à Église en sortie, nous vous présentons une entrevue avec Sr. Marie-Paule Sansfaçon et Sr. Nicole Joly qui nous présente la revue « Le Précurseur » ainsi que leur communauté : Les sœurs Missionnaires de l’Immaculée Conception. Dans la deuxième partie, nous assistons à la conférence de presse du diocèse de Québec suite à la publication de l’exhortation apostolique post-synodale « Amoris Laetitia ». Enfin, ans la dernière partie nous rencontrons l’abbé Jean-Philippe Auger, prêtre de l’archidiocèse de Québec et auteur du livre « Comment Jésus a coaché douze personnes ordinaires pour en faire des leaders extraordinaires ».

Un travail au service de la famille

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Le premier mai, c’est la journée internationale des travailleurs. On le sait, le travail est une dimension centrale de la vie humaine qui a des répercussions sur toutes les autres, y compris sur la vie familiale. Il m’a donc semblé opportun de revisiter l’exhortation apostolique Amoris Laetitia en reprenant certains des enseignements qu’on y trouve sur le travail et ses incidences sur les familles de notre temps.

Un enseignement qui passe à travers les âges

L’enseignement de l’Église sur le travail est fortement enraciné dans la Révélation divine. Dès les premières pages de la Genèse, on trouve un enseignement profond et riche de signification. En effet, on y apprend que le travail, que nous trouvons parfois si ardu, n’est pas une punition de Dieu. Il ne s’agit pas non plus, comme on pourrait le penser, d’une conséquence du péché originel puisqu’il y est déclaré que « l’homme a été établi dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2, 15). On ne doit donc pas considérer le travail comme un « mal nécessaire » qui devrait éventuellement disparaître. Contrairement aux idées reçues de la « société des loisirs » et qui ont aussi, selon moi, mal vieillies, le pape François affirme, que, Dieu Lui-même dans son Incarnation en Jésus « gagnait son pain en travaillant de ses mains » (no 65). On ne doit donc pas fuir le travail puisque (no24) « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Par contre, on ne doit jamais perdre de vue que le travail doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Le travail au service de la famille

Pour le pape François et l’enseignement de l’Église, le travail est très important à la fois pour les personnes et la société ainsi que pour cette réalité mitoyenne qu’est la famille. En effet, si le travail est bon pour la famille, il sera bon et pour la personne, et pour la société. Les problèmes commencent lorsque ce n’est pas le cas. En effet, « le travail permet à la fois le développement de la société, l’entretien de la famille ainsi que sa stabilité et sa fécondité » (no 24)

Pour ce faire, la société doit, dans un premier temps, permettre au travail d’être au service des familles d’abord en faisant en sorte que les parents travaillent puisque « manquer de sources de travail affecte de diverses manières la sérénité des familles. » (no 25). De fait, les familles souffrent en particulier des problèmes liés au travail. Les possibilités pour les jeunes sont peu nombreuses et l’offre de travail est très sélective et précaire. Les journées de travail sont longues et souvent alourdies par de longues période de déplacement. Ceci n’aide pas les membres de la famille à se retrouver entre eux et avec leurs enfants, de façon à alimenter quotidiennement leurs relations ( no 44).

Deuxièmement, la société doit également prendre conscience qu’actuellement elle crée de nombreux obstacles à la formation de familles fortes. De fait, « le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation sociale et l’organisation du travail, parce qu’ils sont des facteurs culturels qui font peser des risques sur la possibilité de choix permanents » (no 33 & 287). De plus, même dans les sociétés les plus développées comme la nôtre, on voit néanmoins de nouvelles formes de discrimination apparaître ici et là sous le couvert de nouvelles lois soit disant « à l’avant garde ». En effet, « à ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience. De même, l’Église sent non seulement l’urgence d’affirmer le droit à la mort naturelle, en évitant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie », mais aussi elle « rejette fermement la peine de mort ». (no 83) [Read more…]

Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé des jeunes

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« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).

Chers jeunes garçons et filles, quelle grande responsabilité le Seigneur nous confie aujourd’hui ! Il nous dit que les gens reconnaîtront les disciples de Jésus à la façon dont ils s’aiment entre eux. L’amour, en d’autres termes, est la carte d’identité du chrétien, c’est l’unique ‘‘document’’ valide pour être reconnu disciples de Jésus. Si ce document expire et n’est pas renouvelé continuellement, nous ne sommes plus des témoins du Maître. Alors, je vous demande : voulez-vous accueillir l’invitation de Jésus à être ses disciples ? Voulez-vous être des amis fidèles ? Le vrai ami de Jésus se distingue essentiellement par l’amour concret qui resplendit dans sa vie. Voulez-vous vivre cet amour qu’il nous donne ? Cherchons alors à nous mettre à son école, qui est une école de vie pour apprendre à aimer.

D’abord et avant tout, aimer, c’est beau, c’est la voie pour être heureux. Mais ce n’est pas facile, c’est exigeant, cela demande de l’effort. Pensons, par exemple, à ce qui se passe lorsque nous recevons un cadeau : cela nous rend heureux, mais pour préparer ce cadeau, des personnes généreuses ont consacré du temps et de l’énergie ; et ainsi en nous offrant quelque chose, ils nous ont donné également un peu d’eux-mêmes, quelque chose dont ils ont su se priver. Pensons aussi au don que vos parents et vos animateurs vous ont fait, en vous permettant de venir à Rome pour ce Jubilé qui vous est consacré. Ils ont tout planifié, organisé, préparé pour vous, et cela leur procurait de la joie, même si peut-être ils renonçait à un voyage pour eux-mêmes. Aimer, en effet, veut dire donner, non pas seulement quelque chose de matériel, mais quelque chose de soi-même : son propre temps, sa propre amitié, ses propres capacités.

Regardons le Seigneur, qui est invincible en générosité. Nous recevons de lui de nombreux bienfaits, et chaque jour nous devrions le remercier… Je voudrais vous demander : remerciez-vous le Seigneur chaque jour ? Même si nous, nous l’oublions, lui, il n’oublie pas de nous offrir chaque jour un cadeau spécial. Il ne s’agit pas d’un cadeau à tenir matériellement en main et à utiliser, mais c’est un cadeau plus grand, pour la vie. Il nous donne sa fidèle amitié, qu’il ne nous retirera jamais. Même si tu le déçois et t’éloignes de lui, Jésus continue à t’aimer et à être proche de toi, à croire en toi plus que tu crois en toi-même. Et cela est si important ! Car la menace principale, qui empêche de bien grandir, c’est lorsque tu ne comptes pour personne, lorsque tu vois que tu es mis à l’écart. Le Seigneur, au contraire, est toujours avec toi et il est content d’être avec toi. Comme il l’a fait avec ses jeunes disciples, il te regarde dans les yeux et t’appelle à le suivre, à ‘‘prendre le large’’ et à ‘‘jeter les filets’’ confiant en sa parole, c’est-à-dire à mettre en jeu tes talents dans la vie, avec lui, sans peur. Jésus t’attend patiemment, il attend une réponse, il attend ton ‘‘oui’’.

Chers jeunes, à votre âge, émerge en vous, aussi d’une nouvelle manière, le désir d’aimer et d’être aimé. Si vous allez à son école, le Seigneur vous enseignera à rendre également plus belles l’affection et la tendresse. Il mettra dans votre cœur une intention bonne, celle d’aimer sans être possessif : d’aimer les personnes sans les vouloir comme vôtres, mais en les laissant libres. Il y a toujours, en effet, la tentation de polluer l’affection par la prétention instinctive de prendre, d’‘‘avoir’’ ce qui plaît. Et aussi, la culture consumériste renforce cette tendance. Mais toute chose, si on l’étreint trop, se froisse, s’abîme : puis, on est déçu, gagné par un vide intérieur. Si vous écoutez sa voie, le Seigneur vous révélera le secret de la tendresse : prendre soin de l’autreCapture d’écran 2016-04-24 à 12.05.54 personne, ce qui veut dire la respecter, la protéger et l’attendre.

Au cours de ces années, vous sentez aussi un grand désir de liberté. Beaucoup vous diront qu’être libres signifie faire ce qu’on veut. Mais ici il faut savoir dire des ‘non’. La liberté n’est pas pouvoir toujours faire ce qui me convient : cela enferme, rend distant, empêche d’être des amis ouverts et sincères ; ce n’est pas vrai que lorsque je me sens bien tout va bien. La liberté, en revanche, est le don de pouvoir choisir le bien : est libre celui qui choisit le bien, celui qui cherche ce qui plaît à Dieu, même si c’est pénible. Cependant c’est seulement par des choix courageux et forts qu’on réalise les plus grands rêves, ceux auxquels il vaut la peine de consacrer la vie. Ne vous contentez pas de la médiocrité, de ‘‘vivoter’’ dans le confort et assis ; ne vous fiez pas à celui qui vous distrait de la vraie richesse, que vous êtes, en vous disant que la vie est belle uniquement lorsqu’on a beaucoup de choses : méfiez-vous de celui qui veut vous faire croire que vous avez de la valeur quand vous portez le masque des forts, comme les héros des films, ou quand vous endossez des habits dernier cri. Votre bonheur n’a pas de prix et ne se commercialise pas : il n’est pas une ‘‘app’’ qu’on télécharge sur un téléphone portable : même la version la plus actualisée ne peut vous aider à devenir libres et grands dans l’amour.

En effet, l’amour est le don libre de celui qui a le cœur ouvert ; c’est une belle responsabilité qui dure toute la vie ; c’est l’engagement quotidien de celui qui sait réaliser de grands rêves ! L’amour se nourrit de confiance, de respect et de pardon. L’amour ne se réalise pas parce que nous en parlons, mais quand nous le vivons : il n’est pas une douce poésie à apprendre par cœur, mais un choix de vie à mettre en pratique ! Comment pouvons-nous grandir dans l’amour ? Le secret est encore le Seigneur : Jésus se donne à nous dans la Messe, il nous offre le pardon et la paix dans la Confession. Là, nous apprenons à accueillir son Amour, à le faire nôtre et à le diffuser dans le monde. Et quand aimer semble dur, quand il est difficile de dire non à ce qui est erroné, regardez la croix de Jésus, embrassez-la et ne lâchez pas sa main, qui vous conduit vers le haut et vous relève quand vous tombez.

Je sais que vous êtes capables de gestes de grande amitié et de bonté. Vous êtes appelés à construire l’avenir ainsi : avec les autres et pour les autres, jamais contre quelqu’un ! Vous ferez des choses merveilleuses si vous vous préparez dès à présent, en vivant pleinement votre âge si riche de dons, et sans avoir peur de l’effort. Faites comme les champions sportifs, qui atteignent de hauts objectifs en s’entraînant avec humilité et durement chaque jour. Que votre programme quotidien soit les œuvres de miséricorde : entraînez-vous-y avec enthousiasme pour devenir des champions de la vie ! Ainsi, vous serez reconnus comme des disciples de Jésus. Et votre joie sera totale.

[00657-FR.01] [Texte original: Italien]

Nous sommes tous en « situation irrégulière » !

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Vendredi dernier, le pape François publiait son exhortation apostolique post synodale sur l’amour dans la famille. J’ai déjà donné mes impressions sur ce que je retenais de ma première lecture du texte. Aujourd’hui et dans les semaines à venir, j’aimerais vous présenter mon analyse de chacun des chapitres du document. Cette semaine, je propose donc ma compréhension du chapitre premier d’Amoris Laetitia.

Entre mystère et réalité

Le premier chapitre de l’exhortation nous met en contact direct avec une vérité fondamentale de la foi catholique que j’appellerais le « dialogue entre mystère et réalité ». Souvent, on présente l’enseignement moral de Jésus comme étant en opposition avec la réalité d’aujourd’hui, avec notre monde moderne. De cela découlerait une impossibilité de mettre concrètement ces enseignements en pratique. Ainsi, le grand nombre de situations dites « irrégulières », avec lesquelles l’Église devrait maintenant composer, légitimeraient la constante réprimande faite à l’Église de la nécessité de changer ses enseignements. En ce sens, je crois que le premier chapitre d’Amoris Laetitia répond à cette critique d’une manière admirable en nous replongeant au racine de la fo catholique.

En effet, dans un premier, temps, il est important de comprendre que la foi et l’appartenance à l’Église ne dépendent en aucune manière des bonnes actions des personnes. Le salut n’est pas d’abord méritoire. Elle est un don gratuit de Dieu. Nul n’est donc sauvé sur ses propres mérites mais sur ceux du Christ de qui nous recevons constamment la grâce de nous y associer par son Église. En d’autres termes, il n’y a ni salut obligatoire pour tous, puisque nous devons librement nous associer au mérite du Christ, ni exclusion totale puisque personne ne se sauve par lui-même. Nous sommes tous en « situation irrégulière » ! Nous avons tous besoin de la Miséricorde de Dieu. Cette vérité fondamentale est au cœur des enseignements du pape François sur la famille et sur l’Église.

Éternelle disponibilité

En ces  « temps de relations frénétiques et superficielles » (no 28)[1], on pourrait être tenté de se décourager et de croire que la situation des familles d’aujourd’hui est irrécupérable. A contrario, Amoris Laetitia, me semble-t-il, se place dans la logique inverse, celle de l’espérance. En effet, le texte débute en manifestant à quel point « la Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page […] jusqu’à la dernière page » (no8)[2]. L’enseignement de Jésus sur la famille ne doit donc pas être compris comme une série de règles inertes à suivre pour se sauver soi-même mais comme la présence de Dieu en marche avec les personnes et toujours prêt à pardonner.

Nécessaire ouverture

Toutefois, cette invitation universelle à la vie éternelle doit être accueillie, dès ici bas, par des « oui » concrets à l’Amour de Dieu dans notre vie. La famille n’est-elle pas le lieu idéal de mise en pratique de cette vie nouvelle présente en nous depuis le baptême et qui n’attend que notre disponibilité pour se manifester ? Car, si « la famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même » (no 11)[3], la prise de conscience de cette vie déjà présente n’attend que nous pour rayonner au-delà, d’où la vocation missionnaire de toute famille. Voilà pourquoi, le Pape insiste sur la nécessité d’une spiritualité familiale dans laquelle « est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars » (no 30)[4].

Ainsi, sans prétendre épuiser la richesse du texte lui-même, le premier chapitre représente à mon sens un résumé de l’enseignement de l’Église dans le langage pastoral de la miséricorde. Tant par son souci d’affirmer que le contexte actuel est loin d’être étranger aux difficultés des familles que par son insistance sur la constante disponibilité et invitation de Dieu envers toutes les personnes, le pape François démontre une sagesse d’enseignement en présentant la logique de la Grâce dans un équilibre entre les largesses de la miséricorde de Dieu et notre liberté capable de choix éternellement définitifs. La semaine prochaine j’entamerai l’analyse du chapitre 2 d’Amortis Laetitia.

Amoris Laetitia ou la famille sur la voie de la charité

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Aujourd’hui même à midi heure de Rome, le pape François a publié sa très attendue exhortation apostolique intitulée Amoris Laetitia sur le thème de l’amour dans la famille. Ce document de 258 pages pour l’édition française est le fruit des travaux des deux synodes sur la famille qui ont eu lieu au Vatican en 2014 et 2015. Bien que, dès les premières pages du texte, le Pape « ne recommande pas une lecture générale hâtive » (no 7), la rédaction de ce premier article nécessitait que je le lise dans son entièreté assez rapidement… Toutefois, n’ayez crainte, nous aurons l’occasion d’en reparler dans une série d’articles dans lesquels nous nous arrêterons plus longuement sur les nombreux thèmes abordés. Je vous propose aujourd’hui mes premières impressions suite à ma lecture d’Amoris Laetitia, espérant que dans notre prochain rendez-vous, vous aurez eu l’occasion de parcourir cet important document vous-mêmes.

La première chose qui me vient à l’esprit après la lecture d’Amoris Laetitia c’est que ce texte respire la préoccupation de l’Église et du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Conscient de sa mission d’accompagner tous les fidèles et tous les humains, on perçoit avec quelle intensité le présent Pape souhaite que tous puissent découvrir la grandeur de cette vocation humaine. Pour cela, le Pape souhaite que l’on redécouvre l’essence de l’attitude de l’Église qui consiste en ce qu’il appelle la « via caritatis » (no 306) qui signifie en français la voie de la charité. En effet, on a souvent taxé l’Église d’être dogmatique et d’avoir un enseignement qui n’est plus en accord avec notre monde d’aujourd’hui. Il me semble que ce document répond magnifiquement à cette critique, à la fois, en manifestant que l’Église est non seulement parfaitement consciente et à l’écoute de la réalité contemporaine mais aussi qu’elle est capable d’un esprit critique envers elle-même et face au monde, esprit qu’elle puise à la lumière de la Révélation d’amour accomplie en Jésus-Christ.

En ce sens, les deux précédents synodes l’ont démontré : l’Église n’est pas cette institution fermée et rétrograde mais bien une communauté d’hommes et de femmes qui marchent ensemble à la suite du Christ; une communauté universelle qui s’interroge sur les meilleurs chemins à prendre pour rester le plus fidèle possible à l’amour qui repose en leur être depuis le baptême. Comment donc réaliser ce projet de Dieu sur nous dans nos familles aujourd’hui? C’est la question fondamentale à laquelle ce texte tente d’apporter sa contribution.

Pour ce faire, le pape manifeste que le dessein de Dieu sur la famille n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète. C’est pourquoi, on ne doit jamais se décourager de nous-mêmes ou des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Nous ne sommes pas parfaits et la perfection à laquelle nous sommes destinés n’est pas de ce monde. Les chutes et les échecs sur le chemin sont pour Dieu et pour nous des occasions de réconciliation dont le but sublime est de manifester la grandeur de la Miséricorde de Dieu.

C’est le deuxième point qui a attiré mon attention : ce souci de montrer que la miséricorde est la clé de compréhension de tout l’enseignement et de la pratique de l’Église. En effet, la miséricorde « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde » (no 310). Selon moi, tout le texte tient à revisiter cet enseignement sur la famille si incompris par bon nombre de personnes aujourd’hui; parmi lesquelles on retrouve malheureusement beaucoup de catholiques. Que ce soit dans la présentation des enseignements bibliques et magistériels sur la famille (chapitre 1 et 3), dans l’analyse des défis contemporains auxquels toutes les familles font face dans leur volonté (consciente ou non) de réaliser leurs plus grandes aspirations (chapitre 2 et 5), dans la présentation de la beauté et de l’héroïcité nécessaires à la mise en pratique des exigences de l’amour véritable (chapitre 4 et 7) ou de l’approche pastorale nécessaire pour accompagner les familles dans la réalisation de leur vocation universelle à la sainteté (chapitre 6 et 8), l’ensemble du document semble être orienté vers la proximité avec Dieu qui se trouve aux côtés de chacun d’entre nous et qui nous invite à le connaître et l’aimer par l’entremise de nos relations familiales « où se reflète, par grâce, le mystère de la Sainte Trinité » ( no 86).

Nous reviendrons, dans les prochaines semaines, sur les différents thèmes abordés dans cette exhortation apostolique qui, des plus polémiques aux plus apparemment anodins, auront sans doute eu l’occasion de faire surface ici et là dans l’actualité. Entre temps, je vous recommande fortement la lecture de ce document qui saura réchauffer le cœur de tous les lecteurs qui forcément sentiront l’immense trésor de sagesse dont l’Église est dépositaire et dont elle nous fait part gratuitement s’appuyant sur ce don ultime de Dieu par son Fils sur la Croix.

Message de Pâques du pape François durant la bénédiction « Ubi et Orbi »

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Vous trouverez ci-dessous le texte du pape François prononcé avant la bénédiction Ubi et Orbi:

« Rendez grâce au Seigneur : il est bon, éternel est son amour» (Ps 135, 1).

Chers frères et sœurs, bonnes fêtes de Pâques.
Jésus-Christ, incarnation de la miséricorde de Dieu, est mort par amour sur la croix, et, par
amour, est ressuscité. C’est pourquoi nous proclamons aujourd’hui : Jésus est le Seigneur !

Sa résurrection accomplit pleinement la prophétie du Psaume : la miséricorde de Dieu est éternelle, son amour est pour toujours, il ne mourra jamais. Nous pouvons nous confier totalement à lui, et nous lui rendons grâces parce qu’il est descendu pour nous jusqu’au fond de l’abîme.

Face aux gouffres spirituels et moraux de l’humanité, face aux vides qui s’ouvrent dans les cœurs et qui provoquent la haine et la mort, seule une miséricorde infinie peut nous donner le salut. Seul Dieu peut remplir de son amour ces vides, ces abîmes, et nous permettre de ne pas nous écrouler, mais de continuer à marcher ensemble vers le Terre de la liberté et de la vie.

L’annonce joyeuse de Pâques : Jésus, le crucifié, n’est pas ici, il est ressuscité (cf. Mt 28, 5- 6), nous offre la consolante certitude que l’abîme de la mort a été traversé et, avec lui, le deuil, la plainte et l’angoisse (cf. Ap 21, 4) ont été vaincus. Le Seigneur, qui a souffert l’abandon de ses disciples, le poids d’une condamnation injuste, et la honte d’une mort infâmante, nous rend maintenant participants de sa vie immortelle, et il nous donne son regard de tendresse et de compassion envers les affamés et les assoiffés, les étrangers et les prisonniers, les marginaux et les exclus, les victimes des abus et de la violence. Le monde est rempli de personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, et chaque jour les journaux sont pleins de nouvelles de crimes atroces, commis souvent dans les murs du foyer domestique, et de conflits armés, à grande échelle, qui soumettent des populations entières à des épreuves indicibles.

Que le Christ ressuscité ouvre des chemins d’espérance à la Syrie bien aimée, pays déchiqueté par un long conflit, avec son triste cortège de destructions, de mort, de mépris du droit humanitaire et de décomposition de la cohabitation civile. Nous confions à la puissance du Seigneur ressuscité les discussions en cours, pour que, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, on puisse recueillir des fruits de paix et engager la construction d’une société fraternelle, respectueuse de la dignité et des droits de tout citoyen. Que le message de vie, qui a retenti dans la bouche de l’Ange près de la pierre basculée du tombeau, soit victorieux de la dureté des cœurs et promeuve une rencontre féconde des peuples et desCapture d’écran 2016-03-27 à 09.40.03 cultures dans les autres zones du bassin méditerranéen et du Moyen Orient, en particulier en Irak, au Yémen et en Lybie.

Que l’image de l’homme nouveau qui resplendit sur le visage du Christ favorise la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens en Terre Sainte, ainsi que la disponibilité patiente et l’engagement quotidien à se dévouer pour construire les bases d’une paix juste et durable, par le moyen de négociations directes et sincères. Que le Seigneur de la vie accompagne aussi les efforts visant à trouver une solution définitive à la guerre en Ukraine, en inspirant et en soutenant également les initiatives d’aide humanitaire, parmi lesquelles la libération des personnes détenues.

Que le Seigneur Jésus, notre Paix (cf. Ep. 2, 14), qui par sa résurrection a vaincu le mal et le péché, stimule en cette fête de Pâques notre proximité aux victimes du terrorisme, forme aveugle et atroce de violence qui ne cesse pas de répandre le sang innocent en diverses parties du monde, comme cela s’est produit dans les récents attentats en Belgique, en Turquie, au Nigéria, au Tchad, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Que les ferments d’espérance et les perspectives de paix en Afrique aboutissent; je pense en particulier au Burundi, au Mozambique, à la République Démocratique du Congo et au Sud Soudan, marqués par des tensions politiques et sociales.

Avec les armes de l’amour, Dieu a vaincu l’égoïsme et la mort ; son Fils Jésus est la porte de la miséricorde grand ouverte à tous. Que son message pascal se projette de plus en plus sur le peuple vénézuélien, qui se trouve dans des conditions difficiles pour vivre, et sur tous ceux qui ont en main les destinées du pays, afin que l’on puisse travailler en vue du bien commun, en cherchant des espaces de dialogue et de collaboration avec tous. Que partout on se dévoue Capture d’écran 2016-03-27 à 09.54.29pour favoriser la culture de la rencontre, la justice et le respect réciproque, qui seuls peuvent garantir le bien être spirituel et matériel des citoyens.

Le Christ ressuscité, annonce de vie pour toute l’humanité, se prolonge au long des siècles, et nous invite à ne pas oublier les hommes et les femmes en chemin, dans la recherche d’un avenir meilleur, file toujours plus nombreuse de migrants et de réfugiés – parmi lesquels de nombreux enfants – fuyant la guerre, la faim, la pauvreté et l’injustice sociale. Ces frères et sœurs rencontrent trop souvent en chemin la mort ou du moins le refus de ceux qui pourraient leur offrir un accueil et de l’aide. Que le rendez-vous du prochain Sommet Humanitaire Mondial n’oublie pas de mettre au centre la personne humaine avec sa dignité et d’élaborer des politiques capables d’assister et de protéger les victimes des conflits et des autres situations d’urgence, surtout les plus vulnérables et tous ceux qui sont persécutés pour des raisons ethniques et religieuses.

En ce jour glorieux, « que notre terre soit heureuse, irradiée de tant de feux » (cf. Exultet ), terre qui est pourtant tellement maltraitée et vilipendée par une exploitation avide de gain qui altère les équilibres de la nature. Je pense en particulier à ces zones touchées par les effets des changements climatiques, qui provoquent souvent la sécheresse ou de violentes inondations, avec, en conséquence, des crises alimentaires en plusieurs endroits de la planète.

Avec nos frères et sœurs qui sont persécutés pour la foi et pour leur fidélité au nom du Christ, et face au mal qui semble avoir le dessus dans la vie de beaucoup de personnes, réécoutons la consolante parole du Seigneur : « Courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33). C’est aujourd’hui le jour resplendissant de cette victoire, parce que le Christ a foulé aux pieds la mort, et par sa résurrection il a fait resplendir la vie et l’immortalité (cf. 2Tm 1, 10). « Il nous fait passer de l’esclavage à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil à la fête, des ténèbres à la lumière, de l’esclavage à la rédemption. Disons-lui : Alléluia ! » (Méliton de Sardes, Homélie de Pâques).

A tous ceux qui, dans nos sociétés, ont perdu toute espérance et le goût de vivre, aux personnes âgées écrasées qui, dans la solitude, sentent leur forces diminuer, aux jeunes qui pensent ne pas avoir d’avenir, à tous j’adresse encore une fois les paroles du Ressuscité : « Voici que je fais toutes choses nouvelles…A celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement (Ap 21, 5-6).

Que le message rassurant de Jésus nous aide chacun à repartir avec plus de courage pour construire des chemins de réconciliations avec Dieu et avec les frères.
[00469-FR.01] [Texte original: Italien]

Reconsidérer le rôle de l’Église en éducation au Québec

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(Photo: Catholic News Service)

Depuis toujours, l’Église catholique s’est consacrée à la mission d’éducation. En effet, selon l’esprit même de son Fondateur, elle a su mettre en pratique sa mission d’aider à faire fructifier toutes les dimensions de la personne humaine qu’elle soit corporelle, intellectuelle ou spirituelle. Au cours de l’histoire, cette implication fondamentale a suscité la création de nombreuses institutions totalement dédiées à l’enseignement et à la formation des nouvelles générations. Des lieux où le savoir et la connaissance de la vérité seraient au cœur de la vie des personnes et qui, par la suite, pourraient améliorer le sort de l’espèce humaine par la découverte de nouvelles applications pratiques. Ces lieux sont ce que l’on nomme encore aujourd’hui « université » c’est-à-dire des lieux où l’universel prend le dessus sur le particulier, où la recherche de la vérité fait norme. C’est au Moyen-Âge et sous l’impulsion et la collaboration de l’Église que de telles institutions reçurent la forme qu’elles ont encore aujourd’hui.

Mais justement, quelle place l’Église doit-elle prendre aujourd’hui dans le domaine de l’éducation. Au Québec, par exemple, l’histoire récente montre que sa présence n’est plus aussi grande qu’elle a pu l’être. Certains diront même que la religion n’a plus sa place à l’école. Cette opinion, que l’on entend souvent, est toutefois quelque peu différente de ce que l’Église elle-même prône. De fait, la liberté de religion demande à ce que soit garantie l’affirmation des orientations fondamentales qu’une religion se donne à elle-même pas de celles qu’elle reçoit de l’extérieur. Ainsi, si l’on regarde partout dans le monde, on trouve dans la majorité des pays du monde des écoles et des universités catholiques qui sont, bien souvent, parmi les plus réputées. Comme le disait le pape François dans Evangelii Gaudium, ne cachant pas sa fierté : « Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier ! » (no 65). Mais revenons à notre sujet de la présence pastorale de l’Église dans les institutions d’enseignement chez nous au Québec et au Canada. Il est clair que le « processus de sécularisation tend à réduire la foi et l’Église au domaine privé et intime » (no 64). Dans ces circonstances, certains croient bénéfique de restreindre la portée des initiatives religieuses puisqu’elles sont considérées comme nuisibles à la paix et à la concorde sociale et à un climat d’étude sain. Toutefois, cette crainte, qu’on peut comprendre si on regarde la présentation qui en est faite dans les médias de masse, n’est pas justifiée.

Selon Sabrina Di Matteo, directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix, l’Église et la pastorale universitaire pourraient jouer un rôle de leadership dans l’offre de services spirituels et intellectuels auprès des étudiants universitaires. Toutefois, cela présupposerait de la part des universités une ouverture au phénomène religieux et une réelle reconnaissance du rôle positif de celui-ci dans la vie universitaire dans son ensemble. De fait, comme l’affirme le pape François « en bien des occasions, l’Église a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. » (no 65). Ainsi, loin d’être un fardeau à porter, les religions doivent être considérées comme des instruments utiles à la vie universitaire et, comme le disait cette semaine le député québécois Amir Kadir, « à la société dans son ensemble ». Que ce soit dans leur souci de recherche de la vérité, la centralité qu’elles accordent à l’éthique, leur ouverture au dialogue et à l’universel sans compter leur souci de situer les différents savoirs à l’intérieur d’un horizon existentiel et des questions de sens, les religions ont une mission essentielle à jouer dans tous les milieux, y compris les universités. De plus, le christianisme et, plus particulièrement, la religion catholique, portant déjà cette mission et ce leadership, ces dernières auraient tout à gagner à lui confier cette nouvelle responsabilité.

Enfin, l’implication de l’Église dans les milieux universitaires n’est pas seulement nécessaire pour les universités, elle l’est également pour l’Église et les chrétiens eux-mêmes qui ont besoin d’être intellectuellement confrontés dans leur croyance et, ce, pour deux raisons principales. D’abord, la raison et les savoirs tels que les sciences humaines et pures, permettent aux croyants, de se défaire de tous les éléments de superstition qui pourraient entacher leur foi et, par conséquent, leur relation avec le Christ. Secondo, cette même confrontation (Disputatio disait-on au Moyen-Âge) permet de mettre en pratique l’appel missionnaire reçu au baptême. En effet, « Les Universités sont un milieu privilégié pour penser et développer cet engagement d’évangélisation de manière interdisciplinaire et intégrée. Les écoles catholiques, qui se proposent toujours de conjuguer la tâche éducative avec l’annonce explicite de l’Évangile, constituent un apport de valeur à l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où une situation défavorable nous encourage à faire preuve de créativité pour trouver les chemins adéquats » (no 134).

Comme nous l’avons vu, la mission éducative fait partie intégrante de la mission de l’Église. Celle-ci a donc la responsabilité de s’investir dans ce lieu de recherche et d’étude de la vérité que sont les universités afin de mener non seulement à terme son appel au développement intégral de la personne humaine mais également pour que chaque chrétien puisse, par son engagement missionnaire, grandir dans sa relation avec le Christ. Pour ceux et celles que le sujet intéresse, je vous invite à regarder l’épisode d’Église en sortie du 11 mars 2016 dans lequel nous nous interrogeons, avec le P. André Descôteaux o.p. et Sabrina Di Matteo, sur cette questions ainsi que sur les initiatives concrètes en cette matière, dont le Centre étudiant Benoît-Lacroix.

Église en sortie 11 mars 2016

Cette semaine à l’émission Église en Sortie, Francis Denis reçoit le père André Descôteaux o.p., Prieur de la province canadienne de l’Ordre des Dominicains. On vous présente un reportage sur la célébration eucharistique soulignant le 30e anniversaire du Centre étudiant Benoît-Lacroix et le 800e anniversaire des Dominicains. Dans la deuxième partie de l’émission, nous vous présentons une entrevue avec Sabrina Di Matteo avec qui on discute de l’histoire du CEBL et de l’avenir de la pastorale universitaire.

Vers une conversion missionnaire de l’œcuménisme?

blog_1457123346 Photo: Courtoisie Catholic News Service

Il a deux semaines, alors que le pape François se rendait au Mexique pour une visite apostolique, une rencontre historique avait été organisée à Cuba avec le Patriarche orthodoxe russe Kyrill. Lors de cet entretien, les deux évêques chrétiens ont discuté à huis clos pendant plus d’une heure et ont signé une Déclaration commune que d’aucuns ont appelé programme de l’engagement prophétique des églises en ce début de XXIe siècle. En effet, ce document, en 30 points, fait à la fois, état des relations œcuméniques actuelles et des problèmes centraux de notre monde contemporain tout en ouvrant de nouvelles perspectives de solutions à ces deux niveaux.

Un regard tourné vers l’avant

Dans un premier temps, le lieu choisi pour la rencontre avait une valeur symbolique forte. Pour les deux chefs d’église chrétienne, le choix de Cuba soulignait symboliquement que les événements sombres qui entachent l’histoire et qui ont résulté dans le « scandale des divisions entre les chrétiens » ne doivent plus être l’objet principal de l’attention. En effet, « loin des vieilles querelles de l’« Ancien Monde », nous sentons avec une force particulière la nécessité d’un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15) » (no3). Lieu symbolique s’il en est un, Cuba ne fut pas d’abord choisi pour son caractère politiquement « neutre » mais parce que, même 524 ans après la découverte de Christophe Colomb, l’Amérique est encore le symbole d’un lieu de tous les possibles, d’un lieu où l’on peut croire en la sincérité de l’autre et reconstruire sur le socle solide d’une miséricorde réciproque.

Ce regard renouvelé doit donc permettre non pas de lire le passé dans le but d’alimenter les divisions mais plutôt dans le but de se rendre disponible au projet de Dieu sur nos deux églises. Suivant cette logique, ce nouvel élan devra donc davantage se concentrer sur le présent et, ce, dans le but d’aboutir à un meilleur futur. Ce nouveau regard n’est cependant pas des plus reluisants. Selon les deux chefs d’église, la « civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. » (no7). Ce tournant de civilisation, accéléré par une nouvelle proximité entre les peuples causée par des moyens de communications toujours

plus performants et une mobilité des populations s’accroissant sans cesse, ne peut plus tolérer une attitude de repli sur soi. On ne peut plus aujourd’hui se conforter dans nos apriori et nos préjugés réciproques. Un dialogue franc et sincère est donc l’unique option pour toutes les institutions, y compris les organisations religieuses. Cela, Kirill et François l’ont mis en pratique par cette rencontre. En ce sens, les deux chefs chrétiens ont donc, à la fois, donné l’exemple à tous ceux qui seraient tentés de se refermer sur eux-mêmes d’une possibilité de rapprochement de ce qui s’était éloigner depuis longtemps (dans ce cas on parle de presque mille ans !) mais ont également manifesté la force sous-jacente à toute réconciliation.

Un programme chargé

Comme je le disais plus tôt, notre monde a de nombreux défis qui nécessitent l’implication et la coopération de tous les acteurs civils et religieux. En effet, les bouleversements environnementaux, la lutte contre les structures de péchés, la pauvreté endémique, les persécutions visant majoritairement aujourd’hui les chrétiens ainsi que le terrorisme international ne sont pas des problèmes isolés. Ainsi, « En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. » (no 13). De plus, «  Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques » (no 14). Cette contribution des chrétiens dans le monde doit donc être mieux appréciée par tous, de ceux qui considère les chrétiens comme des ennemies comme les chrétiens eux-mêmes qui devront retrouver ou intensifier leur engagement social missionnaire.

Cette nouvelle coopération catholique-orthodoxe permettra aussi de manifester que ce travail d’éducation à la vertu est indispensable à toute société digne de ce nom. En ce sens, il est important souligner bon nombre de « limitations actuelles des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique » (no 15).

Comme on le dit souvent « L’union fait la force » ! Les circonstances actuelles ne permettent plus que nous restions isolés les uns des autres. Tous les problèmes mentionnés dans cette Déclaration, signée par le Pape et le Patriarche, doivent nous convaincre de la centralité et de la nouvelle pertinence de l’œcuménisme aujourd’hui. Puisse cette rencontre historique être l’occasion d’un nouvel engagement commun entre catholiques et orthodoxes sur les nombreux chantiers spirituels et temporels qui s’imposent à nous en ce moment crucial de l’histoire humaine.

 

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