Jésus, notre aube

T’es-tu déjà senti coincé dans l’obscurité, attendant qu’une lumière nouvelle brille dans ta vie ? Jésus sait ce que c’est que de se sentir prisonnier dans les ténèbres. C’est ce qu’il a vécu lui-même dans la nuit du Jeudi saint, alors qu’il attendait d’être jugé et condamné. De même, Jésus vient s’asseoir avec nous lorsque nous faisons l’expérience de l’obscurité dans notre propre vie. Il peut s’agir de la douleur que nous portons en nous à cause des difficultés de la vie, ou à cause de nos regrets pour des choses que nous avons faites, ou même des blessures causées par des choses que d’autres nous ont faites. Jésus vient s’asseoir avec nous là, dans nos ténèbres les plus profondes.

Il vient pour être notre lumière. Il est l’Étoile du matin qui se lève dans nos cœurs. Et lentement mais sûrement, il nous fait sortir des ténèbres de la nuit, pas à pas. Parfois, nous nous détournons de lui et nous concentrons sur les ombres, mais lui, il nous attend patiemment. Il ne nous abandonne jamais. Jésus a vaincu toutes les ténèbres, il vient pour briller dans ta vie. Laisse-le venir et être avec toi. Laisse-le te libérer des ombres de ta vie. Laisse Jésus être l’aube qui se lève en toi pour chasser toute obscurité. Viens, Jésus, sois notre Lumière. Brille en nous, à travers nous, autour de nous. Amen.

Qu’est-ce que la résurrection ?

Qu’est-ce que la résurrection ? Bien sûr, on pense tout d’abord à la résurrection de Jésus, trois jours après sa mort. C’est ce qu’on célèbre chaque année à Pâques. C’est aussi ce qu’on célèbre chaque dimanche, jour de la résurrection ! C’est pour cela que les chrétiens du monde entier se rassemblent le dimanche. La mort n’a pas pu emprisonner Jésus. Il est le Vivant. Il est le Ressuscité. Il va rencontrer les disciples sur le chemin d’Emmaüs, il rentre dans le cénacle où les apôtres sont rassemblés, il laisse Thomas toucher ses mains et son côté. Il est vraiment ressuscité ! 

Mais la résurrection de Jésus n’est pas le seul moment dans les évangiles où une personne revient à la vie après sa mort. Par exemple, Jésus ressuscite son ami Lazare, mort et enterré depuis quatre jours. « Lazare, viens dehors ! » cria Jésus d’une voix forte devant le tombeau de son ami, qui sort, les mains et les pieds liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. « Déliez-le et laissez-le aller » dit Jésus, « Je suis la Résurrection et la Vie. » Il y aussi la fille de Jaïre, le chef de la synagogue qui tombe aux pieds de Jésus et le supplie de venir dans sa maison, pour sauver sa fille qui est en train de mourir. En route vers la maison, on reçoit la nouvelle que la fille est morte, mais cela n’arrête pas Jésus. Arrivé à la maison, Jésus prend la main de la petite fille et lui dit, « Mon enfant, éveille-toi ! » L’esprit lui revient et elle se lève. Et Jésus demande de lui donner à manger. Mais dans ces deux cas, Lazare et la fille de Jaïre ne sont pas ressuscités éternellement. Tous les deux, ils reviennent à la vie terrestre, comme s’ils s’étaient simplement endormis.   

Jésus ne nous ressuscite pas pour continuer tranquillement notre vie ici sur terre. En fait, la résurrection de Jésus le jour de Pâques a pour but de nous ressusciter tous à la vie éternelle. C’est pour cela qu’il est mort et ressuscité le troisième jour. Pas pour montrer sa puissance personnelle, mais pour que nous puissions ressusciter avec lui et partager sa vie éternelle. Déjà entre le Vendredi saint et le dimanche de Pâques, Jésus descend aux enfers – comme on dit dans le Credo – pour libérer tous ceux et celles qui y séjournent attendant que se réalisent les promesses de Dieu. On peut penser à toutes les personnes justes de l’Ancien Testament : Abraham, Moïse, Ruth. Jésus vient les ressusciter. Et c’est ainsi qu’il veut ressusciter tout le genre humain. Sa résurrection est la récapitulation de la création toute entière, qui attend le salut. Le dimanche de Pâques ouvre notre horizon au dernier jour où le Christ ressuscitera toute chair. Car oui, ce n’est pas simplement nos âmes que Jésus convie à la vie éternelle, mais nos corps glorifiés comme le sien, et toute la création renouvelée ! « Terre nouvelle et cieux nouveaux » comme nous dit le livre de l’Apocalypse. 

Toi et moi, nous sommes appelés à la vie et à la résurrection. C’est l’espérance et la promesse que Jésus nous donne. Il ne veut pas ressusciter tout seul mais avec nous et avec tous. Déjà ici-bas, dans notre quotidien, nous pouvons faire l’expérience de sa résurrection. Par exemple, dans les moments où nous sommes dans le désespoir, puis il nous arrive une bonne nouvelle. Quand on a peur, puis on est consolé. Quand un défi nous semble insurmontable, nous y arrivons quand même. Quand une amitié ou une relation semble brisée de manière irréparable et puis, s’ouvre la voie du pardon. Quand la nuit nous écrase, mais arrive un jour nouveau. Saint Jean Paul II nous dit : « Nous sommes un peuple pascal et l’Alléluia est notre hymne ». Vivons cette espérance et cette joie que Jésus nous a obtenues par sa victoire sur la mort. Sa résurrection est aussi la nôtre ! 

Viens Jésus, sois vivant en nous pour toujours. Amen.

Qu’est-ce que nous célébrons à Pâques ? Dieu nous tend la main

Que célébrons-nous à Pâques ? Tout le mystère de Pâques peut se résumer en une phrase simple : Dieu tend les mains. Dieu tend les mains entre la Croix et la Résurrection, entre la mort et la vie, entre le ciel et la terre, pour unir toute l’humanité à lui. 

De la Croix à la Résurrection

À la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

Image de Wikimedia Commons

De la Croix à la Résurrection

AÀ la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

Image de Wikimedia Commons

 

Entre la mort et la vie

Les bras tendus de Jésus sont un pont entre la mort et la vie. C’est le pont que Jésus traverse le samedi saint, lorsqu’il descend aux enfers pour réveiller ceux qui se sont endormis. Il existe de magnifiques icônes représentant Jésus, les bras étendus, en train de ressusciter ceux qui sont morts. Jésus ne ressuscite pas seulement pour lui-même : il ressuscite pour nous ressusciter ! Il revient à la vie pour restaurer notre vie. Il passe de la mort à la vie pour que nous puissions l’accompagner sur ce même chemin. 

Jésus se lève de la tombe et nous tire de notre tombe avec lui. C’est ce que Jésus fait également avec nos proches qui sont décédés. Pour le Christ, ils ne sont pas morts mais endormis, et il vient les relever et leur donner une vie nouvelle. Ainsi, Pâques n’est pas seulement la fête de la résurrection de Jésus, mais la fête de la résurrection de tous ceux et celles qui se sont endormis, et la fête de notre résurrection aussi. En Christ, nous restons en communion avec ceux qui nous ont précédés. Il est notre pont vers eux, et leur pont vers nous.

 

Entre ciel et terre

Sur la Croix, Jésus tend les bras pour réunir le ciel et la terre. En effet, toute la vie de Jésus dans notre monde est un rendez-vous entre la terre et le ciel. Jésus est le royaume de Dieu présent parmi nous. Il vient de Dieu pour nous amener à Dieu. Jésus descend sur terre depuis le cœur de la Trinité, comme le bras tendu du Père, pour venir au secours de l’humanité, pour nous sauver de nos fautes et même de la mort. Jésus monte au ciel pour nous amener avec lui, nous donnant de partager la vie de la Trinité. Dieu le Fils est devenu un être humain afin que nous puissions vivre éternellement avec lui en tant que fils et filles du Père, frères et sœurs les uns des autres. 

 

Entre le Juif et le Grec

Jésus jette un pont entre le ciel et la terre, non seulement pour que nous puissions être unis à Dieu en tant qu’individus, mais surtout collectivement. En effet, le paradis n’est pas une expérience solitaire dans laquelle chacun d’entre nous a sa propre petite chambre d’hôtel, où nous nous reposons tranquillement, loin des autres. Au contraire, le paradis est à la fois l’union avec Dieu et l’unité de tout le genre humain. Être sauvé, ce n’est pas seulement être réconcilié avec Dieu, c’est aussi être réconcilié avec tous nos frères et sœurs de l’humanité. Dieu ne nous sauve pas seulement en tant qu’individus, mais ensemble en tant que peuple qu’il rassemble à lui (cf. Lumen Gentium, 1 ; 9). 

La mort et la résurrection de Jésus n’ont pas seulement le pouvoir de nous réconcilier avec Dieu, mais aussi de nous réconcilier les uns avec les autres. À l’époque de Jésus, la société était divisée entre les Juifs et les païens. Les uns étaient considérés comme le peuple de Dieu, les autres comme des infidèles. Pourtant, Jésus brise les murs de division entre eux, les réconciliant l’un avec l’autre par le sang de la Croix. Pour reprendre les mots de saint Paul :

Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père. Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint (Éphésiens 2,13-22).

La mort de Jésus marque un tournant dans nos relations mutuelles en tant qu’êtres humains. Par sa vie, sa mort et sa résurrection, Jésus cherche à établir la paix entre des peuples en guerre. Il meurt pour abattre les murs qui nous séparent de Dieu, ainsi que les murs qui nous séparent les uns des autres. Cela est vrai non seulement pour les guerres, mais aussi dans notre vie quotidienne, dans les divisions, les conflits et les tensions qui affectent nos relations les uns avec les autres, que ce soit dans nos familles, sur notre lieu de travail ou dans nos communautés. Il veut faire de nous des citoyens du ciel, des membres de la famille de Dieu, dès ici et maintenant.

Cette année, laisse Jésus être le pont dans ta vie. Laisse-le marcher avec toi à travers les croix que tu portes pour qu’il touche ta vie avec la puissance de la résurrection. Laisse-le te réconcilier avec Dieu et avec les autres, et te conduire, toi et ceux et celles qui t’entourent, sur le chemin de la vie éternelle. Laisse Jésus te tendre la main. Qu’il nous embrasse et nous réunisse en lui.

Jésus ressuscité, viens et sois le Pont entre le ciel et la terre, dans nos vies et dans notre monde. Rassemble-nous dans l’unité et la paix pour unir tout le genre humain avec Dieu. Amen.

Le Carême and Pâques : soyons transformés, cheminant ensemble

Quel est le lien entre la synodalité, le Carême et Pâques ? Comment vivre le chemin de Carême et de Pâques de manière synodale ?

Pensons à deux images clés : celle de « marcher ensemble » et celle de la « transformation ». 

La synodalité nous rappelle que le Carême et la Pâques ne sont pas un trajet à faire tout seul, mais un chemin que nous sommes appelés à parcourir ensemble. Tout d’abord, nous marchons ensemble avec Dieu. C’est le Christ qui nous précède et qui nous conduit. Le Carême et Pâques sont un temps où nous avançons avec Jésus, où nous le suivons de plus près, où nous réalisons à nouveau combien il est proche de nous. En même temps, l’expérience de marcher avec le Christ nous ouvre les uns aux autres. Être disciple, ce n’est pas seulement suivre Jésus, mais le faire avec d’autres, comme les premiers apôtres que Jésus a rassemblés autour de lui. Ils ont parcouru ensemble la Galilée et la Judée pendant trois ans en suivant Jésus. Ils ne marchaient pas tout seuls : ils faisaient partie d’une communauté en marche, qui s’appelle aujourd’hui « l’Église » !

Comme il est facile de considérer le Carême comme un chemin personnel dans lequel chacun de nous s’efforce de faire ses propres efforts. Mais le Carême n’est pas destiné à être vécu seul, tout comme Pâques n’est pas destiné à être célébré seul. Le Carême et Pâques sont le voyage de l’Église toute entière – c’est le chemin qui mène du désert à la terre promise, de la mort à la vie nouvelle, du péché au salut, de la Croix à la Résurrection. Cette année, profitons de ce temps pour vivre ce cheminement ensemble avec le Christ et avec d’autres. 

Cela nous amène à notre deuxième image-clé : la transformation. Notre expérience du Carême et de Pâques est censée nous transformer, tout comme le chemin de la synodalité. Les deux vont de pair. Comme nous le savons, le Carême est un temps de conversion : pour nous préparer à Pâques, pour ouvrir nos cœurs et nous laisser renouveler par Dieu. Jésus nous invite à nous concentrer sur Lui et sur les autres, en surmontant nos tentations de rester centrés sur nous-mêmes. La synodalité implique ce même type de conversion, d’ouverture à Dieu et aux autres. Notre pèlerinage du Carême et de Pâques est une chance de se laisser renouveler par le Christ chaque année. La synodalité est le chemin par lequel Dieu veut renouveler toute l’Église en ce moment de l’histoire. Le Christ nous transforme lorsque nous marchons ensemble, en tant que chrétiens et en tant qu’êtres humains. Car la synodalité n’est pas seulement une façon de marcher ensemble en tant que disciples mais aussi une façon de marcher ensemble avec le monde. Notre mission en tant qu’Église est de partager avec tous la joie de Pâques – du Christ qui est vraiment ressuscité et présent au milieu de nous. Marcher avec le monde est le chemin par lequel nous pouvons vivre la mission de l’Église au 21ème siècle. 

Alors que nous traversons les temps du Carême et de Pâques, cherchons des moyens de partager notre expérience avec d’autres. Ce n’est pas un chemin que nous parcourons seuls. Profitons de ce temps pour parler aux autres de la manière dont tu as grandi spirituellement pendant le Carême. Ose répandre la joie de Pâques plus largement cette année, en particulier avec ceux et celles qui sont dans la difficulté et le besoin. Pourquoi pas inviter quelqu’un qui est seul à célébrer le dimanche de Pâques avec toi et ta famille à se joindre à vous pour Pâques, ou tend la main à un membre de ta famille élargie avec qui tu as perdu le contact. Laisse-toi transformer par l’expérience de marcher ensemble avec d’autres dans la lumière du Christ ressuscité, qui nous appelle non seulement en tant qu’individus mais ensemble. Notre Seigneur crucifié et ressuscité vient à notre rencontre à travers les autres, tout comme il vient à la rencontre des autres à travers nous. Il est présent et vivant au milieu de nous alors que nous cheminons ensemble, les uns avec les autres.

Pour en savoir davantage sur le parcous sur la synodalité, regardez le dernier épisode de « Sur le chemin du Synode » sur Sel + Lumière plus.

 

Quel est le sens du Carême ?

Photo de Cristian Gutiérrez, LC sur Cathopic.

Nous voici de nouveau dans le temps de Carême. Quel est le sens du Carême ? 

Souvent, nous considérons le Carême comme un moment dur où nous devons serrer les dents et nous efforcer de nous améliorer. Nous voulons peut-être perdre du poids, alors nous renonçons au chocolat. Nous voulons améliorer notre santé, alors nous renonçons à l’alcool. Nous nous concentrons sur nos efforts humains et sur le degré d’autodiscipline que nous pouvons rassembler pour nous améliorer. Mais est-ce vraiment là le sens du carême ? 

En réalité, le Carême ne porte pas tant sur ce que nous pouvons faire pour Dieu, ou pour nous-mêmes, mais plutôt sur ce que Jésus fait pour nous et sur la manière dont nous pouvons nous mettre sur sa longueur d’onde. Le Carême, c’est le temps privilégié pour accompagner Jésus dans sa montée vers Jérusalem, lieu de notre salut, de la mort et la résurrection du Christ. Le Carême consiste à se mettre au diapason du sacrifice que Jésus fait de lui-même, un sacrifice qu’aucune de nos actions ne pourra jamais égaler ou atteindre. Le don de Jésus est totalement unique, une fois pour toutes. 

Chaque année, nous faisons l’expérience du Carême afin de nous ouvrir davantage pour recevoir le don de son sacrifice pour nous. L’accent n’est pas tant mis sur ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire, mais sur ce que Jésus a fait, fait et fera pour nous. La dureté du désert de Carême est adoucie par la miséricorde, la tendresse et la compassion de Dieu qui vient nous faire avancer avec lui. Le Carême est un chemin de conversion sur lequel Dieu nous prend par la main comme un Père pour marcher avec son Fils Jésus. 

Le Carême nous prépare à ce que nous célébrerons le Jeudi Saint, le Vendredi Saint et le Dimanche de Pâques, lorsque nous verrons Jésus se livrer pour nous, donner sa vie et ressusciter le troisième jour. Il ne s’agit pas seulement d’un temps lourd à supporter, mais d’un moment propice, une saison favorable, pour grandir avec le Seigneur, pour nous laisser saisir par lui, pour trouver plus de force, de ferveur et d’enthousiasme à sa suite. Ce n’est pas seulement l’occasion de se laisser fortifier par Dieu face à nos tentations, nos mauvais penchants, mais encore plus l’opportunité de nous laisser transfigurer, façonner, modeler par le Christ, à son image. Pour devenir davantage fils et filles du Père dans l’Esprit Saint. 

En ce sens, les trois pratiques qui caractérisent le Carême – la prière, le jeûne et les actes de charité – sont des clés d’entrée dans cette dynamique de la grâce par laquelle Dieu nous transforme petit-à-petit. 

Jésus nous invite à l’accompagner dans ce pèlerinage de la mort à la vie nouvelle, et il est à l’œuvre tout au long du Carême pour nous conduire sur ce chemin qu’il a déjà emprunté avant nous. Comment Jésus t’appelle-t-il à te tourner vers lui pendant ce Carême ? Comment le Christ t’invite-t-il à être plus conscient de ce qu’il fait en toi et autour de toi ? Quels nouveaux chemins Jésus veut-il ouvrir pour toi pendant ce Carême, afin de vivre plus pleinement sa mort et sa résurrection à Pâques ? En même temps, souvenons-nous que nous ne sommes pas seuls sur ce chemin de Carême. Nous vivons ce temps ensemble, en Église, comme des compagnons de route à la suite du Christ. 

Jésus, envoie ton Esprit pour nous renouveler, nous fortifier, nous transformer pendant ces 40 jours. Marche avec nous, guide nos pas, prends-nous par la main, alors que nous marchons ensemble à ta suite.

François : L’Évangile de la proximité, de la tendresse et de la compassion

10eme anniversaire du ponctificat du pape François

Photo de Dhcatólico sur Cathopic

Si une image vaut mille mots, combien de mots valent dix ans de pontificat ! De fait, pour décrire le ministère du pape François, les images sont encore plus éloquentes que les paroles. C’est un pontificat incarné, dont l’enseignement passe surtout par des gestes et par des actes. Quelle est l’image qui vous vient à l’esprit quand vous pensez au pape François ?

Pour beaucoup d’entre nous, la première image que nous avons eue était le soir du 13 mars 2013, lorsque le premier pape du nouveau monde – « venant presque du bout du monde », est apparu pour la première fois sur le balcon de la Basilique Saint-Pierre au Vatican. Il était vêtu d’une simple soutane blanche et il nous a salué avec simplicité : « Chers frères et sœurs, bonsoir ! » Avant de nous donner sa première bénédiction en tant que pape, il nous a demandé de prier pour lui, de le bénir afin qu’il puisse nous bénir. 

Il se dit que les foules sont venues pour voir Jean-Paul II, qu’elles sont venues pour écouter Benoît XVI, et enfin qu’elles viennent pour toucher le pape François. C’est un pape accessible, qui se met à notre portée. Alors, comment nos cœurs ont-ils été touchés par le pape François ? Comment a-t-il touché votre vie, notre monde ?

La singularité du pape François passe par l’originalité, parfois surprenante, de son style. C’est un pape qui tend la main pour embrasser et qui se laisse embrasser. C’est un pape qui vit dans la résidence hôtelière du Vatican, et non dans le palais apostolique. C’est un pape qui lave les pieds des prisonniers et des personnes âgées le Jeudi Saint, plutôt que ceux des éminents cardinaux. Il est le premier pape à choisir le nom de Saint François d’Assise, un homme de paix, de simplicité évangélique, des pauvres. C’est un pape qui a « l’odeur de ses brebis », et qui encourage les autres à faire de même. 

À maintes reprises, le pape François a parlé du style de Dieu, qu’il résume en trois mots clés : proximité, tendresse et compassion.

Le style de Dieu est la proximité, une proximité spéciale, compatissante et tendre. Les trois mots qui définissent la vie d’un prêtre, et d’un chrétien aussi, car ils sont tirés précisément du style de Dieu : proximité, compassion et tendresse.  (Discours au Symposium “Pour une théologie fondamentale du sacerdoce”)

Le pape François nous montre par ses paroles et son exemple que le style de Dieu n’est pas la distance, l’indifférence ou la condamnation. Au contraire, notre Dieu est proche, tendre et compatissant. Ayant moi-même eu l’occasion de voir le pape François de près et de le rencontrer à plusieurs reprises, j’ai été touché par le fait que le pape François témoigne de ce style de Dieu non seulement par ses paroles et son enseignement, mais surtout par sa vie et sa façon d’être avec les gens.  

La proximité

Pour nous, en tant que Canadiens, le plus grand signe de la proximité du pape François demeure sa visite au Canada en juillet 2022. Même en fauteuil roulant, il est venu faire un pèlerinage de réconciliation et de guérison avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Le pape est venu soigner des blessures qui malheureusement sont si souvent ignorées et négligées. Il est venu rencontrer les survivants des pensionnats chez eux. Il nous a donné l’exemple en vivant la parabole du bon Samaritain : être proche les uns des autres, guérir les blessures et avancer tous ensemble sans laisser  personne de côté. Le pape François nous appelle à être proches des personnes qui se trouvent à la périphérie, non seulement en allant vers elles, mais aussi en les amenant au centre – de nos cœurs, de nos foyers, de notre société et de notre Église. (cf. Un temps pour changer : Viens, parlons, osons rêver) Souvenons-nous des trois défis qu’il nous a lancé à ce moment-là, comme une boussole pour la mission de l’Église au Canada dans notre temps : faire connaître Jésus, témoigner et cultiver la fraternité. (Homélie aux Vêpres à la Cathédrale Notre-Dame de Québec) À nous de relever ces défis au service du tournant missionnaire de l’Église chez nous ! 

La tendresse

Quelle force ont les nombreuses images du pape François embrassant les personnes handicapées, les pauvres, les malades, les personnes âgées et ceux qui sont si souvent rejetés ou oubliés. Nous pourrions nous rappeler comment le pape a été ému par des enfants aux Philippines, qui lui ont demandé pourquoi Dieu permet à tant de garçons et de filles de vivre dans la rue. Ou comment il s’est agenouillé pour embrasser les pieds des dirigeants politiques en guerre du Sud-Soudan dans un plaidoyer pour la paix. Et qui pourrait oublier sa caresse du bébé autochtone au moment de la conclusion de la messe au Sanctuaire national de Sainte-Anne-de-Beaupré ? Le pape François nous appelle à transformer le monde par la puissance de la tendresse :

La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. (Evangelii Gaudium, no. 88)

La compassion

Cependant, le trait divin que le pape François a le plus souligné est celui de la miséricorde, son amour compatissant qui nous sauve. Au milieu de son pontificat, il a déclaré un Jubilé de la miséricorde, appelant toute l’Église « à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père ». (Misericordiae Vultus, no. 3)  Se faisant proche des gens, François se laisse toucher par la compassion, qui est la source de la tendresse. Le pape lui-même a reçu sa vocation à l’âge de dix-sept ans, lors d’une rencontre personnelle avec la miséricorde de Dieu dans le sacrement de la confession, le jour de la fête de Saint Matthieu. Comme l’apôtre Matthieu, le jeune Bergoglio a fait l’expérience de la miséricorde de Dieu, qui l’avait choisi en le pardonnant, ce qui est le sens de sa devise : Miserando atque eligendo. Dans son livre intitulé Le Nom de Dieu est Miséricorde, le pape François témoigne de tout ce que Dieu fait pour entrer dans le cœur de l’homme, se servant même de la plus petite ouverture – cette fente dans la porte de notre cœur – que Dieu utilise pour nous pardonner et prendre pitié de nous. 

Dieu ne se fatigue jamais de nous pardonner, jamais ! […] Lui ne se fatigue pas de pardonner, mais nous, parfois, nous nous fatiguons de demander pardon. Ne nous fatiguons jamais, ne nous fatiguons jamais ! Lui est le Père plein d’amour qui pardonne toujours, qui a ce cœur de miséricorde pour nous tous. Et nous aussi apprenons à être miséricordieux avec tous. Invoquons l’intercession de la Vierge qui a eu entre ses bras la Miséricorde de Dieu fait homme. (Angélus, 17 mars 2013)

La joie

On peut ajouter un quatrième trait qui décrit non seulement le style de Dieu mais aussi celui de François : il s’agit de la joie ! Le magistère de François est plein de joie. 

Le programme de son pontificat a été exprimé dans « La joie de l’Évangile » – Evangelii Gaudium, dans lequel il nous appelle à être constamment renouvelés et transformés par la joie de la rencontre avec le Christ. Son document phare sur la famille s’intitule « La joie de l’amour » – Amoris Laetitia, dans lequel il appelle les familles à vivre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour l’humanité. L’exhortation de François sur l’appel à la sainteté, « Soyez dans la joie et l’allégresse » – Gaudete et Exsultate – nous rappelle que la sainteté n’est pas réservée aux prêtres et aux religieuses, mais aussi à nos voisins d’à côté, et que vivre les Béatitudes nous rend plus vivants et plus humains. Même ses orientations pour les universités catholiques et les facultés de théologie s’intitule « La joie de la vérité » – Veritatis Gaudium, un véritable changement de paradigme dans notre façon de dialoguer avec la culture plutôt que de présumer que nous détenons la vérité, que nous la possédons pour l’imposer aux autres. Ici et maintenant, le pape François nous amène à découvrir la joie de marcher ensemble, en tant qu’Église et en tant que famille humaine, sur le chemin ardu mais prometteur de la synodalité :

Chers frères et sœurs, que ce Synode soit habité par l’Esprit ! Car nous avons besoin de l’Esprit, le souffle toujours nouveau de Dieu qui nous libère de toute fermeture, qui fait revivre ce qui est mort, qui brise les chaînes et répand la joie. (Discours pour le début du processus synodal)

Le pape François n’est certainement pas un super-héros de la proximité, de la tendresse, de la compassion et de la joie. Au contraire, en célébrant les dix ans de son pontificat, remercions Dieu pour son témoignage de pasteur qui vit le style de l’Évangile. Soyons touchés par les façons dont nous avons été témoins du style de Dieu incarné par notre pape François. Mais ne nous arrêtons pas là ! Recevons humblement la proximité, la tendresse, la compassion et la joie de Dieu dans nos propres vies, et soyons encouragés et poussés à vivre le style de Dieu dans nos relations quotidiennes avec les personnes qui nous entourent, en commençant par celles qui sont le plus dans le besoin. Que l’exemple du pape François nous inspire à nous laisser toucher par la miséricorde de Jésus, afin d’aller toucher la chair du Christ dans tous nos frères et sœurs.

Père de tendre miséricorde, répands dans nos cœurs l’Esprit de Ton amour, afin que nous puissions suivre Jésus en marchant avec nos frères et sœurs. Bénis notre pape François, et fais que son ministère porte une abondance de fruits dans la mission de Ton Église, pour la vie du monde que Tu aimes tant. Amen.

O Rex Gentium: Encore une reflection en prime

Viens, Roi de l’univers, pierre angulaire de l’Église!
À l’homme que tu as pétri de la terre viens apporter le salut.

 

Dieu se fait pauvre pour rencontrer notre pauvreté

« Jésus est le Roi de l’univers ». N’est-ce pas un peu présomptueux ? Après tout, Jésus n’est pas un monarque comme les autres. D’ailleurs, comment prétendre être un roi universel quand tout le monde n’est pas chrétien ?

Cette ancienne prière de l’Église, dans les derniers jours avant Noël, nous met devant la question : quel type de roi est Jésus et quelle est sa relation au monde entier ?

Regardons d’abord la manière par laquelle Jésus est entrer dans notre monde. Il n’est pas né dans un palais. Son trône était une humble mangeoire : là où mangent des animaux. Durant sa vie, il ne se promenait pas en calèche mais emprunter un âne quand il en avait besoin. Finalement, il n’a pas eu l’honneur des funérailles d’État, mais il a été exécuté comme un criminel aux mains d’un gouverneur romain. 

Paradoxalement, la royauté de Jésus se manifeste dans sa pauvreté. Et c’est exactement cela qui fait de lui le roi des nations. Si Jésus était pauvre – du début de sa vie jusqu’à la fin – c’était car il est venu embrasser notre pauvreté. Ce qui lie toutes les nations de la terre, c’est la pauvreté qui habite chaque cœur humain. Certes, il y a une grande diversité au niveau de notre pauvreté ou richesse matérielle. Mais ce que nous avons tous en commun, c’est la pauvreté intérieure dont nous faisons tous et toutes l’expérience, même inconsciemment. 

Chaque être humain a soif d’amour, de sens, d’espérance et de paix. Ce sont des choses que nous ne pouvons pas procurer pour nous-mêmes. Elles ne sont pas à vendre ; elles sont en rupture de stock au magasin. C’est en ce sens que nous sommes pauvres : nous avons besoin que quelqu’un d’autre vient nous combler, nous guérir et nous sauver.

Dieu est devenu pauvre précisément pour venir nous combler dans notre pauvreté. C’est ainsi que Jésus est le roi de toutes les nations. C’est le mystère dans lequel nous entrons pendant le temps de Noël. Cette période de l’année, c’est l’occasion pour chacun d’entre nous de reconnaitre notre besoin de Dieu, notre soif du Christ, et de nous ouvrir pour qu’il vienne nous combler. 

Jésus, Roi des nations, comble-nous de ta pauvreté royale. Ouvre tous les peuples de la terre pour faire rayonner en nous la lumière de ton royaume. Amen.

Ouvrir les portes et les fenêtres de l’Église : 60 ans depuis le début du Concile Vatican II

Le concile Vatican II à l'oeuvre (Wikimedia Commons).

Le concile Vatican II à l’oeuvre (Wikimedia Commons).

Le 11 octobre 2022 marque les 60 ans du début du concile Vatican II. Qu’est-ce que Vatican II et pourquoi est-il important aujourd’hui ? Vatican II a été le plus grand événement ecclésiastique du 20e siècle, réunissant tous les évêques de l’Église catholique – 2 625 ! – avec le pape et de nombreux invités spéciaux et observateurs, de 1962 à 1965. Toutes ces décennies plus tard, il y a encore tant de choses qui n’ont pas été mises en pratique. Dès le départ, saint Jean XXIII a convoqué le Concile pour ouvrir les portes et les fenêtres de l’Église, afin d’inaugurer un nouveau printemps pour renouveler l’Église et pour présenter la foi d’une manière qui résonne avec les hommes et les femmes de notre temps. Bien sûr, Vatican II a changé la langue de la messe, passant du latin aux langues que nous parlons aujourd’hui, mais il y a bien plus encore.

Vatican II a été un moment décisif de l’Esprit Saint qui a conduit à 16 documents révolutionnaires, dont les plus importants sont les 4 constitutions : Sacrosanctum Concilium sur la liturgie ; Dei Verbum sur la révélation divine ; Lumen Gentium sur l’Église ; et Gaudium et Spes sur la relation entre l’Église et le monde moderne. Le pape François nous invite à redécouvrir et à décortiquer ces quatre constitutions majeures à l’occasion des 60 ans du Concile. À travers ces documents, Vatican II a appelé tous les catholiques à voir l’Église sous un jour nouveau, comme le peuple de Dieu en pèlerinage à travers l’histoire (LG 9-17), en solidarité avec tous et chacun, et surtout avec ceux et celles qui souffrent (GS 1).

Le Concile nous appelle, en tant que chrétiens, à discerner les signes des temps (GS 4-10) – en d’autres termes, à être en contact avec ce que les gens vivent ici et maintenant – afin d’être du levain pour la venue du royaume de Dieu dans chaque chapitre de l’histoire (GS 40). Le Concile a enseigné que cela ne s’applique pas seulement aux prêtres et aux moniales, mais à nous tous (cf. Apostolicam Actuositatem) puisque l’appel à la sainteté est universel (LG 39-42), et non pas réservé à une petite élite. Chacun de nous est appelé à faire de sa vie quotidienne un moyen de transformer la société à la lumière du Christ, car c’est seulement en Jésus que nous voyons clairement le monde et la personne humaine (GS22). Vatican II nous a appelés à poursuivre notre mission de chrétiens non pas en opposition à nos frères et sœurs des autres religions et cultures (cf. Nostra Aetate) mais ensemble, comme une seule famille humaine qui avance dans l’amour de Dieu, le Père de tous. Saint Paul VI a dit que l’esprit du Concile est celui du bon Samaritain, avec un cœur ouvert et des bras tendus pour partager l’amour de Dieu par la façon dont nous nous aimons les uns les autres. À la fin du Concile, Paul VI a résumé le message du Concile ainsi : c’est « une invitation pressante et amicale à l’humanité d’aujourd’hui à redécouvrir Dieu dans l’amour fraternel […] telle est notre espérance pour l’humanité entière que nous avons appris ici à aimer davantage et à mieux servir » (Conclusion du Concile Vatican II, 7 décembre 1965).

Notre monde a besoin du type d’Église que Vatican II a imaginé il y a soixante ans. Que pouvons-nous faire, vous et moi, pour être cette Église-là aujourd’hui ?

Pour guérir les blessures du Canada : le Pape François et les peuples autochtones

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Julian Paparella avec Lina, survivante des écoles résidentielles qui a 90 ans, le matin des excuses présentées par le pape François à Maskwacis, en Alberta, le 24 juillet 2022.

Sur place à Maskwacis, en Alberta, pour assister à l’arrivée du pape François qui allait présenter ses excuses tant attendues aux peuples autochtones du Canada sur leurs propre terres, j’ai été profondément ému. Deux choses m’ont frappé simultanément. Premièrement, la souffrance, la douleur et le traumatisme intergénérationnel qui ont ravagé les communautés et les familles autochtones. Deuxièmement, l’humilité, le courage et la compassion du pape, qui a parcouru une telle distance pour démontrer sa proximité.

J’ai vu devant moi un berger et un pèlerin qui est venu de Rome jusqu’aux prairies de l’Alberta rurale pour aider à guérir les blessures les plus profondes du Canada. Ces blessures ont si souvent été tragiquement ignorées, cachées et rejetées. On était là, au milieu de l’Alberta rurale, par un lundi matin pluvieux, dans un endroit dont la plupart des Canadiens n’avaient jamais entendu parler, et le chef de file des 1,3 milliard de catholiques du monde était arrivé afin d’oeuvrer pour la vérité, à la justice, à la réconciliation et à la guérison dans notre pays. Le successeur de saint Pierre est venu jusqu’ici pour nous faire avancer sur le chemin que nous devons prendre ensemble. Ce fut une expérience qui a fait couler des larmes à beaucoup d’entre nous.

La route à double sens du bon Samaritain

En vivant tout cela directement, je n’ai pu m’empêcher de penser à la parabole du bon Samaritain de Jésus (Luc 10,25-37). Comme l’homme de la parabole de Jésus, le pape François a écouté le cri des autochtones, des abus et des blessés sur le bord de la route de la société canadienne. Il a refusé de faire comme les autres qui ont fait la sourde oreille et ont fermé les yeux. Il a insisté pour aller de l’avant avec nos frères et sœurs autochtones, en prenant au sérieux leur besoin de guérison et en agissant en conséquence.

Mais le pape François n’est pas le seul à avoir suivi les traces du bon Samaritain l’été dernier. De nombreux autochtones m’ont confié qu’ils ne voulaient pas que le pape présente des excuses comme une simple formalité politique ou une obligation légale. Ils voulaient plutôt des excuses venant du cœur, qui les toucheraient dans leur cœur. Ils disent que pour guérir, ils doivent pardonner. C’est une leçon d’humilité et une source d’inspiration pour nous tous. Nos frères et sœurs autochtones ont le désir de pardonner. Pour beaucoup d’entre eux, ils voulaient que le pape s’excuse afin de pouvoir pardonner à l’Église. Ainsi, les autochtones eux-mêmes sont comme le bon Samaritain, qui sort l’Église du caniveau pour qu’ensemble nous puissions avancer sur le chemin de la guérison.

Le chemin de la guérison pour nos frères et sœurs autochtones

J’étais bouleversé en écoutant les hommes et les femmes autochtones au cours de la visite du pape. Leurs histoires et leurs visages témoignent de décennies de souffrance, mais aussi d’un espoir indéfectible pour l’avenir. Comme l’a dit une femme le jour des excuses du pape à Maskwacis : « Je suis reconnaissante d’être ici aujourd’hui, parce que tant de membres de ma famille, d’amis et de camarades de classe n’ont pas pu voir le pape venir au Canada et entendre ses excuses ». Une autre femme a partagé que dans sa communauté isolée des Territoires du Nord-Ouest, rien que dans le mois précédant la visite du pape, quatre jeunes s’étaient suicidés. Il s’agissait de jeunes pères et mères de famille, laissant leurs enfants derrière eux.

Le traumatisme intergénérationnel causé par les pensionnats et les abus subis par les autochtones a des répercussions durables sur la vie quotidienne de leurs communautés, encore aujourd’hui. Un très grand nombre d’entre eux ont été arrachés à leur foyer. Cela signifie que leurs parents n’ont pas appris à être parents, et qu’ils ne l’ont pas été non plus. Le cercle de la vie familiale a été brisé. Pourtant, malgré cette obscurité, au milieu du fléau de la toxicomanie et du suicide, beaucoup d’entre eux ont pu persévérer, obtenir de l’aide, surmonter les ombres de leur vie et regarder vers la lumière. Ces survivants sont des héros canadiens, avec des noms, des visages, des amis et des familles. En tant que pays, nous leur devons le même respect, le même engagement et le même amour que le pape François est venu leur témoigner.

Avancer ensemble

En tant qu’habitants du Canada, nous avons encore tant à apprendre sur les premiers peuples qui ont accueilli sur leurs terres les générations de migrants qui ont suivi. Tant d’étapes doivent encore être franchies dans notre cheminement ensemble. L’été 2022 a été une route à double sens du bon Samaritain, mais la route ne s’arrête pas là. En tant que catholique et canadien, je suis plus convaincu que jamais que nous devons prendre au sérieux le chemin de la guérison et de la réconciliation si nous voulons que notre pays soit une société juste, humaine et fraternelle. Nous ne pouvons continuer à avancer sans entendre les cris des blessés. Le pape a tendu les bras et les autochtones lui ont répondu. Il est temps que nous fassions tous de même. Suivons les paroles de Jésus : « Va, et toi aussi, fais de même » (Luc 10,37).

 

Qui est le pape Jean-Paul Ier ? Le sourire de Dieu est bienheureux

On a dit que le pontificat de Jean-Paul Ier a été comme un météore qui illumine le ciel et disparaît rapidement. Son élection comme pape a été une source de joie après le lourd chagrin qui a accompagné la mort de Saint Paul VI moins d’un mois auparavant. Son pontificat, qui n’a duré que 33 jours, a été l’un des plus brefs, mais il a illuminé l’Église, non seulement pendant la courte période où il a été pape, mais aussi jusqu’à ce jour.

Jean Paul Ier a été pape du 26 août au 28 septembre 1978, l’année des trois papes. Depuis le dimanche 4 septembre 2022, l’Église l’appelle « bienheureux », non pas pour la durée de son service en tant que successeur de saint Pierre, mais pour la lumière que l’exemple de sa sainte humilité et de sa joie simple fait encore briller sur le visage de l’Église et de l’humanité.

Jean-Paul Ier est né Albino Luciani en 1912, deux ans avant le début de la première guerre mondiale, dans le petit village de Forno di Canale, niché dans les montagnes du nord de l’Italie. En italien, son prénom signifie « petit blanc » ou « petite aube » et son nom de famille fait référence à « lumière ». Il était la lumière d’une petite aube : une petite lumière blanche pour l’Église et le monde. Alors qu’il était prêtre dans son diocèse natal de Belluno, il a lancé une série de conférences intitulées « Catéchèses en miettes » (Catechetica in briciole). Cela révèle le feu ardent qui brûle dans son cœur pour communiquer la foi, ainsi que sa simplicité caractéristique et son sens de l’humour terre-à-terre.

Lorsqu’il a été nommé évêque en 1958, il a choisi la devise Humilitas, qui signifie tout simplement : « Humilité ». Il fut le premier pape à refuser d’être « couronné » de la tiare papale. Premier pape à porter un double nom, il s’est nommé en l’honneur de ses deux prédécesseurs immédiats : les saints Jean XXIII et Paul VI. L’humilité inspirante de Jean-Paul Ier n’était pas un dégoût de soi triste et renfrogné. Il s’agissait plutôt d’un sens aigu de sa propre petitesse aux yeux de Dieu, qui lui servait de pont de solidarité avec tous ses frères et sœurs de la famille humaine. Être petit ne signifie pas que Dieu nous aime moins, mais plutôt que nous sommes d’autant plus capables d’accueillir son étreinte aimante. Pour Jean-Paul Ier, Dieu est un Père qui nous aime comme ses petits, avec le cœur d’une mère. Il enseignait que : « Dieu déteste les défauts, parce que ce sont des défauts. En un certain sens, toutefois, il aime les défauts parce qu’ils Lui donnent l’occasion de montrer sa miséricorde et à nous de demeurer humbles, de comprendre et d’excuser les défauts de notre prochain » (Catéchèse à l’audience générale, 20 septembre 1978).

Jean-Paul Ier a laissé ce tendre amour du Père rayonner à travers lui vers les autres. Après son élection comme pape en 1978, il a dit aux fidèles du diocèse de Rome : « Je peux vous assurer que je vous aime, que je ne désire qu’entrer à votre service et mettre à la disposition de tous les pauvres pouvoirs que je possède, si petits soient-ils » (Homélie lors de sa prise de possession de la chaire de l’évêque de Rome, 23 septembre 1978). Il a parlé de mettre un grand amour dans les petites choses de la vie :

« L’amour dans les petites choses. C’est souvent le seul amour possible. Je n’ai jamais eu l’occasion de sauter dans une rivière pour sauver un homme qui se noyait ; on m’a très souvent demandé de prêter quelque chose, d’écrire des lettres, de donner des instructions simples et faciles. Je n’ai jamais rencontré de chien enragé ; j’ai plutôt rencontré des mouches et des moustiques irritants. Je n’ai jamais eu de persécuteurs qui m’ont battu, mais beaucoup de gens me dérangent en faisant du bruit dans la rue, en mettant le volume de la télévision trop haut ou malheureusement en faisant du bruit en buvant la soupe. Aider, être compréhensif, rester calme et souriant (autant que possible) dans de telles occasions, c’est aimer concrètement son prochain sans rhétorique » (Lettre à Sainte Thérèse de Lisieux dans son livre intitulé Illustrissimi).

Jean-Paul Ier – le pape de la lumière simple – offrira quatre enseignements au cours du mois qu’il passera comme pasteur de l’Église universelle. Il a basé ses enseignements sur les trois « lampes de sanctification » mises en évidence par son prédécesseur saint Jean XXIII : la foi, l’espérance et la charité. Il utilisait des exemples familiers à tous pour parler de la foi d’une manière qui résonnait avec la vie quotidienne. Catéchiste dans l’âme, Jean-Paul Ier invitait les enfants à monter sur sa chaise lors de ses interventions publiques, afin d’être proche des gens et de parler comme s’il conversait avec eux. En une occasion, il a demandé avec tendresse à un garçon : « Quand tu étais jeune, qui s’est occupé de toi quand tu étais malade ? Qui t’a donné de la soupe chaude ou des médicaments quand tu ne te sentais pas bien ? » Il a ensuite souligné combien de personnes âgées sont isolées et seules : « Après, tu grandis, et ta mère devient vieille ; tu deviens un beau monsieur, et ta mère sera au lit, malade. Eh bien, qui apportera à ta mère un peu de lait et un médicament ? » Et le garçon répondit : « Mes frères et moi ».

En Italie, Jean-Paul Ier est connu comme le « pape souriant » ou le « sourire de Dieu ». Au moment de son décès, le cardinal Ratzinger (aujourd’hui Benoît XVI) a déclaré que son « sourire a conquis l’attention et le regard du monde » :

« Ce sourire n’était pas un masque, derrière lequel une personne peut se cacher, ni un geste étudié pour obtenir quelque chose, mais l’expression, inconsciente et naturelle d’une âme transparente et lumineuse jusqu’au plus profond d’elle-même. Oui, il ne s’agit pas d’un don reçu de la nature, mais de quelque chose d’acquis de Jésus-Christ, vivant à un niveau toujours plus profond » (Homélie de la messe à la mémoire de Jean-Paul Ier célébrée dans la cathédrale de Munich, 6 octobre 1978).

Le sourire qui a illuminé le visage de Jean-Paul Ier est le signe que le partage de notre foi peut passer par les canaux les plus simples pour atteindre les autres. Ne sous-estimons pas l’impact que notre humble joie peut avoir sur ceux qui nous entourent. Jean-Paul Ier nous rappelle que la joie simple de l’évangélisation commence dans les petites choses, comme le fait de sourire aux personnes que nous croisons au cours de notre journée. Un simple sourire peut ouvrir la porte du cœur. Comme Jean Paul Ier, nos sourires ne sont pas des signes d’un vague optimisme. Ils révèlent plutôt sur nos visages ce qui se trouve au fond de nos cœurs : la chaleureuse lumière de l’amour tendre de Dieu qu’il nous appelle à partager avec le monde. La flamme de cette lampe qui brûle dans le cœur de Jean-Paul Ier est un météore dont l’éclat illumine encore la face de la terre. Certes, son pontificat n’a peut-être duré que le temps d’un sourire, mais son humble joie a le pouvoir de nous inspirer alors que nous partageons le tendre amour de Dieu avec le monde, aujourd’hui et pour les générations à venir.

Alors que nous célébrons Jean Paul Ier, réfléchissons aux paroles du cardinal Ratzinger de l’époque :

« Le temps s’est transformé. Par l’action du Seigneur, il est devenu l’histoire de Dieu, des hommes qui procèdent de cette histoire et qui nous accompagnent, nous consolent, nous guident, sont des symboles d’espérance et de foi. Le temps n’est plus le filet de la mort, mais la main tendue de la miséricorde de Dieu, qui nous soutient et nous cherche. Ses saints sont les colonnes de lumière qui nous montrent le chemin, le transformant certainement en voie de salut alors que nous traversons les ténèbres de la terre. Désormais, lui aussi [Jean-Paul Ier] appartiendra à cette lumière. Celui qui ne nous a été donné que pour 33 jours ; de lui, cependant, brille une lumière qui ne peut plus nous être enlevée. C’est pour cela que nous voulons remercier le Seigneur de tout cœur. Amen. » (Homélie de la messe à la mémoire de Jean-Paul Ier célébrée dans la cathédrale de Munich, le 6 octobre 1978).

Bienheureux Jean-Paul Ier, priez pour que nous soyons le sourire de Dieu au milieu des joies et des défis de notre monde aujourd’hui.

(Image : Jean-Paul Ier sur Wikimedia Commons)

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