« Toujours prier sans se décourager »

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Image: Courtoisie de CNS

« Toujours prier sans se décourager » (Luc 18, 1)

Depuis quelque temps, le monde vit des instabilités grandissantes dans plusieurs parties du monde. Que les conflits soient en Ukraine, en Syrie, au Liban, au Nigéria, en Irak et, plus récemment, dans la bande de Gaza, les moyens de communication font en sorte que nous nous sentons de plus en plus directement concernés par ces conflits. De plus, avec la globalisation, cette instabilité tend à s’accroître à l’extérieur des frontières des pays impliqués. Comment réagir chrétiennement à cette situation difficile?

Selon moi, la solution se trouve dans l’imitation de l’attitude du pape François. En effet, lors de son voyage en Terre sainte il y a quelques mois, le Saint-Père a appelé des représentants palestiniens et israéliens à venir prier avec lui au Vatican le 8 juin dernier. Cette rencontre fut riche d’émotion et de fraternité. Devant les événements des derniers jours, plusieurs se demandent ce qui s’est passé. N’étions-nous pas sur la bonne voie? La prière est-elle vraiment utile? La paix est-elle possible? C’est la tentation du découragement qui nous guette tous.

Pour ne pas perdre espoir, il est important de s’arrêter quelques instants sur la réalité de la prière. Dans un premier temps, et pour satisfaire notre envie moderne d’efficacité, nous pourrions nous consoler en nous disant que peut-être sans cette rencontre le conflit aurait été pire encore! Cette réponse ne nous satisfait cependant qu’à moitié. La prière est subtile et profonde. C’est pourquoi elle échappe au calcul géostratégique et politique. L’Église enseigne que la prière est tout d’abord un lieu de rencontre où tous les hommes de bonne volonté peuvent se réunir. En effet, « l’homme reste à l’image de son créateur. Il garde le désir de Celui qui l’appelle à l’existence. Toutes les religions témoignent de cette quête essentielle des hommes »[1] . Ainsi, la prière peut réunir tous les hommes, même les plus grands ennemis, puisqu’elle est une réponse à l’appel universel à l’Amour de Dieu.

Interrogeons-nous maintenant sur la prière de demande. En effet, la prière des trois grandes religions monothéistes qui a eu lieu le 8 juin dernier en présence des présidents palestinien, Mahmoud Abbas, et israélien, Shimon Pérès était une requête adressée à Dieu pour obtenir le don de la paix. Le premier élément à remarquer est que « c’est par la prière de demande que nous traduisons la Israeli soldiers stand atop tanks outside northern Gaza Stripconscience de notre relation à Dieu : créatures, nous ne sommes ni notre origine, ni maîtres des adversités, ni notre fin ultime »[2]. Ainsi, la prière commune de demande nous amène à cerner le mystère de la fraternité universelle mais également, et par son mouvement même, elle nous amène à l’humilité et au pardon. De fait, tous, nous sommes pécheurs, sans exception, et c’est pourquoi la demande de pardon à Dieu et au prochain est « le préalable d’une prière juste et pure [puisque] l’humilité confiante nous remet dans la lumière de la communion avec le Père et son Fils Jésus-Christ, et les uns avec les autres »[3]. Enfin, la prière doit, puisqu’elle s’adresse à notre commun Créateur et Sauveur, demander la venue de la paix du Règne de Dieu. C’est en relation à cette même paix à laquelle les autres demandes plus « concrètes »  doivent correspondre puisqu’ « il y a une hiérarchie dans les demandes : d’abord le Royaume, ensuite ce qui est nécessaire pour l’accueillir et pour coopérer à sa venue »[4]. Ces caractéristiques de la prière de demande nous aident donc à comprendre deux choses : 1) pourquoi nous ressentons une frustration face à l’apparente inefficacité de notre prière; 2) ce qui rend ardu le travail de l’Esprit à la construction de la paix.

Nous ressentons du découragement, nous l’avons mentionné plus haut, parce que nous avons une vision marquée par une idéologie « de production et de rendement (la prière, semble improductive et, donc inutile) »[5]. Cette mentalité est, paradoxalement, pour nous en occident du moins, un des plus grands obstacles à l’efficacité de la prière et, ce, pour plusieurs raisons. D’abord, elle suppose que la paix est avant tout une réalité à construire par nos propres forces. Au contraire, « la paix n’est pas seulement l’absence de guerre et elle ne se borne pas à l’équilibre des forces adverses »[6] mais elle est un don de Dieu à ceux qui Lui demande. Si, donc, la paix est quelque chose qu’il faut demander et accepter de recevoir, Dieu aurait Il été insensible à la prière du 8 juin dernier?

Premièrement, la responsabilité de la présente crise ne doit pas être imputée à Dieu mais aux hommes puisque « quoi que nous Lui demandions, nous le recevrons de Lui » (1 Jn 3, 22). Donc, c’est parce que les hommes n’ont pas accepté de prier et de se laisser transformer par cette dernière. Les obstacles à la paix sont donc les mêmes que les obstacles à la prière! Ainsi, le problème se trouve dans le fait que les hommes n’ont pas su comprendre que la prière n’est pas simplement un acte circonstanciel se limitant, par exemple, au rassemblement du 8 juin dernier au Vatican. Au contraire, il s’agit d’un acte continuel demandant une lutte constante pour maintenir la disponibilité du cœur aux inspirations de l’Amour de Dieu. Trois qualités ou attitudes naissent dans le cœur de celui ou celle qui reste ouvert, par la prière, à la Grâce de la paix de Dieu : « l’humilité, la confiance et la persévérance »[7].

L’humilité

L’humilité de reconnaître que je suis un pécheur et que sans la miséricorde de Dieu je ne peux rien : « sans moi vous ne pouvez rien faire » ( Jn 15, 15). Comme le dit le pape François «  je suis un pauvre pécheur sur qui le Seigneur a daigné jeter son regard ». L’humilité d’accepter que celui que je considère comme mon ennemi est aussi mon frère et que je dois l’aimer.

Man holds rosary as Pope Francis delivers Angelus address in St. Peter's Square at VaticanLa confiance

La confiance de l’enfant envers ses parents. Il sait qu’ils seront toujours présents pour le protéger. Comme le dit le pape François « Je comprends les personnes qui deviennent tristes à cause des graves difficultés qu’elles doivent supporter, cependant peu à peu, il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s’éveiller, comme une confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis : « Mon âme est exclue de la paix, j’ai oublié le bonheur ! […] Voici ce qu’à mon cœur je rappellerai pour reprendre espoir : les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! […] Il est bon d’attendre en silence le salut du Seigneur » (Lm 3, 17.21-23.26). »[8]

La persévérance

La persévérance devant l’adversité et les obstacles que sont les intérêts contraires à la paix. Comme enseigne le Concile Vatican II : « il faut instamment prier Dieu de [nous] donner l’énergie d’entreprendre avec persévérance et de poursuivre avec force cette œuvre d’immense amour des hommes qu’est la construction courageuse de la paix. »[9]

C’est en demandant cette grâce de la prière continuelle et de la présence en nous des conditions de sa réalisation que tous nous serons en mesure de travailler à cette œuvre de Dieu qu’est la paix sur la terre. « Pacem relinquo vobis pacem meam do vobis » (Jn 14, 27) – Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que je vous donne, nous a dit le Seigneur. Prions pour que s’actualise en nous cette promesse du Christ.

[1] Catéchisme de l’Église catholique, no 2566; [2] Ibid, no 2629; [3] Ibid, no 2631; [4] Ibid, no 2632; [5] Ibid, no 2727; [6] Ibid, no 2304; [7] Ibid, no 2728;

[8] Pape François, Evangelii Gaudium, no 6;

[9] Gaudium et Spes, no 82.

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