Cendrillon, une anticonformiste ?

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Image: Courtoisie de CNS

Cette semaine, je suis allé voir la récente adaptation au grand écran, par le réalisateur Kenneth Branagh, du conte de fée Cendrillon. Bien que ce genre de film ne soit pas normalement mon premier choix, je fus très surpris de la qualité et de la profondeur de ce film. Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre ce film et les longs métrages pour enfants auxquels les Walt Disney de ce monde nous ont habitués au cours des dernières décennies. En effet, la plupart des contes pour enfants sont aujourd’hui porteurs des grandes « valeurs » de notre temps : individualisme et consumérisme. J’en tiens pour preuve le court-métrage présenté avant le film et entièrement centré sur la célébration de l’anniversaire d’une petite fille et sur la grande quantité de cadeaux qu’elle reçoit. Comme si les producteurs avaient voulu se déculpabiliser devant d’éventuelles accusations portées contre eux de vouloir présenter aux jeunes des valeurs « vieux jeux ». En résumé, la raison de ce contraste entre les valeurs de Cendrillon et celles de notre temps est due au fait que ce film n’entre pas dans ce que Saint Jean-Paul II avait nommé la « culture du soupçon ».

Cette culture du soupçon qui a souvent servi à désigner Freud (en psychologie), Marx (en politique/économie) et Nietzche (en philosophie) pourrait se résumer ainsi : une attitude à douter de la bonté des wedding-342679_1280hommes et à toujours chercher une arrière pensée malveillante motivant les relations humaines. Par exemple, dans les relations amoureuses, l’attitude de soupçon se manifeste lorsque les partenaires ne veulent pas s’engager et se donner totalement l’un à l’autre. Lorsqu’ils préfèrent garder une assurance « au cas où » l’autre me tromperait, etc. Il faut dire que l’attitude souvent irresponsable de certains hommes a légitimé cette recherche d’une plus grande indépendance de la part des femmes. Cependant, cette recherche d’indépendance devient néfaste, pour la personne elle-même, lorsqu’elle est motivée par une peur irrationnelle de l’autre et une recherche égoïste de soi. Toutes les relations humaines (même l’économie!) étant fondées, en grande partie, sur la confiance, le soupçon peut en soi, lorsqu’il devient principe absolu, déstabiliser et, même, détruire toutes les sociétés, familles comprises. Cette philosophie va même jusqu’à considérer naïve toute posture de confiance en l’autre et, ce, spécialement lorsqu’il y a relation de pouvoir. En ce sens, le film Cendrillon contraste énormément avec cette attitude qui consiste, au nom de la lucidité, à se méfier de tout et de tous. Au contraire, plusieurs éléments du film vont dans un tout autre sens.

Dans un premier temps, c’est le personnage de Cendrillon lui-même qui surprend. Inutile pour moi de raconter cette histoire que nous connaissons tous. Il est cependant remarquable que ce qui ressort de cette adaptation soit que l’amour est toujours digne de confiance et que c’est la seule vraie façon de trouver le bonheur. À l’image d’une sainte, Cendrillon répond par l’amour et l’abnégation à toutes les méchancetés que lui font subir sa belle-mère et ses deux filles. À plusieurs reprises, le spectateur se sent frustré de la voir si résiliente face à son sort. En ce sens, l’attitude de Cendrillon contraste beaucoup avec notre culture actuelle qui porte à la revendication et à la contestation. On pourrait qualifier son attitude de résiliente, non pas de son état de victime mais dans la confiance qu’elle porte en ce monde « magique » qui la dépasse. Elle est persuadée de la valeur immatérielle de sa conduite. Répondre au mal par le bien et l’amour même face à l’impression de la victoire du mal, telle est la ligne de conduite authentiquement chrétienne que l’on découvre en Cendrillon. Ses espoirs ne sont pas déçus!

Le deuxième élément central du Cendrillon de Kenneth Branagh est qu’il montre que l’orientation vers le bien est un choix qui relève de la responsabilité des personnes. Il est facile de le constater en faisant un parallèle entre deux personnages : Cendrillon et sa belle-mère. Toutes deux ont vu leur vie basculer à cause de la perte d’un être cher. Toutes deux ont souffert de cette perte qui a laissé une marque indélébile sur leur caractère. Une différence les séparent néanmoins. Dans leurs rapports avec le monde, l’une choisit le cynisme et la méfiance, l’autre la confiance et l’acceptation. On voit comment cette « option fondamentale » choisie librement aura des conséquences sur leur manière d’être et, en dernière analyse, sur leur bonheur. Ces deux personnes incarnent bien ce qui se remarque aujourd’hui au niveau des relations humaines et, ce, à tous les niveaux. En effet, que ce soit au travail, en famille, dans l’Église ou en société, nous voyons les effets qu’une attitude cynique et le manque de confiance peuvent avoir comme conséquences sur le bonheur de tous. Comme pour Cendrillon, croire en la possibilité de l’amour désintéressé de l’autre à son égard peut sembler incroyable lorsque l’on est entouré par l’égoïsme et l’injustice. En effet, comment mettre en pratique dans ma propre vie ce à quoi je ne crois pas moi-même ? Ce que nous apprend ce film, c’est qu’il est toujours possible de faire cet acte de foi en l’amour véritable. Il est toujours possible de choisir de répondre au mal par le bien.

En ce sens, une scène a particulièrement capté mon attention. C’est le moment où Cendrillon, juste avant de faire la connaissance du prince charmant, rencontre un énorme cerf. Dans la tradition chrétienne, le
cerf a longtemps symbolisé le Christ ou le chrétien. Il apparaît, en effet, dans plusieurs vies de saints et deer-580133_1280dans des textes de théologiens comme Bède Le Vénérable, Saint Patrick, Sainte Hélidie ou Saint Begge. Ayant cela en tête, la scène prend un sens d’une profondeur admirable. Dans un premier temps, on remarque que le cerf précède la rencontre entre le prince et Cendrillon, ce qui porte à croire que leur mariage a été précédé par le Christ. Deuxièmement, puisque le prince était justement parti à la chasse au cerf conformément aux traditions, cette rencontre est l’occasion pour Cendrillon de lui manifester que « se conformer aux conventions sociales n’est pas une raison suffisante pour tuer le Cerf ». Le Cerf symbolisant le Christ et, donc, l’amour, ce refus de le tuer signifie le refus de rejeter son amour pour Cendrillon. Cette scène met donc en évidence comment l’amour est, en premier lieu, une responsabilité et, donc, une possibilité que nous devons choisir malgré les milliers de « raisons » humaines qui nous poussent à l’ignorer.

À l’instar de Robert Barron ptre pour qui le film Cendrillon est « jusqu’à maintenant le plus surprenant des films hollywoodiens de cette année », je pense qu’il s’agit d’une fable d’inspiration chrétienne qui mérite de figurer dans la collection des films familiaux. En effet, il incarne fabuleusement les principes fondamentaux du christianisme et permet à tous de redécouvrir la beauté et la grandeur de la vie morale centrée sur l’amour désintéressé.

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