{"ID":19734,"post_author":"25","post_date":"2017-05-22 21:00:34","post_date_gmt":"2017-05-23 01:00:34","post_content":"\"\"\r\n\r\nAscension du Seigneur, Ann\u00e9e A - dimanche 28 mai 2017<\/strong>\r\n\r\nActes 1,1-11\r\n<\/em>\u00c9ph\u00e9siens 1,17-23\r\n<\/em>Matthieu 28,16-20<\/em>\r\n\r\nL\u2019\u00c9vangile de Matthieu pour la Solennit\u00e9 de l\u2019Ascension du Seigneur (28, 16-20) nous pr\u00e9sente la sc\u00e8ne majestueuse qui sert de conclusion logique au r\u00e9cit de l\u2019\u00e9vang\u00e9liste. Dans le droit fil du portrait qu\u2019il a trac\u00e9 de J\u00e9sus, Matthieu choisit de terminer son \u00c9vangile non pas sur un tableau \u00e9blouissant du nouveau pouvoir c\u00e9leste de J\u00e9sus, ni non plus sur le partage du pain ou le contact avec son corps, mais sur une sc\u00e8ne d\u2019une profonde simplicit\u00e9 qui met en valeur les paroles de J\u00e9sus, le grand ma\u00eetre, le seul ma\u00eetre (23, 8-10). La sc\u00e8ne de l\u2019ascension est le but auquel tend l\u2019\u00c9vangile et, en m\u00eame temps, une synth\u00e8se provocante de son message fondamental.\r\n\r\nLe passage d\u2019aujourd\u2019hui se divise en deux parties\u00a0: l\u2019apparition du Christ ressuscit\u00e9 aux disciples en Galil\u00e9e (v.16-18a), tel que promis en 28,7, et les instructions de J\u00e9sus qui forment la conclusion de l\u2019\u00c9vangile (v. 18b-20). Les disciples se rendent \u00e0 la montagne comme J\u00e9sus le leur avait ordonn\u00e9, ce qui \u00e9voque trois montagnes\u00a0: la montagne (5, 1-2) o\u00f9 J\u00e9sus donne le Sermon sur la montagne (Matthieu 5-7); la haute montagne (17, 1) o\u00f9 il est transfigur\u00e9 et o\u00f9 l\u2019annonce de sa passion (16, 21) est valid\u00e9e; et le mont des Oliviers (24, 3), lieu de son discours eschatologique (chapitres 24-25).\r\n\r\nLes onze de Matthieu <\/strong>\r\n\r\nConsid\u00e9rons la situation de ce petit groupe d\u2019ap\u00f4tres et de disciples envoy\u00e9s sur la montagne en Galil\u00e9e. Peut-on imaginer bande plus humaine, plus ordinaire, plus dysfonctionnelle, moins prometteuse ? La fragilit\u00e9 humaine pourrait-elle \u00eatre plus \u00e9vidente qu\u2019au sein de ce groupe\u2026 au milieu de la tricherie, de la l\u00e2chet\u00e9, du reniement pour ne nommer que quelques-uns des points faibles de ceux qui vont devenir les \u00ab colonnes \u00bb de notre \u00c9glise ! Ce n\u2019est qu\u2019au moment o\u00f9 celui qu\u2019on appelle \u00ab Rocher \u00bb prend conscience de l\u2019ampleur de son reniement que le minist\u00e8re de la direction et de l\u2019unit\u00e9 de l\u2019\u00c9glise lui tombe sur les \u00e9paules. Deux d\u2019entre eux, Jacques et Jean, ont fait preuve d\u2019une ambition \u00e9hont\u00e9e. Certains ont pos\u00e9 des questions qui trahissaient leur profonde ignorance du message et de la vie de leur ma\u00eetre. Une fragilit\u00e9 et une faiblesse path\u00e9tiques\u2026 Et pourtant l\u2019\u00c9vangile de Matthieu survole tout cela en nous disant que \u00ab les onze disciples \u00bb s\u2019en all\u00e8rent \u00e0 la montagne o\u00f9 J\u00e9sus leur avait dit de se rendre. Ils ne sont plus douze, le chiffre symbolique qui les situait dans la continuit\u00e9 de la longue histoire du juda\u00efsme, mais onze, rappel de la d\u00e9fection tragique de Judas Iscariote, vou\u00e9e \u00e0 un \u00e9chec lamentable. Mais en d\u00e9pit d\u2019une humanit\u00e9 criante et d\u2019un \u00e9chec flagrant, les onze se voient confi\u00e9s le r\u00eave et la mission du Seigneur ressuscit\u00e9.\r\n\r\nUne mission universelle <\/strong>\r\n\r\nAu verset 18, J\u00e9sus ressuscit\u00e9 revendique les pleins pouvoirs au ciel et sur la terre. Puisque ce pouvoir universel appartient au Seigneur ressuscit\u00e9, il conf\u00e8re aux onze une mission universelle. Ils devront faire des disciples de toutes les nations. M\u00eame si quelques ex\u00e9g\u00e8tes pensent que \u00ab toutes les nations \u00bb ne d\u00e9signent que tous les Gentils, il est probable que l\u2019expression inclut aussi les juifs. Le bapt\u00eame est le moyen d\u2019entrer dans la communaut\u00e9 du Ressuscit\u00e9 \u2013 l\u2019\u00c9glise. La fin de l\u2019\u00c9vangile de Matthieu contient l\u2019expression la plus claire de la foi trinitaire dans le Nouveau Testament. Ces mots \u00e9taient sans doute la formule baptismale qu\u2019employait l\u2019\u00e9glise de Matthieu mais ils d\u00e9crivent avant tout les effets du bapt\u00eame, l\u2019union de la personne baptis\u00e9e au P\u00e8re, au Fils et \u00e0 l\u2019Esprit Saint.\r\n\r\nAu verset 20, J\u00e9sus exhorte \u00e0 \u00ab garder tous les commandements que je vous ai donn\u00e9s \u00bb, ce qui renvoie certainement \u00e0 l\u2019enseignement moral qu\u2019on trouve dans l\u2019\u00e9vangile de Matthieu, et d\u2019abord au Sermon sur la montagne (5-7). Les commandements de J\u00e9sus sont la norme de la conduite chr\u00e9tienne, et non la loi mosa\u00efque comme telle, m\u00eame si certains commandements mosa\u00efques ont \u00e9t\u00e9 investis de l\u2019autorit\u00e9 de J\u00e9sus.\r\n\r\nLes mots \u00ab Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu\u2019\u00e0 la fin du monde \u00bb (v. 20) retentissent comme en \u00e9cho. Ils nous renvoient au d\u00e9but du r\u00e9cit de Matthieu, quand J\u00e9sus re\u00e7oit le nom d\u2019\u00ab Emmanuel \u00bb. Ce nom contient la r\u00e9ponse aux aspirations les plus profondes de l\u2019humanit\u00e9 qui cherche Dieu \u00e0 travers les \u00e2ges. Emmanuel est \u00e0 la fois une pri\u00e8re et une supplication (en notre nom) et une promesse et une d\u00e9claration de la part de Dieu. En pronon\u00e7ant ce nom, nous prions et nous supplions\u00a0: \u00ab Dieu, sois avec nous ! \u00bb Et quand Dieu le prononce, le Tout-puissant, l\u2019\u00c9ternel, l\u2019omnipr\u00e9sent Cr\u00e9ateur du monde nous dit\u00a0: \u00ab Je suis avec vous \u00bb en J\u00e9sus. \u00c0 la fin de l\u2019\u00c9vangile, le nom retentit en \u00e9cho lorsque J\u00e9sus ressuscit\u00e9 assure ses disciples de sa pr\u00e9sence constante\u00a0: \u00ab Je suis avec vous tous les jours jusqu\u2019\u00e0 la fin du monde \u00bb (v. 20). Dieu a bien tenu sa promesse en J\u00e9sus.\r\n\r\nC\u2019est l\u2019Eucharistie qui confirme ces mots \u00ab je suis avec vous \u00bb. Le Christ a dit \u00e0 ses ap\u00f4tres\u00a0: \u00ab Allez\u2026 et enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du P\u00e8re, du Fils et du Saint-Esprit \u00bb. Du Christ la voie de l\u2019initiation chr\u00e9tienne conduit directement \u00e0 l\u2019Eucharistie\u00a0: \u00ab je suis avec vous \u00bb, \u00ab je suis avec chacune et chacun de vous. \u00bb \u00ab Je fais partie de votre chair et de votre sang. \u00bb \u00ab Je partage votre propre exp\u00e9rience \u00bb.\r\n\r\nToucher le Seigneur ressuscit\u00e9<\/strong>\r\n\r\nDans son livre,\u00a0J\u00e9sus de Nazareth. De l\u2019entr\u00e9e \u00e0 J\u00e9rusalem \u00e0 la R\u00e9surrection<\/em>\u00a0(\u00c9ditions du Rocher, 2011), Beno\u00eet XVI traite du myst\u00e8re de l\u2019Ascension du Seigneur (p. 322-323)\u00a0:\r\n
L\u2019ancienne fa\u00e7on humaine d\u2019\u00eatre ensemble et de se rencontrer est d\u00e9pass\u00e9e. Maintenant on peut toucher J\u00e9sus d\u00e9sormais seulement aupr\u00e8s du P\u00e8re. <\/em>On peut le toucher seulement en montant. \u00c0 partir du P\u00e8re, dans la communion avec le P\u00e8re, il nous est accessible et proche de mani\u00e8re nouvelle. Cette nouvelle accessibilit\u00e9 pr\u00e9suppose aussi une nouveaut\u00e9 de notre part\u00a0: par le bapt\u00eame, notre vie est d\u00e9sormais cach\u00e9e avec le Christ en Dieu; dans notre v\u00e9ritable existence nous sommes d\u00e9j\u00e0 l\u00e0-haut<\/em>, aupr\u00e8s de lui, \u00e0 la droite du P\u00e8re (cf. Col 3,1s).\r\n\r\nSi nous avan\u00e7ons dans l\u2019essence de notre existence chr\u00e9tienne, alors nous touchons le Ressuscit\u00e9\u00a0: l\u00e0 nous sommes pleinement nous-m\u00eames. Le fait de toucher le Christ et le fait de monter sont intrins\u00e8quement li\u00e9s. Et rappelons-nous que, selon Jean, le lieu de \u00ab l\u2019\u00e9l\u00e9vation \u00bb du Christ est sa Croix et que notre \u00ab ascension \u00bb qui est toujours \u00e0 nouveau n\u00e9cessaire, notre mont\u00e9e pour le toucher, doit \u00eatre un chemin avec le Crucifi\u00e9. Le Christ aupr\u00e8s du P\u00e8re n\u2019est pas loin de nous, c\u2019est plut\u00f4t nous qui sommes loin de lui; mais le chemin entre lui et nous demeure ouvert. Ce n\u2019est pas un parcours de caract\u00e8re cosmique et g\u00e9ographique dont il s\u2019agit ici, mais c\u2019est la \u00ab navigation spatiale \u00bb du c\u0153ur qui conduit de la dimension du repliement sur soi \u00e0 la dimension nouvelle de l\u2019amour divin qui embrasse l\u2019univers.<\/blockquote>\r\nLe Christ est venu si pr\u00e8s de nous<\/strong>\r\n\r\nCe n\u2019est que par sa s\u00e9paration physique de la sc\u00e8ne historique que J\u00e9sus peut accomplir, achever son union spirituelle avec le monde entier jusqu\u2019\u00e0 la fin des temps. J\u00e9sus a quitt\u00e9 le monde un jour afin d\u2019\u00eatre disponible pour tout le monde \u00e0 travers les \u00e2ges. Il lui fallait dissoudre les liens qu\u2019il avait nou\u00e9s avec ses amis pour \u00eatre accessible \u00e0 tout un chacun. Nous avan\u00e7ons vers les cieux dans la mesure o\u00f9 nous nous approchons de J\u00e9sus. Le texte des sermons paroissiaux du Bienheureux John Henry Newman nous inspire en cette grande f\u00eate (PPS, vol. 6, no. 10)\u00a0:\r\n
Le d\u00e9part du Christ vers le P\u00e8re est \u00e0 la fois source de tristesse, parce qu\u2019il suppose Son absence, et source de joie, parce qu\u2019il suppose Sa pr\u00e9sence. De la doctrine de Sa r\u00e9surrection et de Son ascension naissent ces paradoxes chr\u00e9tiens dont parle souvent l\u2019\u00c9criture\u00a0: dans le deuil nous nous r\u00e9jouissons; d\u00e9poss\u00e9d\u00e9s, nous poss\u00e9dons toutes choses (2 Corinthiens 6,10).\r\n\r\nVoil\u00e0 d\u2019ailleurs notre condition pr\u00e9sente; nous avons perdu le Christ et nous L\u2019avons trouv\u00e9; nous ne Le voyons pas mais nous Le discernons. Nous Lui embrassons les pieds mais Il nous dit\u00a0: \u00ab Ne me touche pas \u00bb. Comment est-ce possible ? Voici\u00a0: nous avons perdu Sa perception sensible et consciente; nous ne pouvons Le regarder, L\u2019entendre, converser avec Lui, Le suivre d\u2019un endroit \u00e0 l\u2019autre; mais nous go\u00fbtons Sa vision et Sa possession r\u00e9elle, spirituelle, immat\u00e9rielle, int\u00e9rieure, mentale; possession plus r\u00e9elle et plus pr\u00e9sente que celle qu\u2019avaient les ap\u00f4tres quand Il \u00e9tait dans la chair, parce qu\u2019elle est spirituelle, parce qu\u2019elle est invisible.<\/blockquote>\r\nLe Christ, raison de notre joie<\/strong>\r\n\r\nEnfin, le pape Beno\u00eet XVI nous laisse une image consolante du Seigneur ressuscit\u00e9 qui jamais ne nous quitte. Dans son ouvrage, J\u00e9sus de Nazareth. De l\u2019entr\u00e9e \u00e0 J\u00e9rusalem \u00e0 la R\u00e9surrection<\/em>\u00a0(\u00c9ditions du Rocher, 2011), le pape \u00e9m\u00e9rite \u00e9crit (p.321-322)\u00a0:\r\n
Puisque J\u00e9sus est aupr\u00e8s du P\u00e8re, il n\u2019est pas loin, mais il est proche de nous. Maintenant il ne se trouve plus dans un lieu particulier du monde comme avant \u00ab l\u2019ascension \u00bb; maintenant, dans son pouvoir qui d\u00e9passe toute spatialit\u00e9, il est pr\u00e9sent \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de tous et tous peuvent l\u2019invoquer \u2013 \u00e0 travers toute l\u2019histoire \u2013 et en tous lieux.\r\n\r\nApr\u00e8s la multiplication des pains, le Seigneur ordonne aux disciples de monter sur la barque et de le pr\u00e9c\u00e9der sur l\u2019autre rive, vers Bethsa\u00efde, pendant que lui-m\u00eame renverra la foule. Ensuite il se retire \u00ab sur la montagne \u00bb pour prier. Les disciples sont donc seuls sur la barque. Il y a un vent contraire, la mer est agit\u00e9e. Ils sont menac\u00e9s par la violence des vagues et de la temp\u00eate. Le Seigneur semble \u00eatre loin, en pri\u00e8re sur sa montagne. Mais puisqu\u2019il est aupr\u00e8s du P\u00e8re, il les voit. Et puisqu\u2019il les voit, il vient \u00e0 eux en marchant sur la mer, il monte sur la barque avec eux et rend possible la travers\u00e9e jusqu\u2019\u00e0 son but.\r\n\r\nC\u2019est une image pour le temps de l\u2019\u00c9glise \u2013 qui nous est donc aussi destin\u00e9e. Le Seigneur est \u00ab sur la montagne \u00bb du P\u00e8re. Par cons\u00e9quent il nous voit. Par cons\u00e9quent il peut \u00e0 tout moment monter sur la barque de notre vie. Par cons\u00e9quent nous pouvons toujours l\u2019invoquer et toujours \u00eatre s\u00fbrs qu\u2019il nous voit et qu\u2019il nous entend. Aujourd\u2019hui aussi la barque de l\u2019\u00c9glise, avec le vent contraire de l\u2019histoire, navigue \u00e0 travers l\u2019oc\u00e9an agit\u00e9 du temps. Souvent on a l\u2019impression qu\u2019elle va sombrer. Mais le Seigneur est pr\u00e9sent et vient au moment opportun. \u00ab Je m\u2019en vais et je viens \u00e0 vous \u00bb \u2013 c\u2019est cela la confiance des chr\u00e9tiens, la raison de notre joie.<\/blockquote>\r\n