Agnus Dei ou l'évangélisation par la beauté

Francis Denis

24 mars 2017
Ce mercredi matin, 22 mars 2017,  avait lieu le lancement montréalais du plus récent album de Mario Pelchat intitulé « Agnus Dei ». Enregistré avec la collaboration de trois séminaristes, quatre prêtres et un évêque de l’archidiocèse de Québec, ce disque original nous fait revisiter une tradition musicale aussi riche qu’enracinée dans la culture québécoise. Je ne suis ni un spécialiste, ni un habitué de la critique culturelle et musicale. Je prends toutefois l’initiative de recommander ce que je perçois comme un excellent album. Il est, selon moi, un instrument pouvant nous faire voyager dans l’une des dimensions les plus accessibles de notre histoire catholique. Outre le plaisir inhérent à l’expérience musicale, l’écoute d’Agnus Dei de Mario Pelchat m’a procuré un sentiment de fierté. En effet, j’y ai perçu la conviction, à la fois, de l’immensité de notre héritage ecclésial ainsi que de la nécessité de l’implication des catholiques dans toutes les sphères de la société. Ce que nous appelons avec saint Paul « l’urgence missionnaire »(2 Cor 5:14).
Évangéliser par la beauté
La nouvelle évangélisation est évidemment la mission à laquelle nous sommes tous conviés. Or, bien que cette mission  n’ait pas d’abord pour but de préserver des « pierres » ( Mc 13,2) mais bien de présenter d’une manière renouvelée l’Alliance gratuite à laquelle Dieu nous convie en Jésus-Christ, nos églises, elles sont encore les lieux privilégiés de cette annonce. Pourquoi ? Pour la même raison qui a poussé et soutenu les « bâtisseurs de cathédrale » de chez nous, c’est-à-dire l’amour d’un Dieu Bon et Beau !
Bien que nos constructeurs d’aujourd’hui feront davantage dans la rénovation plutôt que dans la fondation, il n’en demeure pas moins que nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de ceux qui nous regardent aujourd’hui du ciel. En effet, la meilleure garantie de nos aïeuls sur leurs églises fut de mettre tous leur cœur dans leurs constructions en y mettant ce qu’ils avaient de plus beau et de plus riche. Dostoïevski (L'idiot) disait : « La beauté sauvera le monde ». J’ajouterai à cela : « C’est la beauté qui sauvera nos églises ». Quel génie ils ont eu ! De fait, qui oserait détruire des œuvres d’art aussi inestimables ? Encore faudra-t-il être en mesure de reconnaître le beau. En sommes-nous encore capables ?  Je me le demande parfois lorsque je vois des églises être détruites…
Ainsi, comme l’enseigne le Concile Vatican II :
Dans la formation musicale des missionnaires, on veillera avec soin à ce que, dans la mesure du possible, ils soient capables de promouvoir la musique traditionnelle de ces peuples, tant à l’école que dans les actions sacrées. (No119)
Nul n’est moins au courant de l’importance du patrimoine religieux que les catholiques du Québec. Toutefois, personne n’est heureux de voir la destruction d’une église comme trop souvent nous en sommes témoins. L’évangélisation demande donc la préservation puisque la beauté des églises du Québec sera encore le lieu de cette rencontre d’un Amour qui bouleverse. Ainsi, puisque ce patrimoine demande l’implication de toute la société, cet album est une contribution non négligeable à cette éducation au beau dont nous avons grandement besoin.
Évangélisation exige préservation
Loin de se contenter de cela, Mario Pelchat a voulu témoigner concrètement de l’importance de la préservation de notre patrimoine qui incombe principalement aux laïcs. En effet, une grande partie des profits de cet album ira au transfert de l’Orgue Casavant de l’église Saint-François d’Assise de Limoilou vers la cathédrale de Baie-Comeau. En cela, il répond encore aux intuitions de Vatican II :
« On estimera hautement, dans l’Église latine, l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel. » (no120)
L’orgue et les mélodies qui parsèment nos célébrations liturgiques demeurent encore pour nous et nos enfants l’instrument par excellence. Un moyen culturellement approprié et qui nous rend capable de sentir physiquement le Mystère auquel nous assistons et dont nous n’épuiserons jamais la richesse.
La nouvelle évangélisation par la beauté passe donc par l’implication de tous à la préservation de notre patrimoine. Suivons l’exemple de Mario Pelchat et des prêtres qui, de par leur témoignage, nous invite à suivre cette inspiration qui nous habite tous.