{"ID":19204,"post_author":"25","post_date":"2017-03-13 21:00:36","post_date_gmt":"2017-03-14 01:00:36","post_content":"\r\n\r\nTroisi\u00e8me dimanche de Car\u00eame, Ann\u00e9e A - 19 mars 2017<\/strong>\r\n\r\nExode 17,3-7\r\n<\/em>Romains 5,1-2.5-8\r\n<\/em>Jean 4,5-42<\/em>\r\n<\/strong>\r\n\r\nPour bien saisir le sens de la premi\u00e8re lecture d\u2019aujourd\u2019hui (Exode 17, 3-7), il faut se rappeler les \u00e9v\u00e9nements du chapitre pr\u00e9c\u00e9dent. Le petit troupeau de Dieu conna\u00eet la disette et proteste aupr\u00e8s de Mo\u00efse. De m\u00eame que le Seigneur avait entendu le cri de son peuple opprim\u00e9 dans la servitude (Exode 3,7), Dieu entend maintenant le cri des affam\u00e9s et leur fournit de la nourriture\u00a0: la manne et les cailles. Si on a pu ainsi rem\u00e9dier \u00e0 la p\u00e9nurie de nourriture au chapitre 16, le passage que nous lisons aujourd\u2019hui \u00e9voque un nouveau danger, non moins mena\u00e7ant\u00a0: le manque d\u2019eau potable.\r\n\r\nEn 17,1, le narrateur rapporte simplement les faits pour annoncer le diff\u00e9rend entre le peuple et Mo\u00efse. Peut-\u00eatre sous l\u2019influence de l\u2019exp\u00e9rience pr\u00e9c\u00e9dente, Mo\u00efse interpr\u00e8te la querelle du peuple avec lui comme une mise en accusation de Dieu (17,2). Il a fait la m\u00eame chose en Exode 16,8\u00a0: \u00ab Nous (Aaron et moi), que sommes-nous ? Ce n\u2019est pas nous mais bien le Seigneur que vos murmures atteignent. \u00bb Tandis que Mo\u00efse r\u00e9agit au conflit, la r\u00e9action de Dieu est toute sous le signe de la compassion. Le Dieu d\u2019Isra\u00ebl ne condamne jamais les H\u00e9breux qui r\u00e9criminent; il demande simplement \u00e0 Mo\u00efse de r\u00e9unir les anciens, de les conduire \u00e0 un rocher du mont Horeb, qu\u2019il frappera avec le b\u00e2ton dont il s\u2019est servi pour op\u00e9rer tant d\u2019autres miracles en \u00c9gypte. Dieu donne \u00e0 Mo\u00efse l\u2019assurance de la Pr\u00e9sence divine\u00a0: \u00ab Moi, je serai l\u00e0 devant toi \u00bb (v. 6). Par le don de la manne, pain venu du ciel, pr\u00e9c\u00e9demment, et maintenant par le don de l\u2019eau (jaillie d\u2019un rocher terrestre), Dieu pourvoit aux besoins de son peuple et manifeste son pouvoir sur la cr\u00e9ation.\r\n\r\nLes deux noms de Massa et de M\u00e9riba seront d\u00e9sormais synonymes de mise \u00e0 l\u2019\u00e9preuve du Dieu d\u2019Isra\u00ebl\u00a0: \u00ab Vous ne mettrez pas le Seigneur votre Dieu \u00e0 l\u2019\u00e9preuve comme vous l\u2019avez mis \u00e0 l\u2019\u00e9preuve \u00e0 Massa \u00bb (Deut\u00e9ronome 6,16; Psaume 81,7). Quand le peuple met Dieu \u00e0 l\u2019\u00e9preuve, il faut comprendre qu\u2019il a besoin de sa pr\u00e9sence tangible \u00e0 ses c\u00f4t\u00e9s. Le geste du peuple qui met Dieu \u00e0 l\u2019\u00e9preuve est interpr\u00e9t\u00e9 au verset 7b comme un manque de foi en la pr\u00e9sence de Dieu avec lui. D\u00e8s que la situation devient difficile, le peuple r\u00e9agit en mettant en doute la pr\u00e9sence de Dieu.\r\n\r\nUne rencontre ironique<\/strong>\r\n\r\nLe th\u00e8me de la soif et de l\u2019eau revient dans le r\u00e9cit fascinant et \u00e9vocateur de l\u2019\u00c9vangile d\u2019aujourd\u2019hui\u00a0: celui de la rencontre en plein midi entre la Samaritaine et J\u00e9sus (Jean 4,5-42) ! La Samaritaine fait l\u2019objet de la cat\u00e9ch\u00e8se la plus soign\u00e9e et la plus intense de tout l\u2019\u00c9vangile de Jean. Le r\u00e9cit d\u2019aujourd\u2019hui comporte plusieurs pointes d\u2019ironie et on rel\u00e8ve plusieurs \u00e9l\u00e9ments d\u00e9plac\u00e9s dans cette sc\u00e8ne au puits de Jacob en plein c\u0153ur du pays samaritain. Tout d\u2019abord, le puits est un espace public accessible aux hommes comme aux femmes mais ils ne sont pas cens\u00e9s s\u2019y retrouver en m\u00eame temps. Pourquoi cette femme vient-elle au puits en plein midi ? Probablement parce que les femmes de l\u2019endroit l\u2019\u00e9vitent \u00e0 cause de son comportement \u00e9hont\u00e9. Elle a eu cinq maris et l\u2019homme avec lequel elle vit maintenant n\u2019est pas son mari (v. 16-18). On se croirait \u00e0 Hollywood !\r\n\r\nIl \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s louche pour un homme d\u2019adresser la parole \u00e0 une femme qui n\u2019\u00e9tait pas chaperonn\u00e9e. En outre, les Juifs tenaient les Samaritaines pour rituellement impures; il \u00e9tait donc interdit aux Juifs de boire d\u2019un r\u00e9cipient qu\u2019auraient touch\u00e9 ces femmes. Les disciples sont renvers\u00e9s (encore une fois) par le comportement de J\u00e9sus.\r\n\r\nSurprise, la femme demande \u00e0 J\u00e9sus s\u2019il se croit plus grand \u00ab que notre p\u00e8re Jacob qui nous a donn\u00e9 ce puits et qui en a bu lui-m\u00eame, avec ses fils et ses b\u00eates \u00bb (v. 12). La pause comique dans le r\u00e9cit se termine abruptement avec le deuxi\u00e8me ordre que donne J\u00e9sus\u00a0: \u00ab Va, appelle ton mari. \u00bb Dans la suite du dialogue avec la Samaritaine, J\u00e9sus se r\u00e9v\u00e8le plus grand que le patriarche Jacob\u00a0: J\u00e9sus inaugure en effet une nouvelle alliance, un culte nouveau et une r\u00e9v\u00e9lation nouvelle.\r\n\r\nQuand J\u00e9sus offre \u00e0 la femme \u00ab de l\u2019eau vive \u00bb, elle r\u00e9pond qu\u2019il n\u2019a m\u00eame pas de seau pour puiser. Elle pense \u00e0 l\u2019eau de source, qui est tellement plus d\u00e9sirable que l\u2019eau stagnante d\u2019une citerne. Mais quand elle entend parler d\u2019une eau qui deviendra source jaillissante pour la vie \u00e9ternelle, elle en sait assez pour demander\u00a0: \u00ab Seigneur, donne-la moi, cette eau\u2026 \u00bb C\u2019est l\u2019eau de la vie, l\u2019eau vive, c\u2019est-\u00e0-dire la r\u00e9v\u00e9lation qu\u2019apporte J\u00e9sus. J\u00e9sus invite son interlocutrice \u00e0 voir la r\u00e9alit\u00e9 \u00e0 un tout autre niveau\u00a0: il y a l\u2019eau et l\u2019eau vive, le pain et la nourriture qu\u2019est la volont\u00e9 de Dieu; Jacob et J\u00e9sus; le Messie promis et J\u00e9sus; les id\u00e9es sur le culte et le culte v\u00e9ritable; et on pourrait prolonger la liste. Le culte de J\u00e9sus \u00ab en esprit et en v\u00e9rit\u00e9 \u00bb (v. 23) ne fait pas r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 un culte que chacun c\u00e9l\u00e9brerait en son for int\u00e9rieur, dans son esprit \u00e0 lui ou \u00e0 elle. L\u2019Esprit dont il s\u2019agit est l\u2019Esprit donn\u00e9 par Dieu, qui r\u00e9v\u00e8le la v\u00e9rit\u00e9 et permet de rendre \u00e0 Dieu le culte qui convient (Jean 14, 16-17).\r\n\r\nLa femme \u00e0 qui J\u00e9sus r\u00e9v\u00e8le la v\u00e9rit\u00e9 de sa vie, laisse l\u00e0 sa cruche et retourne \u00e0 la ville chercher les gens pour qu\u2019ils viennent voir J\u00e9sus\u00a0: \u00ab Venez voir un homme qui m\u2019a dit tout ce que j\u2019ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? \u00bb N\u2019est-ce pas une attitude qui nous convienne \u00e0 nous aussi, qui sentons notre foi vaciller, de temps \u00e0 autre, quoi que nous fassions pour persuader les autres d\u2019aller \u00e0 Lui, d\u2019aller \u00e0 la Source ?\r\n\r\nQui sont aujourd\u2019hui les Samaritaines ?<\/strong>\r\n\r\nPermettez-moi de reprendre le r\u00e9cit de la Samaritaine et de l\u2019appliquer \u00e0 quelques situations concr\u00e8tes de notre temps. Dans l\u2019\u00e9vangile provocant d\u2019aujourd\u2019hui, J\u00e9sus renverse les barri\u00e8res culturelles pour traiter en \u00e9gale une Samaritaine anonyme. Les femmes comme elle sont marginalis\u00e9es dans plusieurs soci\u00e9t\u00e9s patriarcales. Des femmes comme elle continuent de faire ce travail harassant qui consiste \u00e0 aller chercher l\u2019eau pour leur famille et pour leurs b\u00eates. Nous les voyons si souvent, aux informations, sur des photos et des illustrations qui nous lancent un cri depuis le tiers-monde. Ces femmes portent la responsabilit\u00e9 d\u2019un dur travail domestique.\r\n\r\nD\u2019une certaine fa\u00e7on, la requ\u00eate que pr\u00e9sente la Samaritaine en demandant de l\u2019eau vive, dans l\u2019\u00c9vangile d\u2019aujourd\u2019hui, peut aussi \u00eatre interpr\u00e9t\u00e9e de mani\u00e8re symbolique comme exprimant une soif, une aridit\u00e9, un sentiment de vide \u00e0 combler. L\u2019\u00e9change profond qu\u2019a la Samaritaine avec J\u00e9sus transforme compl\u00e8tement sa vie. \u00c0 la fin, elle laisse sa cruche \u2013 le vide, l\u2019aridit\u00e9, la soif \u2013 et va trouver les gens dont elle se cachait. Elle leur partage sa rencontre lib\u00e9ratrice avec J\u00e9sus le messie. Marginalis\u00e9e, exclue peut-\u00eatre, elle a soif d\u2019inclusion et d\u2019acceptation. Elle a trouv\u00e9 en J\u00e9sus l\u2019acceptation et, du m\u00eame coup, le sens de sa vie et la dignit\u00e9 qu\u2019elle recherchait depuis si longtemps !\r\n\r\nIl y a aujourd\u2019hui bien des \u00ab Samaritaines \u00bb qui de diverses fa\u00e7ons aspirent \u00e0 \u00eatre lib\u00e9r\u00e9es du fardeau de leur existence. Elles ont soif de compr\u00e9hension, elles ont soif d\u2019\u00eatre accept\u00e9es pour ce qu\u2019elles sont dans la soci\u00e9t\u00e9. Pensons aux victimes de la traite des personnes, en particulier aux femmes et aux petites filles, qui ont besoin de gens comme J\u00e9sus pour les \u00e9couter, leur parler et les d\u00e9criminaliser. Nombreux sont ceux qui voient en elles des criminelles, des parias; elles sont marginalis\u00e9es parce qu\u2019elles se font immigrantes ill\u00e9gales en qu\u00eate d\u2019un bon emploi \u00e0 l\u2019\u00e9tranger pour pouvoir faire vivre leur famille au pays. Quelle sorte de situation \u00e0 la maison les oblige \u00e0 partir ainsi \u00e0 l\u2019aventure ? Quels sacrifices acceptent-elles pour ceux qu\u2019elles aiment ? Il faut les aider \u00e0 reconqu\u00e9rir la dignit\u00e9 que Dieu leur a donn\u00e9e.\r\n\r\nL\u2019histoire de la Samaritaine est une m\u00e9taphore de notre propre vie\u00a0: v\u00e9cue souvent dans l\u2019aridit\u00e9 de l\u2019ali\u00e9nation, du p\u00e9ch\u00e9, du d\u00e9sespoir. Pendant le Car\u00eame, en particulier, nous languissons apr\u00e8s les eaux d\u00e9salt\u00e9rantes du repentir, du pardon et de l\u2019int\u00e9grit\u00e9. Nous repentir, c\u2019est reconna\u00eetre notre besoin de vie au milieu du d\u00e9sert, le besoin que nous avons d\u2019abattre les barri\u00e8res qui nous s\u00e9parent, le besoin que nous avons de l\u2019eau vive qui apaisera vraiment notre soif. Le Car\u00eame nous invite \u00e0 nous unir \u00e0 la Samaritaine de l\u2019\u00c9vangile d\u2019aujourd\u2019hui et \u00e0 toutes les Samaritaines de notre monde qui ont d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment besoin de vie. Que le Seigneur nous donne le courage de leur tendre la main, de les \u00e9couter, de les nourrir et de partager avec elles les eaux vives.\r\n\r\nDans son Message pour le Car\u00eame 2011, le pape Beno\u00eet a \u00e9crit:\r\n\u00ab Donne-moi \u00e0 boire \u00bb (Jn <\/em>4,7). Cette demande de J\u00e9sus \u00e0 la Samaritaine, qui nous est rapport\u00e9e dans la liturgie du troisi\u00e8me dimanche, exprime la passion de Dieu pour tout homme et veut susciter en notre c\u0153ur le d\u00e9sir du don de \u00ab l\u2019eau jaillissant en vie \u00e9ternelle \u00bb (v.14): C\u2019est le don de l\u2019Esprit Saint qui fait des chr\u00e9tiens de \u00ab vrais adorateurs \u00bb, capables de prier le P\u00e8re \u00ab en esprit et en v\u00e9rit\u00e9 \u00bb (v.23). Seule cette eau peut assouvir notre soif de bien, de v\u00e9rit\u00e9 et de beaut\u00e9 ! Seule cette eau, qui nous est donn\u00e9e par le Fils, peut irriguer les d\u00e9serts de l\u2019\u00e2me inqui\u00e8te et insatisfaite \u00ab tant qu\u2019elle ne repose en Dieu \u00bb, selon la c\u00e9l\u00e8bre expression de saint Augustin.<\/blockquote>\r\nVivre le Car\u00eame cette semaine<\/strong>\r\n\r\n1. Vous demandez la question\u00a0: de quoi avez-vous soif en ce temps du Car\u00eame ? Qui cherchez-vous ?\r\n\r\n2. R\u00e9fl\u00e9chissez \u00e0 ces paroles de Jean Vanier, \u00e0 la lumi\u00e8re de l\u2019\u00c9vangile de la Samaritaine:\r\n
Nous sommes bris\u00e9s. Par cette blessure la pleine puissance de Dieu peut p\u00e9n\u00e9trer notre \u00eatre et nous transfigurer en Dieu. La solitude n\u2019est pas quelque chose qu\u2019il faut fuir mais plut\u00f4t le lieu d\u2019o\u00f9 nous pouvons crier vers Dieu, le lieu o\u00f9 Dieu nous trouvera et o\u00f9 nous trouverons Dieu. Oui, c\u2019est par nos blessures que la puissance de Dieu peut nous p\u00e9n\u00e9trer et se faire fleuves d\u2019eau vive pour irriguer la terre aride en nous. Ainsi pourrons-nous \u00e0 notre tour irriguer la terre aride chez d\u2019autres personnes afin que renaissent l\u2019esp\u00e9rance et l\u2019amour.<\/blockquote>\r\n3. Lisez les paragraphes #97-98, \u00ab Parole de Dieu et t\u00e9moignage chr\u00e9tien \u00bb, dans l\u2019Exhortation post-synodale Verbum Domini\u00a0<\/em>:\r\n
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