« Misericordia et misera » ou la Miséricorde comme socle de l'action pastorale

Francis Denis

25 novembre 2016
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Photo: CNS/Paul Haring
Dimanche dernier, alors que se terminait la liturgie de conclusion de l’année jubilaire de la miséricorde, le pape François apposait sa signature sur la lettre apostolique « Misericordia et misera ». Faisant sienne la célèbre expression de Saint-Augustin selon laquelle « il ne resta que la misérable pécheresse en face de la bonté miséricordieuse », l’Évêque de Rome a voulu, par ce document, laisser un testament spirituelle de ce Jubilé à l’ensemble du Peuple de Dieu.
Pour vous tous qui avez pu suivre de près ou de loin l’agenda chargé du pape François lors de cette année, vous aurez certainement remarqué qu’il a tenu à rendre la miséricorde accessible et compréhensible pour tous. Que ce soit par l’organisation de pèlerinages et de rencontres à Rome tels que les jubilés des malades, des pauvres, des prisonniers, des catéchètes, et j’en passe, il est clair que le Pape voulait que tous aient l’occasion de faire l’expérience de la Miséricorde c’est-à-dire de l’Amour incommensurable que Dieu met à la portée de notre pauvreté.
Ainsi, comme un père attentif à ce que ses enfants aient bien compris, le Pape a voulu écrire cette lettre apostolique dans laquelle on retrouve plusieurs éléments. Dans un premier temps, il nous offre une réflexion sur l’Évangile dit de la « femme adultère » (Jn 8, 1-11) que l’on peut considérer comme « l’icône de ce que nous avons vécu durant le Jubilé » (no1).
En effet, pour François, cet épisode manifeste bien la logique de l’Évangile qui « replace la loi mosaïque dans son intention originelle » (no1). Jésus, de la même manière qu’Il allait, en décrétant son indissolubilité, réinsérer le mariage dans l’intention du Créateur, il allait aussi remettre la loi dans l’intention du Dieu Unique qui était d’être miséricordieux devant l’humanité blessée. En effet, « Il y a une valeur propédeutique dans la loi (cf. Ga 3,24) qui a comme fin, la charité (cf. Tm 1,5) » (no 11). Elle n’est que le commencement de la sainteté, son socle fondamental. Toutefois, puisqu’éviter le mal n’est pas encore faire le bien, nous devons aller plus loin en portant notre regard davantage sur l’horizon à atteindre que sur le sol qui nous porte.
De plus, la lumière miséricordieuse du Père nous libère de toute volonté de justification fortuite. Plus besoin de nous déculpabiliser en rationalisant ou en accusant les autres de nos propres fautes. Devant la croix du Christ, nous pouvons laisser tout cela derrière nous en acceptant la vérité sur nous-mêmes. Nos yeux fixés sur le visage du Christ, nous rencontrons l’Amour inconditionnel du Père qui nous purifie de notre égoïsme et nos infidélités. Lui, qui nous a pardonné « alors que nous étions ses ennemis » (Rm 5, 10), ne dédaigne aucune de nos contritions lorsqu’elles sont présentées dans l’humilité, le regret et « le désir sincère de ne plus offenser Dieu et de faire pénitence ». Ainsi chaque admission en confession nous permettra de revivre cet acte originel de salut reçu au baptême. D’où l’insistance du pape à redécouvrir le sacrement de pénitence (no8-11).
De cette expérience mille fois renouvelée, naît une joie constante et indéfectible capable de nous porter à travers tous les aléas de la vie. Citant le Pasteur d’Hermas, le Saint-Père affirme « Tout homme joyeux fait le bien, pense le bien et méprise la tristesse » (no3) non pas que nous devons cesser de « pleurer avec ceux qui pleurent » (Rm 12, 15) mais plutôt que nous ne devons pas nous laisser détourner de ce qui risque d’être détourné cette joie profonde que procure l’espérance d’être sauvé. Tentation toujours présente en un monde où les nouvelles de scandales et de corruptions sont omniprésentes.
Le document se poursuit par une série de paragraphes orientés à manifester différentes conséquences concrètes de la miséricorde dans la vie de l’Église et du monde. Exhortant tous et chacun à mettre de côté ce qui fait obstacle au déploiement du pardon de Dieu en notre monde, on peut interpréter dans ce contexte l’élargissement du pouvoir de tous les prêtres à octroyer l’absolution pour le péché d’avortement ainsi que l’étendue de la permission de confesser et de se confesser licitement à un prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (no 12).
Réaffirmant la mission profondément salvifique de l’Église par ses réformes Ad Intra, le Pape offre ensuite sa volonté que perdure cette pratique de souligner la miséricorde présente dans toutes les pratiques de l’Église, qu’elles soient liturgiques, spirituelles, sociales ou missionnaires.
Je vous invite à lire cette Lettre apostolique du pape François. On a pu le remarquer durant l’année, ce thème de la miséricorde, si cher au successeur de Pierre, nous permet à tous de faire un pas de plus vers la sainteté à laquelle nous sommes appelés. En nous donnant les instruments nécessaires pour prendre acte les grâces auxquelles nous avons pu assister ou bénéficier durant cette année jubilaire, le Pape nous invite à rendre grâce en partageant cette expérience qui nous a tous transformés profondément. Goûter de près cette proximité de Dieu aura donc été pour nous le socle nouveau sur lequel appuyer l’ensemble de la mission qui se présente devant nous.