Une pastorale positive : réflexion sur le deuxième chapitre d’Amoris Laetitia

Julian Paparella

10 juin 2016
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« Pendant longtemps, nous avons cru qu’en insistant seulement sur des questions doctrinales, bioéthiques et morales, sans encourager l’ouverture à la grâce, nous soutenions déjà suffisamment les familles, consolidions le lien des époux et donnions un sens à leur vie commune. Nous avons du mal à présenter le mariage davantage comme un parcours dynamique de développement et d’épanouissement, que comme un poids à supporter toute la vie… Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles… Cependant, nous avons souvent été sur la défensive, et nous dépensons les énergies pastorales en multipliant les attaques contre le monde décadent, avec peu de capacité dynamique pour montrer des chemins de bonheur. » (Amoris Laetitia, nos. 37-38)
Par ces phrases puissantes, le Pape François propose une approche envers les familles modernes qui est à la fois positive et pastorale. Dans le deuxième chapitre d’Amoris Laetitia intitulé « La réalité et les défis de la famille », le Pape commence son propos en notant que : « Le bien de la famille est déterminant pour l’avenir du monde et de l’Église » (no. 31). Ainsi, il considère d’abord la réalité concrète et les problèmes contemporains auxquels les familles d’aujourd’hui font face pour ensuite exhorter l’Église à contribuer de manière constructive aux solutions plutôt que de rappeler uniquement leurs lacunes.
Le Pape François avoue courageusement que : « Beaucoup ne sentent pas que le message de l’Église sur le mariage et la famille est un reflet clair de la prédication et des attitudes de Jésus, qui, en même temps qu’il proposait un idéal exigeant, ne renonçait jamais à une proximité compatissante avec les personnes fragiles, comme la Samaritaine ou la femme adultère » (no. 38). La réflexion du Pape se fonde sur le constat suivant : notre époque moderne, très influencée par les technologies, augmente les défis de la formation des familles puisqu’elle propose une « culture du provisoire ». Une culture où nous passons rapidement d’une relation à l’autre, en nous connectant et en nous déconnectant, en nous « bloquant », nous « jetant ». Une culture qui finit par « utiliser » les autres comme s’ils étaient des objets, rendant « les personnes incapables de regarder au-delà d’elles-mêmes » (no. 39). La solitude est un autre obstacle à la vie familiale, « fruit de l’absence de Dieu dans la vie des personnes et de la fragilité des relations » (no. 43). Cela exacerbe une culture de la promiscuité qui prive les gens du véritable sens de la rencontre et empêche de mener à terme des relations significatives. Dans un tel milieu culturel, « nous devons trouver les mots, les motivations et les témoins qui nous aident à toucher les fibres les plus profondes des jeunes, là où ils sont le plus capables de générosité, d’engagement, d’amour et même d’héroïsme, pour les inviter à accepter avec enthousiasme et courage le défi du mariage » (no. 40).
Le Pape n’est pas aveugle aux vrais problèmes auxquels les familles font face à travers le monde. Le chômage et l’obsession du travail, la pauvreté et le manque de logements abordables, la polygamie et l’abus des femmes, les dépendances et l’abus de substance, la migration causée par les conflits politiques et l’instabilité économique – tout cela menace l’épanouissement de la famille et peut même mener ces dernières à se briser par le divorce ou la séparation. « Dans les situations difficiles que vivent les personnes qui sont le plus dans le besoin, l’Église doit surtout avoir à cœur de les comprendre, de les consoler, de les intégrer, en évitant de leur imposer une série de normes, comme si celles-ci étaient un roc, avec pour effet qu’elles se sentent jugées et abandonnées précisément par cette Mère qui est appelée à les entourer de la miséricorde de Dieu. Ainsi, au lieu de leur offrir la force régénératrice de la grâce et la lumière de l’Évangile, certains veulent en faire une doctrine, le transformer en « pierres mortes à lancer contre les autres » » (no. 49).
Ainsi, le pape François manifeste son désir d’une Église à l’image « d’un hôpital de campagne au milieu d’un champ de bataille » par opposition à une enclave élitiste de personnes pieuses et parfaites. Au contraire, l’Église doit guérir les blessures et prescrire ce médicament qu’est la miséricorde. Elle doit rencontrer les personnes là où elles sont et ne pas simplement leur montrer où « il faut » qu’elles soient. Elle doit mener les personnes à Dieu au lieu de se lamenter d’une présumée impiété. Ainsi, le Pape François propose l’approche que Jésus nous offre en nous donnant les Béatitudes : transcender les commandements de la négation (« Tu ne … pas ») afin de lancer un appel positif à la sainteté et au bonheur qui bénit sans jugement. Avec le Pape réveillons « une créativité missionnaire » et disons « une parole de vérité et d’espérance » (no. 57). Ainsi, avec la charité du Christ et la grâce de l’Évangile nous transformerons ce monde en crise.
(CNS Photo/Paul Haring)